Les gynécologues veulent garder leur accès exclusif au sexe des femmes

Un excellent article publié le par Marie-Hélène Lahaye sur son blog « Marie accouche là »

Gerrit_van_Honthorst_cat01-768x564La publication du décret élargissant les compétences des sages-femmes met décidément en évidence toute la misogynie et le sexisme dans lesquels baigne la profession de gynécologue obstétricien. Après la sortie désastreuse d’Elisabeth Paganelli sur son refus d’octroyer des arrêts maladie en cas d’IVG (voir ici), c’est l’ensemble des instances professionnelles des gynécologues et obstétriciens qui publie un communiqué de presse commun pour dénoncer les mesures gouvernementales qui « nuisent à la surveillance médicale des femmes ».

Sans surprise, ces médecins s’inscrivent dans la longue tradition patriarcale de dénigrement du métier de sage-femme, qui perdure depuis quatre siècles. En effet, la sortie du Moyen Âge a été marquée par une grande misogynie et une mainmise des institutions politiques et médicales sur le corps des femmes.[1] Les sages-femmes, qui étaient les alliées des femmes tout au long de leur vie affective, sexuelle et reproductive, se sont vues tour à tour exterminées durant la chasse aux sorcières par le clergé (masculin), interdites d’accès à la formation et l’enseignement par le pouvoir politique (masculin) et accusées d’être incompétentes, sales et dangereuses par les médecins (masculins). Les gynécologues et obstétriciens actuels, déjà impuissants à mettre en œuvre une médecine basée sur des preuves scientifiques et sur des recommandations médicales, sont bien sûr aveugles à toute mise en perspective historique de leur profession, et pensent certainement défendre une position en phase avec notre monde actuel.

Reprenons néanmoins leur communiqué de presse. Ils prétendent donc qu’octroyer de nouvelles compétences aux sages-femmes dans le cadre de la physiologie, entrainera « une perte de chances pour les femmes en raison d’un retard au diagnostic et à la mise en place d’un traitement adéquat ». Les femmes sont en danger de mort. Ni plus ni moins.

L’argumentation du communiqué pour arriver à cette conclusion est pour le moins nébuleuse, mais un long échange sur twitter avec le Syndicat des Gynécologues et Obstétriciens Libéraux (SGOL) m’a permis de mieux cerner le mode de pensée de ses auteurs.

Selon le SGOL, les sages-femmes seraient, malgré leurs cinq années d’études, inaptes à exercer la moindre compétence étant donné que, bien qu’elles soient spécialistes de la physiologie, elles sont incapables d’identifier les pathologies et donc de renvoyer aux obstétriciens les patientes qui en présenteraient. D’où le fameux danger pour l’ensemble des femmes, puisque leur passage entre les mains d’une sage-femme ne peut que retarder la prise en charge d’une complication.

Pour le dire plus simplement, les sages-femmes s’occupent des femmes en bonne santé, tandis que les gynécos s’occupent des maladies. Le SGOL prétend néanmoins que les sages-femmes sont si ignorantes qu’elles ne sont pas capables de faire la différence entre une femme en bonne santé et une femme malade, ni entre une grossesse normale et une grossesse morbide, ni entre un accouchement qui se déroule parfaitement et un accouchement qui tourne mal. Il est donc de salubrité publique que les sages-femmes n’aient plus accès au sexe des femmes, mais que cette fonction soit réservée aux gynécologues obstétriciens.

La discussion sur twitter a pourtant mis en évidence une autre réalité: ce sont les obstétriciens eux-mêmes qui sont incapables de faire la différence entre une situation saine et une maladie. A leurs yeux, la contraception, l’IVG, la fausse-couche, la grossesse et l’accouchement sont a priori pathologiques. Un frottis n’est pas un dépistage chez une patiente en bonne santé, mais un acte relatif à un cancer. La pose d’un stérilet n’est pas une façon d’améliorer la vie sexuelle de jeunes femmes pleines d’énergie, mais un risque de ne pas identifier une appendicite puisque les sages-femmes ignorent le contenu des utérus (sic). Un accouchement n’est pas l’action de mettre son enfant au monde, mais une « loterie » qui tue des mères et des bébés en quelques instants, les obstétriciens ignorant tout de la hiérarchie de risques et des signes précurseurs de complications.

Plus fondamentalement, les gynécologues considèrent qu’être une femme est, en soi, une maladie. Le titre de leur communiqué est révélateur puisqu’ils dénoncent les mesures gouvernementales qui « nuisent à la surveillance médicale des femmes ». Il ne s’agit donc pas de surveiller médicalement une pathologie, mais bien les femmes elles-mêmes.

Les faibles réactions des sages-femmes

Face à cette misogynie et ce mépris pour leur profession, les instances professionnelles des sages-femmes peinent à affirmer la spécificité de leur métier. Certes, chacune a publié un communiqué regrettant les propos de leurs confrères et rappelant la nécessaire collaboration entre les soignants. Néanmoins, la cacophonie régnant entre les sages-femmes hospitalières, les libérales et les accompagnantes d’accouchements à domicile, rend peu audible l’essence de leur profession auprès des femmes.

Les sages-femmes sont les gardiennes de la physiologie. Elles doivent se penser comme les alliées des femmes, en accompagnant par leur art et leur bienveillance toutes les étapes de la vie sexuelle et reproductive des femmes, depuis l’adolescence jusqu’à la ménopause. Ce sont elles qui comprennent qu’une adolescente souhaitant une contraception est en plein questionnement sur les prémices de sa vie sexuelle et affective. Ce sont elles qui recueillent sans jugement l’ambiguïté ou la détresse d’une femme demandant une IVG. Ce sont elles qui accompagnent dans la douleur une future mère qui vit une fausse-couche ou la naissance d’un bébé mort-né. Ce sont elles qui savent qu’un accouchement est une expérience extrême pour chaque femme, la renvoyant aux confins de son humanité, à la vie, à la mort, à ses aïeux, à son enfance, à son couple, à ses doutes, à ses fragilités, à son corps et à sa sexualité. Ce sont les sages-femmes qui comprennent qu’une femme n’est pas qu’un utérus, mais une personne à part entière, unique et au parcours de vie forcément exceptionnel. Ce sont elles qui, dans ce contexte de domination masculine, devraient donner aux femmes confiance en leurs capacités, et les encourager à se réapproprier leur puissance, leurs pouvoirs et leur liberté.

Malheureusement, bon nombre de sages-femmes s’envisagent d’abord comme des techniciennes, comme des « obstétriciennes light » se limitant à être les petites mains des institutions hospitalières. Elles tentent, de façon pathétique, de rassurer les gynécologues en reprenant à leur compte les discours de peur et de pathologie qu’ils projettent sur les femmes. Elles reproduisent, comme leurs confrères, les violences obstétricales inventées et pratiquées par les médecins au fil des siècles. Et, pire que tout, elles se montrent incapables de solidarité entre elles, notamment en pourchassant et excluant les sages-femmes aux services des mères souhaitant accoucher à domicile.

Entre les gynécologues obstétriciens qui considèrent les femmes comme leur chasse gardée et les sages-femmes incapables de se hisser à la hauteur de leur fonction, les femmes payent le prix fort de ce conflit entre les soignants.

Les futures mères subissent les risques d’une prise en charge défaillante en raison d’un défaut de collaboration entre sages-femmes et obstétriciens. Elles se voient priver de la liberté de mettre au monde leur enfant comme elles le souhaitent, en devant se conformer aux protocoles et diktats de professionnels défendant leurs propres intérêts. Elles sont contraintes de se soumettre sans broncher à la domination des soignants cherchant à se protéger les uns des autres.

Cette guerre séculaire qui oppose les médecins aux sages-femmes pourrait n’être qu’un conflit de corporations. Elle pourrait n’avoir que des conséquences limitées, si elle n’avait pas pour champ de bataille le corps des femmes.

[1] Lire notamment Silvia Federici, « Caliban et la Sorcière », Entremonde, 2014 ; Barbara Ehrenreich et Deirdre English, « Sorcières, sages-femmes et infirmières : une histoire de femmes et de la médecine », 1973, remue-ménage 2005.

Pourquoi des listes de soignant.e.s dressées par les patient.e.s ?, par Martin Winckler

J’ai répercuté ces jours-ci sur ma page Facebook et mon flux Twitter l’adresse de Gyn&Co, site d’information donnant des noms de soignant.e.s féministes. La liste n’est pas composée par des médecins mais par des patient.e.s. Elle recourt à des critères nombreux (et parfois subjectifs, ce qui n’a rien de problématique à mes yeux) ; certains professionnels se sentent gênés, d’autres offusqués par cet annuaire. D’autres – j’en fais partie – appelaient de leurs voeux ce type d’initiative dès les années soixante-dix. Rien que pour ça, je bénis l’Internet.

En tant que professionnel de santé, engagé depuis longtemps dans des activités de partage de ce type, je constate qu’elles ne vont pas de soi pour d’autres professionnels. Le texte qui suit vise à expliquer pourquoi, à mon avis, ces initiatives sont non seulement inévitables, en France, mais également souhaitables et nécessaires.

Lire la suite par ici: http://ecoledessoignants.blogspot.fr/

Pourquoi c’est important de soutenir la Case de santé à Toulouse

Pourquoi c’est important de soutenir la Case de santé

Pétition pour une santé pour tous-tes par La Case de Santé
7 novembre 2014

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Depuis huit années au cœur du quartier Arnaud Bernard à Toulouse, la Case de Santé a développé un projet innovant en matière de santé. Si aujourd’hui, les valeurs et principes mis en œuvre dans son projet de santé trouvent un écho dans les discours publics en matière de santé, il n’en a pas toujours été ainsi, et surtout les actes peinent à suivre les paroles.

Il a fallu beaucoup de ténacité et de volonté à l’association et à son équipe salariée pour convaincre les pouvoirs publics de l’utilité sociale du projet porté. La démonstration s’est faite de manière pragmatique, en mettant en œuvre des missions dont la pertinence ne fait plus aucun doute. La Case de Santé n’a plus le temps d’attendre qu’une réforme de la santé donne enfin des moyens aux priorités annoncées sans que des financements ne soient dégagés.

Huit années plus tard, la reconnaissance de la pertinence et de la qualité du travail accompli au sein de la structure est unanime. Cette reconnaissance, pour précieuse qu’elle soit, ne suffit pas à faire vivre la structure dont les besoins sont pourtant très modestes. La Case de Santé est citée, louée, montrée, érigée en modèle opérationnel, inscrite dans des plans et des contrats locaux… mais dès qu’il s’agit d’organiser son financement à hauteur de ses besoins réels, c’est une autre histoire !

Si les pouvoirs publics ne dégagent pas les moyens nécessaires d’ici-là, la Case de Santé fermera ses portes au 1er novembre 2014 :

1 300 usager-e-s, la plupart en situation de grande vulnérabilité sociale, se trouveront privé-e-s de leur lieu de santé, celui où ce qui n’était pas possible ailleurs le devenait.

11 professionnel-le-s se trouveront alors au chômage. Toute une équipe patiemment composée et renouvelée détruite ainsi que l’assemblage de compétences spécifiques réunies.

Ce sont des terrains de stage, uniques dans la région, ouverts aux futur-e-s professionnel-le-s du travail social et en médecine générale qui disparaîtront.

Nous ne nous résignons pas devant la situation qui est la nôtre aujourd’hui, comme hier et avant-hier. Nous engageons notre énergie à trouver les solutions pour sauver la structure, en plus de l’engager au service de nos usager-e-s.

Les grands discours sur les inégalités sociales de santé, la réforme du système de santé sonneront encore plus creux quand la Case de Santé aura fermé ses portes. Ce qui se passe pour la Case de Santé est la conséquence des choix politiques en cours qui, à terme aboutiront à la casse de l’ensemble de notre système de solidarité et de santé. Les coupes budgétaires ont des conséquences bien réelles et elles frappent les plus vulnérables.

Nous demandons :

que des financements soient débloquées en urgence pour éviter la fermeture de la Case de Santé en 2014

qu’une table ronde réunissant les partenaires financiers de la Case de Santé soit organisée, sous l’égide de l’ARS, pour aboutir à des engagements pour un financement pérenne.

P.-S.

Suite l’actualité de la lutte : www.casedesante.org.
Signer la pétition

▶ La Case de Santé en lutte pour sa survie – Rassemblement du 7 novembre 2014 – YouTube.

Projection de « Entre leurs mains » à Digne

entre leurs mains2Comment considère-t-on la naissance et le corps de la femme aujourd’hui ? Quelle place laisse-t-on encore à l’humain dans l’acte de donner la vie ? Muriel, Jacqueline, Sidonie et Cécile accompagnent des personnes qui souhaitent donner naissance à domicile. Ces sages-femmes nous invitent à découvrir leur pratique et leur vision de la venue au monde. En France, le choix de cette alternative prend, aujourd’hui, la forme d’une lutte. Même si cette pratique n’est pas officiellement illégale, les préjugés sont tenaces. Les sages-femmes sont soumises à des pressions administratives sans cesse plus étouffantes, tendant à faire disparaitre une des dernières alternatives à l’accouchement médicalisé.

Jeudi 2  Octobre à 18h30, projection du film « Entre leurs mains » de Céline Darmayan, au Cinétoiles à Digne.
Un superbe documentaire sur la naissance respectée, suivi d’une table ronde avec les professionnels de la naissance de la région.

Voir la bande annonce par ici.

Le gouvernement espagnol capitule en rase campagne

89939d54afc419451a405ec6a26f022f3fbb4b05« Le gouvernement conservateur espagnol a annoncé mardi l’abandon de son projet de loi supprimant le droit à l’avortement, qui avait suscité la polémique jusque dans les rangs du pouvoir, entraînant la démission du ministre de la Justice, porteur du projet. » (AFP)  En voilà une bonne nouvelle ! Et même si nous ne bouderons pas notre plaisir devant cette reculade et la démission d’un ministre ultraconservateur et catholique, bref, en phase avec les franquistes qui existent encore en Espagne, il faut tout de même remarquer deux lacunes notables dans les articles de la presse mainstream annonçant la chose.

1. Rien, ou quasiment rien, à part quelques photos, sur l’énorme mobilisation, en Espagne surtout mais pas seulement, qui a finalement eu raison de cette loi scélérate. Par exemple,  Slate.fr titre : « Avortement : une victoire pour les femmes, mais surtout un fiasco de la droite espagnole ». Quant à Libération, il préfère s’attarder sur les considérations préélectorales de Rajoy, le chef du gouvernement, et sur les rivalités internes à la droite espagnole. Et bien sûr que tout cela a joué. Mais sans l’opposition populaire – des femmes en premier lieu – on peut parier que la loi serait passée.

2. Rien non plus sur les nombreux mouvements antiavortement menés par les droites néoconservatrices et leurs jumelles extrêmes, entre autres aux États-Unis et en France… Dans ce contexte, la victoire des femmes espagnoles est d’autant plus importante.

Un lien vers une petite vidéo sur le mouvement en Espagne : https://www.youtube.com/watch?v=rGiBnTHGP4U