Le genre, angle mort des discriminations à l’école

Récupéré sur Mediapart, cet article qui date un peu (2012) mais n’en reste pas moins valable…

Dans l’école mixte et officiellement égalitaire d’aujourd’hui, certains chiffres laissent songeur. En fin de troisième, parmi les élèves orientés, 78 % des garçons vont dans le secteur de la production et 88 % des filles dans les services. Dans la voie technologique, le médico-social accueille 93 % de filles, les sciences et technologies industrielles 89 % de garçons. Dans la filière générale, la filière L est toujours composée par 79 % de filles.

« Ce sont des chiffres qui n’évoluent pratiquement pas », observe la sociologue Clotilde Lemarchant, spécialiste du genre dans le champ scolaire. Que filles et garçons, dès que le système scolaire leur en offre la possibilité, se séparent et épousent aussi massivement les stéréotypes de genre, est accueilli tantôt avec fatalisme tantôt avec indifférence.« C’est un peu affligeant, mais qu’est-ce qu’on y peut ? » se demande une enseignante.

Une classe de lycée technologique à MarseilleUne classe de lycée technologique à Marseille© LD

De fait, le rôle de l’institution scolaire dans la reproduction de ces schémas est difficile à cerner. S’interroger sur l’existence de discriminations selon le sexe à l’école peut paraître à première vue incongru voire déplacé. Qu’il existe encore aujourd’hui des trajectoires scolaires très différentes selon les sexes est certes fort connu et abondamment documenté – de la meilleure réussite des filles à leur plus faible appétence pour les carrières scientifiques – mais n’est jamais, ou pratiquement jamais, posé en terme de discrimination. Sans doute parce qu’à l’inverse des discriminations liées à l’origine – où le ressenti très fort chez certains élèves impose aux acteurs de l’école de s’interroger –, aucun sentiment d’injustice chez les filles, ni a fortiori chez les garçons, n’accompagne ces destins scolaires très différenciés.

Poser la question des discriminations liées au genre va aussi à l’encontre d’une histoire glorieuse, celle de la « longue marche des filles vers l’égalité » au sein de l’école, selon l’expression de l’historien de l’éducation Claude Lelièvre. Une histoire glorieuse qui a son panthéon : Fénelon, Duruy, Camille Sée, et ses grandes étapes : accès à l’école primaire, secondaire, au supérieur, puis le grand tournant de la mixité. « Qu’on se rappelle qu’il y a un siècle il n’y avait aucune fille dans le supérieur. Maintenant elles dominent. Même les plafonds de verre petit à petit s’effritent », souligne Claude Lelièvre qui rappelle que sur la question du sexisme, l’école est encore bien souvent une institution« en avance sur la famille, sur le marché de l’emploi ».

Les parcours scolaires divergents des filles et des garçons sont-ils le fruit d’une discrimination liée au sexe ? L’hypothèse est loin de faire l’unanimité. « Il y a des différences mais est-ce de la discrimination ? Est-ce qu’on peut parler d’injustice ? » s’interroge Claude Lelièvre. Si l’école est à l’évidence « sous l’emprise du genre », peut-être l’est-elle ni plus ni moins que la société dans son ensemble.

Lorsqu’on pose aujourd’hui la question à un petit groupe de collégiens, ils disent avoir plutôt l’impression d’exercer un libre choix en optant pour des cursus différents. Si aujourd’hui filles et garçons n’ont pas la même scolarité, c’est d’ailleurs, pour beaucoup d’acteurs de l’école, tout simplement parce qu’elles et ils le veulent bien.

Des inégalités d’orientation qui modèlent les inégalités de carrière

« En raisonnant en terme de différences, on ne regarde pas la réalité en terme d’inégalité, encore moins de discrimination », regrette Françoise Vouillot qui a dirigé l’ouvrage Orientation scolaire et discrimination, justement sous-titré : Quand les différences de sexes masquent les inégalités. Se contenter d’enregistrer les choix des élèves – si tant est que l’école se cantonne dans ce rôle – est un peu court dans la mesure où, comme l’écrit la sociologue Marie Duru-Bellat, ce sont « ces inégalités d’orientation qui, bien plus que les inégalités de réussite, modèlent les inégalités de carrière entre les sexes ».

Se réfugier derrière le choix des élèves revient pour certains chercheurs à esquiver une véritable interrogation sur le fonctionnement de l’institution scolaire, et sur un différentialisme partout présent bien que jamais vraiment assumé.

« Au moment de l’orientation, les élèves sont des ados en pleine construction identitaire. Il faut qu’ils montrent aux autres leur masculinité/leur féminité. C’est un manque de lucidité effarant de la part des adultes qui ne voient pas à quel point les modèles qu’ils leur proposent reproduisent des stéréotypes de sexe», s’agace Françoise Vouillot. Pour cette psychologue spécialiste de l’orientation et directrice-adjointe de l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle au CNAM, l’école ne produit d’ailleurs pas « des discriminations au sens juridique du terme, ce qui était le cas encore récemment dans l’éducation nationale. C’est plus subtil que cela. Comme le dit Marie Duru-Bellat,à l’école on est “sexiste par négligence” ».

La plupart du temps, les acteurs de l’éducation nationale commettraient en effet des discriminations systémiques, non intentionnelles. Une occasion de rappeler que l’histoire glorieuse de l’émancipation des filles à l’école a aussi son revers, plus sombre, où leur scolarité a d’emblée été pensée comme différente et foncièrement inégale. Un passé mal connu, peu enseigné, qui agirait par retour du refoulé. « Un garçon brillant qui ne veut pas aller en S sera systématiquement convoqué pour qu’on lui explique que c’est du gâchis. Pas une fille, dont on pensera qu’elle est libre de faire d’autres choix », relève Marie Duru-Bellat.

Enseignants, conseillers d’orientation, ont parfois une idée bien arrêtée de ce qui est bon – et surtout potentiellement fragilisant – pour les élèves. « Evidemment, c’est compliqué d’envoyer une jeune fille dans le bâtiment quand on sait qu’elle y sera mal reçue et aura plus de mal à s’insérer professionnellement », rapporte une conseillère d’orientation. Clotilde Lemarchant, qui a travaillé sur ces élèves dits « atypiques », garçons dans des filières féminines et filles dans des filières masculines, montre bien la souffrance de ces minoritaires… « Surtout pour les filles, les garçons dans ces situations, étant beaucoup mieux acceptés. » Encore aujourd’hui, constate-t-elle, la résistance de certains acteurs de l’école à ces transgressions de genre est patente. « Une fille ou deux dans la classe, c’est le maximum, lui expliquait un prof de mécanique. Après cela devient ingérable ! » Au lycée professionnel où la séparation des sexes est la plus marquée, certains internats ne prévoient tout simplement même pas la mixité.

La discrimination systémique liée au genre s’exprime par des processus ténus. « Les recherches montrent que les enseignant(e)s et les élèves, à travers une multitude de processus quotidiens très fins, contribuent à faire vivre aux filles et aux garçons des expériences très différentes qui aboutissent à des positions inégales des filles et des garçons », expliquait récemment Nicole Mosconi dans Genre et pratiques scolaires : comment éduquer à l’égalité ? « Quand on observe la vie quotidienne dans le système scolaire, en effet, on voit que, dans l’ensemble, l’école a tendance à laisser agir les mécanismes sociaux du genre. » A partir d’observations fines de classes, la chercheuse souligne que, « sans en avoir conscience », les enseignants interagissent nettement plus avec les garçons qu’avec les filles. Idem sur la notation, où les attentes vis-à-vis des garçons sont beaucoup plus importantes (s’il est médiocre, il sera plus mal noté qu’une fille par exemple).

D’où l’importance de former les acteurs de l’école pour prévenir ces phénomènes via des formations obligatoires, estime Françoise Vouillot. « On voit bien sinon que ceux qui demandent ces formations – elles existent notamment pour les conseillers d’orientation – sont déjà sensibilisés à ces sujets. »

«Le monde universitaire ou médiatique où tout le monde est antiraciste mais tout le monde est blanc»

Globalement, si les discriminations liées à « l’origine » commencent à être prises en compte (voir nos précédents articles sur le sujet ici et ), l’emprise du genre à l’école est encore largement dans l’angle mort des politiques publiques. Claude Lelièvre se souvient qu’au moment de la commission Thélot, et du grand débat sur l’école lancé en 2003, la question des inégalités de parcours scolaires selon le sexe avait été retoquée car jugée non prioritaire. Un manque d’intérêt qui s’explique sans doute parce que la demande sociale des élèves, des parents ou des acteurs de l’école est très faible sur le sujet.

Les campagnes publiques se sont cantonnées la plupart du temps à promouvoir la place des filles dans les métiers scientifiques et techniques, où le manque de main-d’œuvre est devenu problématique. « Souvent mal pensées, mal ciblées, elles négligent les garçons qui subissent eux aussi l’influence des stéréotypes de sexe dans leur choix d’orientation. Cela revient fondamentalement à ne pas toucher au système de normes », rappelle Françoise Vouillot. Leur impact a d’ailleurs été des plus faibles, si l’on regarde les statistiques officielles récemment publiées.

A ceux qui jugent « non-prioritaire » cette question dans les immenses chantiers que doit ouvrir l’école  et ils sont très nombreux –,  Françoise Vouillot rétorque que le poids du genre est une donnée fondamentale des inégalités scolaires.« L’échec scolaire, comment ne pas voir que cela touche en priorité les garçons des classes défavorisées. Le décrochage, la violence… le sexué est partout ! »

Dire que sur ce sujet, on a affaire à des discriminations systémiques, souligne le sociologue Eric Fassin, « cela ne veut pas dire que, comme cela concerne toute le société, on ne fait rien. Puisque dans ces formes de discriminations, on ne s’intéresse pas à l’intention, c’est donc le résultat qui compte. Sinon les choses en resteront là,  comme dans le monde universitaire ou médiatique où tout le monde est antiraciste mais tout le monde est blanc ». Faute d’un réel volontarisme politique sur le sujet, ces chercheurs craignent que les stéréotypes de genre à l’école, avec leurs conséquences très concrètes dans la scolarité des filles et des garçons, pèseront encore longtemps.

Signe d’un frémissement ? Alors que le rapport commandé par la Halde à Françoise Vouillot sur les discriminations liées au sexe à l’école, publié l’an dernier, a été accueilli dans une indifférence polie par Luc Chatel et son administration, un rendez-vous a été récemment pris rue de Grenelle pour évoquer ces questions. Affaire à suivre, donc.

Prière à Notre Dame des Désirs/ Oración a Nuestra Señora de los Deseos

Prière à Notre Dame des Désirs

par Gabriela Blas (Mujeres Créando, Bolivie)

Vierge des Désirs, amante de la vie,
sœur des rêves et fille de l’espoir,
protèges-nous toutes
noires, marrons et blanches;
indiennes, putes et lesbiennes;
et fait jaillir depuis la terre les illusions nécessaires
pour que nous continuions à lutter.

Libère nous des racistes, homophobes, corrompus,
machistes et classistes
aussi des prêcheurs et curés hypocrites
pour que nos sœurs pauvres de rébellion
se mettent à rêver et que la joie soit semée en elles.

Protège nous des dieux qu’ils veulent nous imposer
pour qu’ils ne nous privent pas de goûter à la tentation
d’être libres.

Fais que le pain ne manque jamais dans notre maison,
que le miel qui adoucit nos jours ne fasse jamais défaut
et le vin qui accompagne nos fêtes,
pour que chaque jour nous célébrions la vie,
l’amour, la tendresse y les espoirs.

N’oublies-pas, notre Vierge
toutes nos sœurs, mères et grand-mères
qui gisent en ton ventre (la terre),
pour qu’avec toute ta sagesse
nous apprenions a nous aimer les unes les autres
autant que tu nous aimes, Vierge, amante et amie.

Fais que nous croyions en nous mêmes
et que la désobéissance batte dans les cœurs de
toutes les filles
pour que ce désir d’être heureuses se renouvelle chaque jour
dans toutes celles qui viennent et viendront, pour toujours…
Amen.

Oración a Nuestra Señora de los Deseos

Por Gabriela Blas

Virgen de los Deseos, amante de la vida,
hermana de los sueños e hija de la esperanza,
protégenos a todas nosotras
negras, morenas y blancas;
indias, putas y lesbianas;
y haz brotar desde la tierra las ilusiones necesarias
para que sigamos luchando.

Libranos de racistas, homofóbicos, corruptos,
machistas y clasistas;
también de predicadores y curas hipócritas
para que nuestras hermanas pobres de rebeldía
vuelvan a soñar y en ellas se siembre la alegría.

Protégenos de los dioses que quieren imponernos
para que no nos priven de probar la tentación de
ser libres.

Haz que no falte el pan en nuestra casa,
que tampoco falte la miel que endulza nuestros días
y el vino que acompaña nuestras fiestas,
para que cada día celebremos por la vida,
por el amor, la ternura y las esperanzas.

No te olvides Virgen Nuestra
de todas nuestras hermanas, madres y abuelas
que yacen en tu vientre (la tierra),
para que con toda tu sabiduría
aprendamos a amarnos las unas a las otras
tanto como tu nos amas, Virgen, amante y amiga.

Haz que creamos en nosotras mismas
y que la desobediencia lata en los corazones de
todas las niñas
para que este deseo de ser felices se renueve cada dia
en todas las que vienen y vendran, por siempre…
Amén.

aussi des prêcheurs et curés hypocrites
pour que nos sœurs pauvres de rébellion
se mettent à rêver et que la joie soit semée en elles.

Protège nous des dieux qu’ils veulent nous imposer
pour qu’ils ne nous privent pas de goûter à la tentation
d’être libres.

Fais que le pain ne manque jamais dans notre maison,
que le miel qui adoucit nos jours ne fasse jamais défaut
et le vin qui accompagne nos fêtes,
pour que chaque jour nous célébrions la vie,
l’amour, la tendresse y les espoirs.

N’oublies-pas, notre Vierge
toutes nos sœurs, mères et grand-mères
qui gisent en ton ventre (la terre),
pour qu’avec toute ta sagesse
nous apprenions a nous aimer les unes les autres
autant que tu nous aimes, Vierge, amante et amie.

Fais que nous croyions en nous mêmes
et que la désobéissance batte dans les cœurs de
toutes les filles
pour que ce désir d’être heureuses se renouvelle chaque jour
dans toutes celles qui viennent et viendront, pour toujours…
Amen.

 

Pourquoi il y a plus de femmes Sorcières que d’hommes

Voici un nouvel extrait du Tableau de l’inconstance des démons magiciens et sorciers de Pierre de Lancre (voir le premier ici).

Pourquoi il y a plus de femmes Sorcières que d’hommes, et d’une certaine sorte de femmes qu’on tient au pays de Labourd pour Marguillières, qu’on appelle Bénédictes

On a observé de tout temps qu’il y a plus de femmes Sorcières que d’hommes. Ce qui se voit clairement dans les Poètes Grecs, Latins, Italiens, et Français, chacun desquels a célébré quelque femme pour excellente Magicienne et Sorcière.

Ronsard n’a pas oublié la Magicienne Hécate à laquelle parlant français il lui dit :

ici je te promets / Par ton Hécate, et par ses triples têtes.

A quoi il faut ajouter tous ces noms, Sagae, Strigae, Lamiae, Laricae, Fatidicae, Furiae, Harpiae. Et ce queles Italiens appellent Fate, Nimphe, Sybi1le, Bianche, Donne, Buone, auxquelles elles donnent pour ReineHabondia[1] tous noms d’appellation féminine, qui montreque la femme a plus d’inclination naturelle à la sorcellerieque l’homme. C’est pourquoi il y a plus de femmes Sorcièresque d’hommes, et bien que paravanture c’est unsecret de Dieu, si est-ce qu’on en peut rendre quelqueraison probable.

Bodin dit très bien que ce n’est pas pour la faiblesse et fragilité du sexe, puisqu’on voit qu’elles souffrent la torture plus constamment que les hommes. Et avons vu des Sorcières à Bayonne la souffrir si virilement et avec tant de joie, qu’après avoir un peu sommeillé dans les tourments comme dans quelque douceur et délice, elles disaient qu’elles venaient de leur Paradis, et qu’elles avaient parlé à leur Monsieur. Ce serait donc plutôt la force de la cupidité bestiale qui pousse et réduit la femmeà des extrémités, esquelles elle se jette volontiers pour jouir de ses appétits, pour se venger, ou pour autres nouveautés et curiosités qui se voient esdites assemblées. Qui a mu aucuns Philosophes de mettre la femme entre l’homme et la bête brute.

Mais afin que nous ne les blâmions de si grands défauts sans autorité. Plutarque au livre de la tranquillité de l’esprit, Strabon au premier livre de sa Géographie, Diodore au cinquième livre des gestes des anciens, et Saint Augustin au troisième livre de la Cité de Dieu témoignent que la femme à cette mauvaise inclination d’être plus opiniâtre que l’homme, ce qu’ils disent procéder de ce que l’infidélité, l’ambition, la superbe, et la luxure, règnent plus ès femmes qu’ès hommes.

Il est donc très vrai, que le malin esprit tire plus facilement l’esprit volage des femmes à la superstition et idolâtrie, que celui des hommes : d’où vient qu’on lit dans ce grand livre de la Genèse, que la doctrine diabolique fut dès le commencement du monde plutôt enseignée à Eve qu’à Adam, et elle plutôt séduite par Satan en forme de serpent que lui. Outre que nous avons vu par une infinité d’expériences, que le Diable voulant mener une femme mariée au Sabbat, met bien quelque Démon auprès du mari, lui voulant ravir sa femme, et contrefait le corps de la femme jusques à servir au mari de succube, s’il est besoin, mais non guère jamais qu’il contrefasse le mari, ni qu’il suppose un corps au lieu du sien, faisant l’incube. Je ne dis pas qu’il ne puisse supposer aussi bien l’un que l’autre, et y a plusieurs exemples des incubes dans les livres aussi bien que des succubes. Mais nous n’avons jamais vu l’expérience de ce point là, savoir que le Diable voulant mener le mari Sorcier au Sabbat, ait fait l’incube, et supposé le corps du mari pour tromper la femme qui n’était Sorcière. Aussi est-il vrai, suivant ce premier exemple d’Eve, que la femme fait toujours plutôt Sorcier son mari, que le mari la femme.

Davantage Dieu a voulu affaiblir Satan, ce qu’il a fait notoirement lui constituant premièrement son règne, et lui donnant pouvoir sur des créatures moins dignes, comme sur les serpents, et sur les plus faibles, comme sur les insectes, puis sur les autres bêtes brutes, plutôt que sur le genre humain, puis sur les femmes, puis sur les hommes qui vivent en bêtes, plutôt que sur les autres qui vivent en hommes.

Satan qui a eu de tout temps quelque Mégère pour abuser le monde, s’est avisé d’une ruse en ce pays de Labourd, car pour prendre pied dans les Églises qui soulaient autrefois servir d’Asiles contre lui et contre tous malins esprits, voulant mettre le nez partout, ou pour le moins polluer les saints temples, et y semer toute la confusion et désordre qu’il pourrait, il a trouvé moyen d’introduire certaines femmes pour demander les offrandes et autres petites choses qu’on a accoutumé de donner à l’Église. Je vis en un certain village des plus fameux dix femmes à suite l’une de l’autre, portant les bassins, avec lesquels on va quêter dans l’Église cette aumône des âmes dévotes et charitables. Puis je vis une certaine femme qu’ils appellent la Bénédicte faisant la Marguillière[2], s’approcher des autels, y porter des aubes, du luminaire et autres choses semblables. Je m’étonnai que cet office fut donné à ces dix premières et non à des hommes et aux plus notables personnes de la paroisse, comme on les donne ès bonnes villes de France aux plus honorables bourgeois, et encore plus de ce qu’elles allaient de galerie en galerie (car toutes les belles et grandes Églises sont composées de deux ou trois étages de galeries) et là elles allaient prendre les hommes par la cape, parce qu’étant appuyés sur l’accoudoir de la galerie ils leur tournent le dos, où parfois il y avait plus de cent degrés à monter, et là leur demander l’offrande.

Quant à la Marguillière elle avait beaucoup plus de commerce avec les Prêtres : Car dès l’aube du jour il fallait qu’elle fût la première à l’Église pour mettre les nappes blanches et autres ornements sur l’autel : où il y a parfois de si mauvaises rencontres qu’il n’est pas possible que le Diable ne s’y mêle, lequel ne cherche qu’à polluer le sanctuaire de Dieu, et en corrompre les ministres ; et de fait il ne faut pas douter que plusieurs de ces femmes ne soient Sorcières, ou pour le moins que aucuns de leur famille ne le soient. Quant aux Marguillères ou Bénédictes nous en trouvâmes deux Sorcières, comme elles furent déférées en Justice par devant nous, ce qu’il ne faut trouver étrange, puisque la plus grande partie des Prêtres sont Sorciers, et que nous avons trouvé deux Églises ou chapelles où le Diable tient le Sabbat.

Et quand bien les femmes seraient capables en quelque sorte de faire le service divin, et qu’il se trouve des religieuses d’aussi bonne vie que sauraient être les plus saints ermites qui aient jamais été, si est-ce que l’Église même a toujours fait cette différence, que les femmes ou filles, pour vierges et chastes qu’elles soient, ne peuvent célébrer la Messe, toucher le Saint sacrement de l’Eucharistie, ni même s’approcher des autels : on leur en permet la vue à l’élévation ou on leur donne licence de tirer le voile et le rideau, et leur a-t-on aussi concédé les réponses.

Il est honteux à une femme de s’enfermer dans une Église avec un Prêtre, ce que la Bénédicte peut faire en toute liberté ; et le matin à l’obscur, et sur le midi qui est l’heure du silence des Églises, et sur le soir lorsque l’Esprit ténébreux commence à tirer les rideaux pour faire évanouir la clarté : outre que l’Église a certaines prières qui se font la nuit, lesquelles étant parachevées, c’est à la Bénédicte et aux Prêtres qui doivent serrer les ornements et tuer le luminaire, de demeurer les derniers dans l’Église pour y faire les derniers offices. Si bien que le champ leur demeure à eux seuls sans vergogne ni scandale, et demeurent en toute commodité et liberté de dire et faire ce qu’ils voudront, ou de prendre telles assignations et commodités que le Diable leur dictera, soit d’aller au Sabbat ensemblement, s’ils sont tous deux Sorciers comme nous en avons vus, soit de faire et commettre mille autres abominations indignes du lieu et de leurs qualités. Le prétexte de faire les affaires de l’Église lui sert de manteau pour couvrir la brèche qu’elle fait à son honneur. Et puisque la loi civile enjoint à la femme de s’abstenir de toutes charges civiles et publiques, combien serait-il plus séant qu’elle s’abstint de s’approcher des ornements de nos Églises, de la personne de nos Prêtres, et de la sainteté de nos autels.

N’obste qu’il y avait anciennement des femmes qui avaient l’administration de l’Église qu’on appelait Diaconissas, car elles n’avaient charge simplement que de garder la porte, et encore seulement celle par où les femmes seules entraient dans l’Église, comme on fait en Italie aux stations, où de deux portes qu’il y a aux Églises, par l’une entrent seulement les hommes, et par l’autre les femmes, sans se mêler ensemble, de peur de cent mille malheurs qui adviennent en Italie à la première vue que les femmes rencontrent les hommes avec lesquels elles ont ou désirent avoir quelque mauvais dessein.

Et bien qu’il semble que cela se doive entendre seulement des femmes mariées, et que l’arrêt de la Cour de parlement de Paris du 24 juillet 1600, l’entende et l’explique ainsi, trouvant injuste qu’une femme mariée puisse en dépit de son mari être élue marguillière dans une Église. Si est-ce que je le trouverais aussi périlleux, voire davantage, pour une fille que pour une femme mariée. Car la femme mariée a pour surveillant le mari qui l’accompagne partout, et ayant toujours l’œil sur elle, la peut empêcher de faire du mal.

Mais une fille et une veuve, comme sont ordinairement ces Bénédictes, (car elles sont ou filles surannées ou jeunes veuves) il n’est pas possible dans un pays si libertin que le pays de Labourd, et où les Prêtres sont tenus pour Demi-dieux, que la seule sainteté du temple les tienne pudiques : ainsi au contraire cela servirait plutôt de couverture pour étouffer et couvrir leurs fautes et impudicités.

Qui me fait conclure qu’il ne faut souffrir en ce pays, là ni ailleurs, fille ni femme de quelque condition, âge et qualité qu’elle soit pour Bénédicte ou Marguillière, de peur que faisant semblant de bailler le Dimanche une chemise et fraise blanche, suivant la coutume, aux petits saints qui sont sur les autels, elles ne portent la leur à salir aux Prêtres, et ne fassent une infinité d’autres méchancetés, esquelles le pays et l’humeur volage de ce peuple a tant d’inclination : bien que paraventure tous ces bons offices qu’elles font à l’Église serait chose tolérable en autre part moins sujette à corruption, s’il était fait à bonne intention, et par une âme aussi pure et nette que la sainteté du lieu le requiert.

 

[1] Déesse dont le culte était en rapport étroit avec celui de Diane.

[2]La bénédicte ou benoite est une fille ou une veuve engagée par contrat à servir l’Église sa vie durant, moyennant un logement, certaines redevances en nature, et quelques menues rétributions à l’occasion des mariages, baptêmes et enterrements.

La construction de l’Autre, entretien avec Christine Delphy

La construction de l’Autre, entretien avec Christine Delphy

Dans cet entretien initialement paru dans Migrations et sociétés, Christine Delphy revient sur la question des « autres », ou plutôt, pour reprendre le sous-titre d’un de ses livres, sur « qui sont les autres » [1]. Car ce que sont les autres n’est pas une réalité objective. Les « uns » construisent les « autres », et les construisent par le pouvoir de les nommer, de les catégoriser, de disserter sans fin sur elles et eux, qu’il s’agisse des femmes, des homosexuel-les ou encore des personnes racisées. Cette question, qui constitue un fil rouge de la pensée et des engagements de Christine Delphy, sera longuement traitée dans un documentaire réalisé par Florence Tissot et Sylvie Tissot, qui sortira fin 2014 [2]. Le documentaire de 52 minutes sera accompagné d’un abécédaire abordant différentes thématiques, d’Amitié à Sexualité, de Beauvoir à Wittig.

Lire la suite par ici.

Interview de Joan Scott par Vacarme

Le numéro d’hiver 2014 de Vacarme a publié une interview de et un article sur l’historienne américaine Joan Scott. On trouvera après l’extrait ci-dessous le lien pour lire les deux en entier.

« Femme », « Homme », « Genre », « Français », « Musulman » : ces catégories, par lesquelles se constituent et s’identifient des sujets politiques, n’ont pas de sens fixe. C’est que « les mots ne sont jamais que les batailles pour les définir ». Rencontre avec l’historienne de ces batailles.

Vous avez travaillé sur le mouvement ouvrier français, fait une histoire des discours féministes, contribué à l’introduction de la notion de genre dans l’historiographie… quel est le centre de gravité de votre recherche ?
Je ne suis pas sûre qu’à l’échelle de ma vie de chercheuse, on puisse identifier une unité très claire d’objet, de méthode ou même de théorie. Mieux vaudrait penser en termes de parcours, de bifurcations, de changements successifs d’optique. J’ai été à plusieurs reprises convoquée par un contexte politique et intellectuel : les mobilisations de la gauche des années 1960, le féminisme à partir des années 1970…
Mais peut-être qu’au fond, ma question a toujours été celle des rapports de force dissymétriques. Mon premier travail portait sur l’organisation sociale et politique des verriers de Carmaux à la fin du XIXe siècle. Je m’y intéressais à la prolétarisation d’un artisanat hautement qualifié, liée à la mécanisation des techniques de production. Et je l’ai décrite en termes de rapports de forces économiques et politiques : comment et pourquoi ces travailleurs ont-ils résisté aux transformations de leur travail ?
Quand la vigueur du féminisme des années 1970 m’a convaincue de la nécessité de penser l’histoire des femmes, j’ai tenté de comprendre les modalités de l’inégalité : j’ai questionné par exemple la façon dont le principe universel d’égalité des citoyens s’était accommodé de l’exclusion politique des femmes. Dans tous mes ouvrages, je m’attache ainsi à décrire la façon dont les gens qui vivent dans un rapport inégalitaire l’éprouvent, le pensent et le formulent.

http://www.vacarme.org/rubrique421.html

Femmes sportives, corps désirables

Femmes sportives, corps désirables

Une femme est-elle libre de pratiquer le sport de son choix ? Dans les pays occidentaux, cela ne prête guère à discussion : si les femmes s’investissent majoritairement dans les disciplines « gracieuses » et répugnent aux sports « virils », c’est que tel est leur choix. A y regarder de près, pourtant, cette propension n’est qu’une construction sociale, qui réglemente les représentations et les pratiques « acceptables » du corps, et perpétue la division des rôles. Aux hommes le « faire », aux femmes le « plaire ».

Lire tout l’article ici : www.monde-diplomatique.fr

Une nouvelle génération de chercheuses sur le genre

Une nouvelle génération de chercheuses sur le genre. Réflexions à partir d’une expérience située

Extrait :

Je propose ici de réfléchir aux conditions et enjeux de ce qui est couramment qualifié de renouvellement générationnel du champ des études sur le genre, en partant de mon propre parcours de chercheuse, celui d’une entrée dans le champ au tournant des années 2000 7. Même si ce récit est situé et subjectif – il reflète ma position sexuée, sociale, disciplinaire, politique et géographique –, je me permettrai donc de passer parfois du « je » au « nous », désignant ainsi en premier lieu une cohorte de chercheuses (très majoritairement des femmes) nées vers le milieu des années 1970, ayant commencé leur parcours de recherche en France au tournant de la décennie 2000 en se spécialisant sur « les femmes » et « le genre ».

Voir le texte intégral ici : www.contretemps.eu

Genre et féminisme: pourquoi vont-ils de pair ?

Genre et féminisme: pourquoi vont-ils de pair ?

Quand j’ai commencé ce blog, le lien entre genre et féminisme m’a paru se passer d’explications. Etant arrivée aux études de genre par le féminisme, l’articulation entre les deux m’a toujours semblé aller de soi. Je me rends compte cependant (un peu tard) que le sujet mérite bel et bien un éclaircissement et que le lien entre les deux n’est pas forcément évident pour tout le monde. De plus, certaines féministes s’opposent au concept même de genre et donc à son emploi, de plus en plus fréquent, dans les milieux féministes – ce qui me permet de rappeler, une fois de plus, la diversité des féminismes. On ne peut pas mettre en évidence UNE théorie féministe: il en existe de très nombreuses, variées, et parfois contradictoires, leur seul point commun étant finalement l’identification de l’existence de la domination masculine et donc d’une cause des femmes.

Je rappellerai d’abord brièvement l’origine du concept de « genre », pour ensuite expliquer l’intérêt qu’il représente pour les féminismes et enfin les raisons, telles que je les comprends, pour lesquelles certaines féministes le rejettent.
Certaines explications, du féminisme comme des études de genre, paraîtront sûrement trop courtes, voire caricaturales. C’est malheureusement inévitable, mon but n’étant pas de revenir en détail sur les fondements de l’un et de l’autre, mais de détailler leurs liens.
« Genre »: origine du concept
La filiation théorique du concept est assez complexe. On peut la faire remonter aux travaux de l’anthropologue Margaret Mead en Océanie dans les années 20 et 30, et aussi, bien sûr, à Simone de Beauvoir et à son fameux « On ne naît pas femme, on le devient », bien que ni l’une ni l’autre n’emploie le terme « genre » ou « gender ». Ce dernier apparaît dans les travaux du psychiatre Robert Stoller et du sexologue John Money (tous deux étatsuniens) bien que dans un sens et une perspective très différents de l’emploi actuel du concept. Ils s’intéressent respectivement à la transsexualité et à l’intersexualité, dans une perspective pathologisante; Money distingue le sexe du genre (qu’il considère comme la dimension psychologique du sexe) et Stoller distingue, quant à lui, genre et sexualité.
Comme l’écrit Eric Fassin, « l’invention « psy » du genre va rencontrer l’entreprise féministe de dénaturalisation du sexe » résumée par la formule de Simone de Beauvoir citée ci-dessus (cf référence en fin d’article). Dans les années 1970, il est adopté et surtout adapté par des théoriciennes féministes, notamment par la sociologue britannique Ann Oakley, dont les recherches portent sur le travail domestique des femmes. C’est elle qui introduit le terme dans le champ des études féministes qui émerge à la même époque.
Les études de genre naissent des études féministes, récentes mais déjà bien constituées. Elles s’institutionnalisent aux Etats-Unis dans les années 1980. A la même époque, cependant, les études féministes peinent à s’imposer en France en raison du stigmate de « science militante ». Les recherches sur les femmes existent et se portent bien, mais pas en tant que champ autonome. De nombreuses chercheuses féministes regardent avec méfiance le concept de « genre », considéré comme une importation américaine; il s’est cependant largement imposé depuis les années 2000.
Cette rapide rétrospective est destinée à insister sur le fait qu’il ne faut surtout pas oublier l’origine féministe du concept. On ne peut pas concevoir le genre sans le féminisme. Pourtant, il reste toujours de nombreuses féministes qui n’acceptent pas le genre; nous tâcherons plus loin de comprendre pourquoi. D’abord, je voudrais résumer les apports du concept de « genre » à la pensée féministe.
Intérêt du genre pour le féminisme
Le concept de « genre » permet d’abord de décrire des relations sociales fondées sur l’appartenance à la catégorie « homme » ou « femme ». Mais il ne faut pas s’en tenir à cet aspect relationnel: la relation n’est en effet pas symétrique mais hiérarchisée, les valeurs, représentations et comportements associés au masculin étant considérés comme supérieurs à ceux associés au féminin.
Le genre permet donc de rendre compte et d’expliquer la domination masculine à l’oeuvre dans de très nombreux aspects de la vie sociale et permettant aux hommes de profiter, en tant que groupe, du rapport hiérarchique entre masculin et féminin.
En outre, l’explication que permet le concept de « genre » ne repose pas sur des caractéristiques supposément « naturelles » des hommes et des femmes. Cela signifie que la féminité comme la masculinité ne sont pas des données de nature mais des constructions sociales: on ne naît ni femme, ni homme, on le devient. Depuis la parution du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, le féminisme a largement dénoncé l’utilisation de l’argument de la « Nature » pour justifier la domination masculine. La possession de tel ou tel attribut sexuel (qu’il s’agisse des organes reproducteurs, des chromosomes ou de toute autre caractéristique sexuelle) ne détermine pas le genre. Celui-ci est assigné à la naissance en fonction des caractéristiques sexuelles observée, mais ce n’est pas le fait que les femmes cisgenre auraient un vagin ou une pilosité peu développée qui explique qu’elles ont été privées de tout pouvoir pendant des siècles et qu’aujourd’hui encore, elles soient moins payées à niveau égal que les hommes ou forment la majorité écrasante des victimes de viol.
L’argument de « nature » est utilisé principalement de deux façons (je mets le terme entre guillemets car il n’a en fait que peu à voir avec une hypothétique nature). La première consiste à arguer de l’infériorité naturelle des femmes pour justifier leur domination; il a marché pendant des siècles mais, pour des raisons évidentes, est difficile à utiliser aujourd’hui. Le deuxième, plus subtil, reste très courant. Il consiste à insister sur la différence « naturelle » entre les sexes, présentée en même temps comme une complémentarité, qui se prolongerait dans la sphère sociale. Le sexe masculin et le sexe féminin se complètent dans la reproduction, leurs rôles sociaux devraient donc refléter ce donné naturel.
Le concept de « genre » permet donc de rendre compte de la subordination systématique des femmes en tant que groupe en insistant sur les dynamiques sociales qui rendent cette domination possible et la perpétuent. Cette explication ne se contente pas de renverser la rhétorique du dominant, fondée sur l’argument de « nature », en mettant en avant des « caractéristiques spécifiques » des femmes, qu’il faudrait célébrer et préserver. C’est là le principal point d’achoppement entre féministes pro- et anti-genre.
Arguments des féministes anti-genre
Tout d’abord, le mouvement de dénaturalisation (au sens de dénonciation de l’argument de « nature » tel que je le décris ci-dessus) n’est pas une caractéristique de tous les féminismes. Il distingue la tendance féministe constructionniste, héritière de la pensée de Simone de Beauvoir. La tendance essentialiste, ou naturaliste, repose sur l’inversion rhétorique dont je viens de parler. L’idéologie de la différence n’est pas récusée mais adaptée aux besoins d’une certaine conception du féminisme, qui repose sur l’éloge de la féminité, et notamment de la maternité, comme manière de contrer la dévalorisation du féminin dans les sociétés patriarcales. Les féministes essentialistes insistent aussi sur l’existence d’une société matriarcale originelle, dont on sait aujourd’hui qu’elle est un mythe.
On voit donc en quoi le concept de « genre », intrinsèquement constructionniste, entre en contradiction avec ce courant de pensée.
Le genre est aussi rejeté par certaines féministes radicales qui lui reprochent d’invisibiliser à la fois les femmes et la domination masculine. On ne parlerait en effet plus de la domination des hommes sur les femmes mais du genre, ce qui contribuerait, au finale, à faire disparaître à nouveau les femmes comme sujets politiques et les hommes comme bénéficiaires du patriarcat et acteurs de la domination. Les études de genre considèrent cependant que l’on ne peut pas parler de domination exercée sur les femmes sans envisager celle-ci comme relation et comme processus social, et sans envisager la façon dont elle est systématiquement construite et maintenue au quotidien. De plus, les études de genre reposent sur le principe que l’on ne peut rendre compte du statut des femmes dans la société sans parler de masculinité et la prendre pour objet d’étude. Cela ne revient pas à égaliser féminin et masculin mais, comme je l’ai écrit plus haut, à envisager les relations asymétriques (et non-univoques) qui existent entre les deux groupes.
Le concept est enfin critiqué à cause de son absence supposée de dimension politique. Parler de « recherches sur le genre », par exemple, aurait une portée politique moindre que de parler de « recherches sur les femmes ». Je considère cependant que les débats actuels suffisent largement à prouver le caractère éminemment politique et même subversif du concept de « genre ».
On peut trouver un exemple d’argumentation féministe contre le genre dans le dernier livre de Sylviane Agacinski, Femmes entre sexe et genre. Je n’ai lu que des extraits de son livre et ne le critiquerai donc pas dans le détail. Je constate cependant que ses propos sur la « différence sexuelle » qui serait devenue « tabou » à cause du genre, ne se distinguent guère de ceux des militant·e·s anti-Gender que par le positionnement féministe de leur auteure. Ses propos sont d’ailleurs repris par des individus et des groupes antiféministes et homophobes, trop contents de trouver une alliée féministe, ce qui devrait tout de même lui poser question.
(Presque) Conclusion
Je conclurai de manière quelque peu décousue, complètement éhontée et parce que je déteste conclure par de l’autopromo. Le laboratoire junior GenERe, auquel j’appartiens, organise le 19 mars à l’ENS de Lyon une conférence intitulée « Mauvais genre ? », destinée à faire le point sur la controverse actuelle et, surtout, à servir de cours d’introduction aux études de genre. Je serai l’une des deux intervenantes. La conférence est ouverte à tou·te·s, dans la limite des places disponibles et sous réserve d’inscription préalable. Pour plus de détails, vous pouvez consulter le site du labo. Faites vite, plus de la moitié des places est déjà partie.
Anne-Charlotte Husson