C’est comme une guerre

 

C’est comme une guerre

08 MARS 2014 |  PAR JEAN-PHILIPPE CAZIER

Je n’ignore pas être animée d’une volonté rageuse de rendre improductif mon bas ventre. Je sécrète des maladies produites par cette volonté qui ne m’est pas en propre mais est le résultat de l’air que j’avale. Ces maladies sont issues de mon imagination. Mon imagination est issue des multiples corps qui ont multiplié mon imagination. Je suis une extension de l’imagination des autres, ce qui étend nos corps hors de tout contour. Chaque corps de l’autre étend autant de corps que d’imagination. Chaque corps refigure le corps. Chaque corps de l’autre étend autant de corps que d’imagination. Que par des langues propres on cherche à occuper, des langues non mystérieuses faites par des maladies non mystérieuses parce que saines et produites par la syntaxe droite. C’est une sorte de guerre. C’est comme une guerre. La syntaxe droite est l’idée droite qui capture les corps et les occupe. Elle fabrique des corps fermés prêts à entrer dans les tombeaux de ses guerres économiques. La syntaxe droite a besoin de la nature pour rendre opératoire et naturelle l’idéologie coloniale ou patriarcale ou encore patronale. Elle produit des idées naturelles pour asseoir son droit naturel. La vie naturelle est donc une production de la syntaxe droite. La syntaxe straight opère par occupation des esprits et des corps. De toutes les béances, la syntaxe droite en a trouvé une qui assure le pouvoir naturel. Le mot d’ordre de la syntaxe straight est donc l’occupation de l’utérus, c’est par là qu’elle poursuit la procréation de sa loi. Pour garantir son droit naturel elle fait de ce lieu un territoire qui garantit la vie naturelle. Les corps possédant un utérus sont ainsi expropriés par la vie absolue produite par le droit naturel et la syntaxe droite. Les siècles ont cousu les corps pour en fermer chaque trou. C’est aux béances les plus visibles du corps que l’idéologie dominante s’attaque et c’est par elle que toujours elle entre. Sa façon d’attaquer et de pourchasser les femmes voilées tient de la même manie que celle qui consiste à habiter le ventre des femmes. En faisant de la femme une vie faite pour la vie on trouve par là de quoi retirer la vie, ses droits, ses libertés, son corps. Et la possibilité d’un commun, puisque la voici tellement faite pour la vie qu’elle se trouve jetée hors de celle-ci et de son organisation. C’est donc comme une guerre. Oui, c’est une guerre. Contre les corps, car le corps n’existe pas. Le corps n’existe que par les devenirs dans lesquels il est pris : devenir-femme, devenir-animal, devenir-arabe, devenir-bouche. Toujours des devenirs qui défont le corps et l’ouvrent à une altérité qu’il n’est pas, qu’il n’est jamais. Même le corps du Christ est multiple et pris dans des devenirs : mangez mon corps, buvez mon corps, je suis mort, je suis vivant, crucifiez-moi. La bouche ne sert pas qu’à manger, elle est prise dans des mouvements étranges. Elle parle, elle suce et lèche, elle embrasse et mord – et elle peut embrasser et mordre en même temps. Mon corps aime avoir une bite dans le cul, c’est-à-dire aussi dans le cerveau et partout à travers mes nerfs comme à travers les tiens, mon amour. Les corps sont singuliers, mobiles, toujours ouverts, cosmiques. L’Etat ou l’Eglise ne cessent de vouloir identifier nos corps, les réduire à un corps figé, ordonné selon des impératifs qui ne sont pas ceux du corps mais de l’argent, des valeurs morales, de la police, de la patrie, de la Nation. Les groupes fascisants qui défilent et s’acharnent contre nos corps veulent la même chose : transformer nos corps en tombeaux, en choses mortes, sans futur ni joie. Ces mouvements réactionnaires, violents d’une violence qui s’organise et dont nous n’avons pas encore commencé à mesurer concrètement le degré, veulent imposer un ordre aux corps, un ordre immuable, fixe. Un ordre raciste, nationaliste, haineux, effrayé. Un ordre mortifère. Ce qu’ils veulent, c’est nous tuer, c’est ce qu’ils veulent précisément : en Russie, en Espagne, en France – tuer des corps, tuer des gens. C’est ce qu’ils font et c’est ce qu’ils feront. C’est donc une guerre. Une guerre contre nos corps. Mélanger nos corps. Par la bouche, les mélanger par la peau. Mélanger nos corps par le sexe, par la peau, par les mains. Mélanger nos corps déjà mélangés. Par la bouche, par la peau, par le sexe, par les yeux. Que les corps suintent. Que les corps s’écoulent, saignent. Que les corps submergent, nos corps submergés. Nos corps esclaves. Par la bouche, par la peau, par le sang, par les mains, par le sexe. Révolte révolte révolte.

Texte de Liliane Giraudon, Frank Smith, Amandine André et Jean-Philippe Cazier trouvé sur Mediapart.

Arguments antiféministes

 

À lire sur le blog Genre !, l’excellente série (5 articles à ce jour) intitulée : Arguments antiféministes.

« Je commence une nouvelle série de billets destinés à répondre de manière (je l’espère) simple et claire aux arguments antiféministes les plus courants. Je ne parle pas des arguments sexistes en général, mais plus particulièrement de ceux qui visent à faire taire les féministes, et j’exclus d’emblée les « mal-baisée » et autres « si t’étais belle tu dirais pas ça » que je ne considère pas comme des arguments (bien que d’autres aient visiblement du mal à faire la différence). » À lire ici : Arguments antiféministes.

Le privilège cissexuel

« Ce texte de Julia Serano constitue le chapitre 8 de son livre Whipping girl, a transsexual woman on sexism and the scapegoating of femininity, paru en 2007 chez Seal Press. Il s’agit là de sa première édition publiée en français [en 2011, note d’Agate]. En effet, la littérature trans francophone est principalement constituée de témoignages et biographies rédigéEs pour satisfaire la curiosité et le voyeurisme du lectorat cisgenre, ou à des thèses de psychiatres et autres médecins transphobes. En raison de cette société transphobe et des privilèges cissexuels, bien rares sont les livres où des personnes trans se situent politiquement et analysent leur propre situation, sans demander pardon ni dire merci. » le_privilege_cissexuel-28p-A4-fil – copie

À propos de la circulation de la parole

Interview d’Hélène et Mani, de Virus 36

Dans cette interview, Hélène et Mani, membres de de l’association Virus 36, qui expérimente et transmet de nouvelles formes de débat démocratique, exposent les motivations de leur démarche et quelques propositions en vue de permettre une vraie circulation de la parole de chacune et chacun : « Notre démarche est née d’une critique radicale des formes classiques de débat telles que les conférences/débats, les table-rondes, les réunions publiques ou encore les forums citoyens. Nous critiquons avant tout les rapports de pouvoir qui s’y expriment. Prenons l’exemple des conférences/débat ou des tables-rondes. En général, la forme est toujours la même. Le temps de parole est monopolisé par des  »spécialistes » du sujet, tandis que le public a juste quelques dizaines de minutes pour poser des questions. Cette hiérarchie du temps de parole se retrouve également dans l’aménagement de l’espace. La plupart du temps, les intervenant-e-s sont séparé-e-s du public, voire en hauteur par rapport à lui. Dans ces conditions, le débat est quasiment inéxistant. Le public est simplement là pour écouter la bonne parole d’un-e invité-e vedette ou de plusieurs personnalités censées détenir une « vérité ». » Le texte intégral ici : Broch_Virus36 – copie

« Oui mais quand même, la religion c’est mal »

« Oui mais quand même, la religion c’est mal. » Montée de l’islamophobie et banalisation du fémonationalisme.

Voici un article de Mona Chollet sur son site Périphéries. Le début donne le ton : « Relayer l’information de la énième agression d’une femme voilée, ou les propos haineux tenus sur l’islam par la représentante d’une organisation pseudo-féministe, revient immanquablement à emboucher l’appeau à trolls religiophobes. Que des femmes soient insultées et tabassées, que le féminisme serve de leurre pour répandre et banaliser le racisme le plus crasse, tout cela, le/la religiophobe s’en moque : dans un pays où médias et politiques, de façon plus ou moins insidieuse, désignent à longueur de temps les musulmans comme la cause de tous les maux de la société, son seul sujet d’anxiété est que son droit à « critiquer la religion » soit garanti. Pour l’exprimer, il usera de subtiles gradations dans la virulence, de la simple protestation à l’éructation scatologique probablement censée traduire la hauteur à laquelle il plane dans l’éther philosophique inaccessible aux benêts qui voient du racisme partout : « Moi, je chie sur toutes les religions. » » Voir tout le texte par ici : http://www.peripheries.net/article335.html

Vers une insurrection queer

Vers une insurrection queer

Extrait : « Qu’est qu’être queer alors ? Peut-on imaginer quelque chose qui définisse le queer ? Ne serait-ce pas une nouvelle fois se piéger dans un bourbier identitaire ? Au cours des interminables discussions où apparaissaient ces questions génératrices de débats aveccelles et ceux qui s’asseyaient à notre table, est apparu un fanzine de la maison d’édition Coños como llamas, dont le titre était Petite histoire de la résistance féministe/queer radicale, des années ’60 à nos jours. C’est avec une certaine excitation que nous avons commencé à le lire… « La potentialité des luttes queer est dans sa capacité à agréger différents sujets marginaux et à les unir, peut-être seulement de manière temporelle, dans les luttes contre le pouvoir  »normalisateur » qui, dans ses différentes formes d’expressions, cherche à réguler notre sexualité, nous exploiter comme force de travail, nous imposer un mode de vie capitaliste, nous marginaliser en fonction de notre sexe, race ou de notre degré d’incommodité pour le système. Notre politique doit se distancer de celles et ceux qui, avec l’excuse de l’oppression, cherchent des opportunités pour s’intégrer dans les institutions dominantes et les relations sociales normatives telle le mariage. Notre lutte doit être orientée vers la destruction de ces institutions, vers le rejet des normes culturelles qui décident quelles sont les identités et sexualités acceptables et normales (c’est à dire fonctionnelles pour l’ordre social) en faveur d’une stratégie politique qui poursuive l’autodétermination
et la liberté d’expression de chaque personne par son expérience unique. » Lire le texte intégral (7 pages) : Pour une insurrection queer

Anarchisme, féminisme et la transformation du personnel

Anarchisme, féminisme et la transformation du personnel

Voici une brochure tirée d’une intervention de Léo Thiers-Vidal. Note de l’auteur : « Texte d’une conférence donnée au Centre anarchiste de Gand (Belgique) en novembre 1996. J’ai choisi de publier ce texte après l’écho positif qu’il a reçu dans le milieu anarchiste, lors de cette conférence et sa publication en Belgique et aux Pays-bas. Depuis, j’ai développé une plus grande conscience de genre, donnant un poids plus important à ma place de dominant dans une société patriarcale. »

« Avant de parler des thèmes concrets et des questions de cette soirée, je veux esquisser un cadre au sein duquel ces questionnements ont leur place. Il s’agit clairement d’un cadre anarchiste, antiautoritaire. Cela veut dire qu’il s’agit en premier lieu d’une approche politique de certains problèmes personnels et sociaux. Des problèmes qui demandent une réponse politique, même s’il peut s’agir de problèmes très personnels comme la sexualité, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle ou la jalousie. Je veux absolument éviter que ce genre de questionnements soit traité de façon uniquement personnelle ou thérapeutique sans tenir compte des déterminants sociaux, économiques et politiques de ces façons de vivre et des fonctions sociales, économiques et politiques qu’ont ces modèles de vie. » La suite par ici : anarchismefeminisme – copie

Interview de Pif, Paf et Pouffe, des Frasc

Voici une copie (pdf) de la retranscription de l’interview de Pif, Paf et Pouffe, des FRASC, Féministes pour la Réappropriation des Avortements, des Sexualités et des Contraceptions. La retranscription a té réalisée en novembre 2008 par les Renseignements généreux. Cliquer ci-après : Broch_FRASC – copie

A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité

Un article de Corinne Monnet, tiré de l’ouvrage Au-delà du personnel, recueil de textes qu’elle avait publié avec Léo Thiers-Vidal, et que l’on pourra aussi lire à la même adresse (infokiosques.net). Extrait :

« Lorsque je considère que le personnel est politique, je dis d’une part que ce personnel est susceptible de changement puisque non déterminé biologiquement, et d’autre part que le comportement affectif et sexuel est bien un comportement social. Autrement dit, le personnel fait partie de l’ordre politique que je souhaite changer. Dire que le personnel est politique n’est pas pour moi seulement dire que le politique influence le personnel mais bien plutôt que les choix et pratiques dans notre vie « privée » ont des significations politiques. »

La suite par ici : [infokiosques.net] – A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité.