Les femmes de Gaza coincées entre occupation et contrôle social. Contrôle des naissances, contraception et avortement

Un article de Hélène Servel trouvé sur Orient XXI
Dans la bande de Gaza, sous blocus total depuis exactement dix ans, l’auteure a mené une recherche sur les déterminants socioculturels des grossesses non désirées, de la contraception et des avortements. Dans ce territoire densément peuplé où le taux de fécondité reste élevé et où la vie quotidienne est si difficile, comment sont-ils perçus ? Comment les barrières sociales qui font entrave à leur prise en charge agissent-elles et quel impact cela a-t-il sur les tendances démographiques ?

Avec plus de 1 million 881 000 personnes1 vivant sur un territoire de 365 km², soit plus de 5 000 habitants au km², les enjeux démographiques dans la bande de Gaza sont de taille. Le taux de fécondité s’élève à environ 5,1 enfants par femme en 2010, quand celui de la Cisjordanie « plafonne » à 4,82. Pourtant, la maîtrise de la natalité est peu évoquée comme telle, alors qu’elle représente un enjeu humanitaire considérable dans un contexte de blocus total depuis dix ans.

Historiquement, les questions de natalité et de fécondité ont fait l’objet d’un « investissement politique » par les autorités palestiniennes, notamment dans les périodes d’Intifada où le conflit avec Israël se jouait également au niveau démographique. Aujourd’hui, si cette idée est moins présente, elle reste un facteur. Avoir plus d’enfants permettait de participer, à une certaine échelle, à l’effort pour la libération nationale dans un contexte de guerre ou, en tout cas, de violence continue.

Grossir les rangs des combattants ?

Depuis quelques décennies, avec une communication efficace, les pouvoirs publics palestiniens prônent un modèle de famille plus restreinte, où les parents décident eux-mêmes du nombre et de la fréquence des naissances. La pratique de la contraception est donc promue et relayée par des institutions comme le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Mais elle est seulement encouragée dans le cadre du mariage, voire après un ou plusieurs enfants. L’occupation et le blocus total que subit la bande de Gaza restent des variables décisives dans les choix de maternité : si, pendant les périodes d’Intifada notamment, la tendance était plutôt à avoir beaucoup d’enfants pour grossir les rangs des combattants et remplacer les martyrs, aujourd’hui, la situation économique, sociale et humanitaire délétère pousse les couples à vouloir réduire la taille de leur famille, pour des raisons financières, mais aussi pour pouvoir assurer une meilleure qualité d’éducation de leurs enfants.

Le Hamas applique une législation basée sur la loi islamique. En conformité avec les principes religieux et sociétaux qui régissent la vie quotidienne, la contraception est donc acceptée seulement comme un moyen d’espacer les naissances (tanzim al-nasl), et de protéger ainsi la santé de la femme, mais non de limiter les naissances (tahdid al-nasl). Elle est autorisée depuis environ quarante ans, à l’exclusion des méthodes définitives comme la ligature des trompes. En 1993, c’est l’UNRWA qui introduit des services de planning familial, suivi par le ministère de la santé en 1997. Depuis 1994, l’Autorité palestinienne (AP) considère le taux de fertilité comme un objectif national stratégique.

Aujourd’hui, le discours et les pratiques paraissent plutôt correspondre à l’orientation donnée ces dernières années par l’AP sur l’idée d’une famille plus restreinte. La plupart des femmes semblent persuadées des bienfaits et des avantages de la contraception, à la fois pour la santé de la mère et de ses enfants, mais aussi pour son indépendance, l’organisation de sa vie et de celle de sa famille. D’ailleurs, en Palestine, moins de 1 % des femmes qui n’utilisent pas la contraception le font pour des raisons religieuses3.

En revanche, s’il est interdit d’un point de vue social et religieux de souhaiter limiter le nombre de ses enfants, certaines femmes éduquées reconnaissent à demi-mot que la vie dans la bande de Gaza les pousse à n’en vouloir que deux ou trois. Se faisant, elles se sentent mieux à même de pouvoir les nourrir correctement et de leur garantir une éducation de meilleure qualité.

Un inégal accès à l’information et aux contraceptifs

L’accès à la contraception dépend étroitement à la manière dont sont diffusées les informations à ce sujet. Depuis les années 1990, les autorités ont mis en place certains outils comme des brochures, des affiches, des spots télévisés et radiophoniques et des actions de sensibilisation, mais elles communiquent globalement très peu sur ces questions. Malgré tout, en 2000, déjà plus de 90 % des Palestiniennes mariées connaissaient au moins une méthode contraceptive. Elles étaient 99 % en 20104, et le taux d’utilisation des moyens de contraception est relativement élevé. En fait, les informations circulent par des canaux de communication interpersonnelle. Les discussions entre femmes se révèlent beaucoup plus influentes qu’une visite chez le médecin. Ce sont notamment par elles que les jeunes filles peuvent en avoir connaissance, alors même qu’on ne fournit officiellement d’informations qu’aux femmes mariées pour ne pas « encourager » les relations sexuelles hors mariage. Les médecins n’acceptent de leur parler de leur corps qu’à partir du mariage, voire après une ou plusieurs grossesses, et les personnels chargés de la prévention en la matière sont peu formés. Les hommes, quant à eux, semblent très peu impliqués et disent préférer se renseigner par eux-mêmes.

L’accès à l’information dépend aussi du statut administratif de la personne. Effectivement, 72 % des Gazaouis sont des réfugiés et sont donc enregistrés à l’UNRWA, bénéficiant de leurs infrastructures et services gratuits, y compris pour la contraception. Les 28 % restants sont des « citoyens », c’est-à-dire originaires de la région de la bande de Gaza avant 1948, et doivent se tourner vers les institutions de santé publique, de moins bonne qualité et où ils doivent souvent endosser des frais, même minimes.

La présence de ces deux types de population explique le caractère bicéphale du système de santé palestinien et un « traitement différentiel »5, révélateur d’inégalités économiques latentes pour l’accès à la contraception. Selon un rapport de 2012, la totalité des 21 centres que gère l’UNRWA dans la bande de Gaza fournissaient des services de planning familial, alors que sur les 56 centres de santé du ministère de la santé, seulement 16 en proposaient au même moment6. Enfin, l’inégal accès à l’information se lit aussi entre zones urbaines, plus couvertes et zones rurales, plus marginalisées et isolées.

Le taux d’utilisation de la contraception est relativement élevé par rapport à d’autres pays de la région et la plupart des moyens de contraception sont disponibles, accessibles et gratuits. Le coût en reste cependant étroitement lié au statut administratif de la personne : les réfugiés peuvent se fournir gratuitement auprès de l’UNRWA tandis que les citoyens doivent supporter des frais, même s’ils sont minimes.

Si la nécessité absolue d’attester de l’union maritale n’est plus requise de manière systématique depuis les deux dernières décennies, l’accès aux contraceptifs demeure tacitement conditionné au fait que la femme soit mariée. Mais, même si la couverture contraceptive est relativement bonne dans l’ensemble de la bande de Gaza, elle peut être soumise à des pénuries, notamment en période de crise. Récemment, l’UNFPA, seul fournisseur de contraceptifs en Palestine annonçait vouloir réduire ses budgets et c’est précisément les moyens alloués pour la bande de Gaza qui risquent d’être considérablement amoindris à partir du mois de juin 2017. Si ces prévisions de restrictions budgétaires ne sont pour l’instant que partiellement documentées, elles entraîneraient potentiellement des pénuries et fragiliseraient donc d’autant plus le droit à la contraception que cela se fait dans un contexte démographique et humanitaire déjà catastrophique. Cela révèle aussi l’extrême dépendance du système de santé gazaoui à l’aide internationale en termes d’approvisionnement de matériel, de médicaments, d’infrastructures et de soins.

Le prisme religieux

La question de l’avortement est particulièrement sensible dans la bande de Gaza puisque dans les années 1980-1990, le conflit avec Israël se joue aussi dans les berceaux. Une véritable « guerre démographique » est engagée7. L’idée d’une « fécondité de remplacement » pour « compenser la perte des martyrs » est commune et les femmes réfugiées de Gaza seraient encore beaucoup plus nombreuses (46,1 %) qu’en Cisjordanie (26,6 %) à désirer au moins 6 enfants8.

Cette « dimension politique de la fécondité »9 n’est plus d’actualité et au-delà du contexte historico-politique particulier, c’est surtout le prisme religieux qui condamne et interdit formellement l’avortement à Gaza. « Il n’y a aucune raison logique à un avortement ! », rappelle Kefah Al-Rantisi, une représentante du ministère des affaires religieuses. Seuls quelques situations autorisent exceptionnellement cette pratique, quand la vie de la mère ou de l’enfant est en danger avant les 40 ou 120 premiers jours de la grossesse. Si le cadre légal semble en théorie relativement clair, l’appréciation de ces critères est du ressort du mufti consulté et du diagnostic de deux médecins. La décision finale dépend en fait de l’interprétation, de la position sociale et de la réputation de ces différents acteurs. Ce flou des structures sanitaires sur la problématique des grossesses non désirées et des avortements empêche vraisemblablement d’aborder des questions taboues.

Considéré par l’ensemble de la société comme incompatible avec les normes socioculturelles et religieuses, l’avortement est donc en principe perçu négativement par la plupart des femmes. Pourtant, elles sont nombreuses à le pratiquer dans les faits et parfois même à le justifier : pour préserver la santé physique et psychologique de la mère, assurer une meilleure éducation aux enfants, dans le cas de grossesses précoces ou tardives, de relations conjugales houleuses… D’autres facteurs moins évoqués par les femmes rentrent aussi en compte : « Les relations d’inceste ou la pauvreté sont des phénomènes qui influencent la décision d’avortement, mais qui sont moins visibles parce qu’ils se produisent sur le long terme et sont dépendants de relations de domination économique et sociale très ancrées », explique Zeinab Al-Ghunaimi, une avocate gazaouie et directrice du centre de recherche et de consultations légales pour les femmes à Gaza City.

Les données sont donc très difficiles à obtenir et les rares chiffres dont on dispose font état de 5 996 cas d’avortements en 2011 et 6 983 en 201210. Pourtant, de nombreux témoignages racontent des expériences de grossesses non désirées souvent suivies d’avortements : si ce n’est pas toujours possible à cause du fort contrôle social exercé sur les femmes, c’est tout de même le cas le plus fréquent.

Un parcours semé d’obstacles

Les femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse doivent se plier aux impératifs sociaux ou lutter contre les différents acteurs qui entravent l’autonomie de leur décision. La plupart des soignants tentent de les dissuader, invoquant des raisons morales et jouant ainsi le rôle de gardiens des normes sociales.

Parallèlement, il existe un maillage de relations interpersonnelles qui constituent des intermédiaires dans la volonté de l’épouse ou du couple. Ainsi, les femmes de l’entourage et la belle-mère jouent un rôle très important, du soutien logistique ou psychologique à la désapprobation morale en passant par la réprimande, elles constituent un accompagnement concret et quotidien. Elles prodiguent notamment des conseils, voire des recettes pour provoquer un avortement : boire des décoctions de cannelle et de gingembre, manger beaucoup de dattes, respirer des substances chimiques, sauter dans les escaliers, mettre une bouteille de gaz sur son ventre, etc.

Si les récits de ce genre sont nombreux, les médecins, eux, ne reconnaissent pas leur existence. Pourtant, malgré la forte réprobation sociale et contrairement à d’autres contextes où les femmes sont souvent soupçonnées d’avoir provoqué elles-mêmes l’avortement, ils ne posent en général aucune question. Ils considèrent qu’il relève de leur responsabilité de soigner une femme qui connaît des complications dans sa grossesse.

Les maris quant à eux souhaitent parfois un nombre plus réduit d’enfants, quitte à encourager, voire à forcer l’interruption d’une grossesse.

Malgré l’interdiction officielle de l’avortement, des médecins privés le pratiquent quand même clandestinement, moyennant un prix conséquent (environ 400 à 500 dollars).Un avortement peut être obtenu si la femme ou le couple a un proche ou une connaissance qui est médecin ou les moyens financiers. « Si tu as de l’argent, si tu as des proches à l’hôpital qui sont médecins, tu peux te faire avorter beaucoup plus facilement dans des hôpitaux. Pour l’avortement aussi, il y a de la wasta (du piston) ! », résume un travailleur social à Gaza City. C’est donc un véritable mode de gestion clientéliste qui se met alors en place. La législation relativement floue en fait un révélateur d’inégalités économiques et sociales.

Dans le contexte humanitaire, politique dramatique de la bande de Gaza, les questions de santé sexuelle et reproductive n’apparaissent pas comme une priorité. Pourtant, la situation démographique accentuée par le blocus imposé par le gouvernement israélien depuis dix ans fait de Gaza une véritable prison surpeuplée à ciel ouvert. Le contexte politique est bien sûr une variable décisive, mais le cadre religieux et social ne favorise pas non plus le traitement de ces questions, considérées comme taboues. Enfin, l’extrême dépendance du système de santé à l’aide internationale rend les Gazaouis encore plus vulnérables, face aux coupes budgétaires envisagées dans les organisations internationales et à la dégradation des conditions de vie. Les tendances démographiques ne vont donc pas vers un ralentissement de la natalité.

Documentaire : Quel a été le rôle des grands médias brésiliens dans l’assassinat d’une adolescente ?

Si on pose la question à n’importe quel Brésilien sur “l’affaire Eloá”, il saura certainement de quoi il s’agit. En octobre 2008, le pays entier a été témoin en direct de la séquestration d’Eloá Cristina, âgée de 15 ans, qui a été gardée en otage pendant une semaine et ensuite assassinée par son ex-copain Lindemberg Alves, qui avait alors 22 ans.

Le 13 octobre 2008, Eloá était avec ses camarades de classe en train de faire un travail scolaire dans son petit appartement, à l’intérieur d’une résidence de Santo André, à proximité de São Paulo, quand Lindemberg est entré chez elle de force muni d’une arme. Le jeune n’acceptait pas que la relation avec Eloá soit terminée. Deux de ses amies furent libérées à ce moment mais Nayara, la meilleure amie de Eloá est restée. Elles ont alerté la police puis les médias sont ensuite venu sur les lieux.

Pendant que la police négociait avec Lindemberg, deux chaînes de télévision transmettaient les faits en direct. Un journaliste a même interviewé Eloá et Lindemberg à travers la même ligne téléphonique qu’utilisait la police pour négocier la libération des otages. Eloá a dû répondre à des questions telles que “Tu l’aimes encore ?”, pendant qu’ils analysaient son profil sur les réseaux sociaux. Dans un des programmes de télévision, un prétendu spécialiste a dit qu’il “espérait que cela se finisse bien”, qu’Eloá et Lindemberg résolvent leurs différends et se marient.

La réalisatrice Livia Perez, habituée à traiter ce genre de sujet, s’est centrée sur l’affairee cas afin de parler des violences machistes | Photo: Alf Ribeiro/Utilizé avec son autorisation

Même si Lindemberg a libéré Nayara le premier jour, la police a demandé à la jeune fille de revenir afin de faciliter la négociation avec l’agresseur.

Cinq jours après, le vendredi après-midi, la police est finalement entrée dans l’appartement. On entendit des coups de feu puis on vit Nayara sortir de l’appartement avec une blessure à la tête. Par contre Eloá était inconsciente, elle avait pris une balle dans la tête. Lindemberg s’est battu avec la police dans les escaliers à l’extérieur du bâtiment, sous les yeux de nombreux journalistes et curieux qui étaient aux alentours.

Tout a été transmis en direct à la télévision sous les yeux de millions de téléspectateurs.

L’image d’Eloá en train de pleurer à la fenêtre pendant qu’elle était retenue en otage par son ravisseur, à peine quelques jours avant sa mort, est devenue un symbole emblématique non seulement de la prise d’otage la plus longue de l’histoire du Brésil mais aussi de la pire gestion de prise d’otage et la plus sensationnaliste de l’histoire.

Huit ans après, la cinéaste brésilienne Livia Perez a décidé de faire une chronique sur ce qui est arrivé à Eloá. Mais elle n’a pas souhaité raconter l’histoire à travers d’interviews des proches d’Eloá, au contraire elle a voulu mettre en avant les reporters et la police, afin d’analyser comment les médias et la société idéalisent les histoires de violence contre les femmes.

Son documentaire sorti en 2016 et qui fut récompensé est intitulé “Qui a tué Eloá ?”. Il a été projeté dans les festivals de cinéma du monde entier, d’Uruguay au Mexique en passant par la France, des écoles de Corée du Sud aux prisons du Brésil. Dans un entretien avec Global Voices, Perez parle de sa motivation pour la réalisation de son projet, de la dure réalité de la vie quotidienne des Brésiliennes (Au Brésil, 13 femmes sont tuées chaque jour), et des sujets récurrents des médias lorsqu’ils traitent des cas de violence envers les femmes et les petites filles.

Le documentaire de 24 minutes est disponible avec des sous-titres en anglais et en espagnol.

Global Voices (GV): Qu’est-ce qui vous a motivé à raconter l’histoire de Eloá ?

Livia Perez (LP): Le type de crime dont a été victime Eloá affecte des milliers de femmes brésiliennes. L’histoire d’Eloá est l’histoire d’un grand nombre de Brésiliennes. Le Brésil occupe le 5ème rang en nombre de femmes assassinées, et malgré cela, la presse ne parle pas des violences faites aux femmes lorsqu’elle couvre ce genre de crimes. D’où ma motivation principale : faire reconnaître le crime contre Eloá comme un féminicide.

GV: Que fut la chose la plus difficile lors de votre travail sur cette histoire ?

LP: Le plus grand défi a été de ne pas reproduire les vices du journalisme traditionnel dans l’esthétique du film, c’est à dire réfléchir à la manière adéquate de raconter ce crime en utilisant les images transmises par les médias traditionnels, tout en les critiquant et en proposant un tout autre point de vue.

GV: Dans le documentaire il n’y a pas d’entretien avec l’amie d’Eloá qui a survécu à la prise d’otage, ni avec la famille, ni même avec l’enquêteur chargé de l’affaire, comme ça se fait normalement dans les documentaires d’affaires criminelles. Pourquoi avez-vous fait ce choix?

LP: Justement parce que même si le film ne traite pas de ce cas particulier même s’il l’utilise comme base. Il est nécessaire de voir le scénario de façon relationnelle et non individualisée. Cela ne m’intéressait pas d’utiliser le même récit que celui lancé par les médias, je ne cherchais pas à scénariser le crime comme un fait unique et isolé. Le choix d’une narration ciblée sur l’attitude des médias m’a permis également de remettre en cause le point de vue de la police et de la société face aux féminicides.

GV: La transmission en direct de son assassinat et le fait que les chaînes de télévision ont minimisé la situation de l’otage paraît complétement surréaliste, mais quelle partie de tout ça faites-vous ressortir ?

LP: A mon avis, il y a eu de nombreuses irrégularités, à commencer par la diffusion en direct de la séquestration, qui au fur et à mesure que les jours passaient, ont donné de la puissance au preneur d’otage. Parmi toutes les absurdités, comme par exemple le journaliste qui a prétendu être un ami de la famille et l’avocat qui espérait que “tout finirait bien, avec un mariage en prime” entre la victime et le ravisseur, je crois que le plus problématique a été le fait que les médias ont réussi à communiquer par téléphone avec le ravisseur, et finirent en médiateurs dans une situation à haut risque pour laquelle ils n’étaient pas qualifiés. La construction d’un narratif romantique autour du crime et la glorification de la personnalité criminelle du ravisseur qu’ont créée les médias pour capter et maintenir l’audience ont également été nocives.

GV: Le documentaire questionne le narratif de “l’homme non conforme” et du “crime passionnel”, très utilisé par le journalisme pour justifier les féminicides. Cela a-t-il changé à ce niveau-là depuis 2008?

LP:  J’aime penser que c’est le cas, que certaines choses ont changé mais je sais que d’autres restent les mêmes. Les réseaux sociaux et les sources d’informations alternatives sont maintenant très viables grâce à internet et invitent de plus en plus les gens à se poser des questions sur les médias traditionnels, et par conséquent la manière d’informer des crimes sexistes (féminicides, viols, abus sexuels, harcèlement…).

Au moins trois médias ont réussi à interviewer le ravisseur pendant la prise d’otages, en utilisant la même ligne téléphonique que celle que la police utilisait pour négocier avec le ravisseur. Capture d’écran de ‘Qui a tué Eloá ?’

GV: Une enquête récente a révélé que 57% des Brésiliens sont d’accord avec la phrase “un bon délinquant est un délinquant mort”. Néanmoins quand il s’agit de féminicides, beaucoup de gens ont l’air de montrer plus d’empathie envers l’assassin qu’avec la victime. Pourquoi, à votre avis ?

LP: Je suis totalement contre l’idée “qu’un bon délinquant est un délinquant mort” et je refuse que la société se fasse justice elle-même, de même que le populisme pénal. Ce qui se passe avec ces crimes, c’est qu’ils sont racontés de manière machiste, sexiste, c’est à dire que les auteurs de ces féminicides sont décrits comme des personnes dignes de pitié pendant que les véritables victimes sont ignorées, culpabilisées et vilipendées, ce qui génère un renversement des valeurs extrêmement nocif, et le pire c’est que ce renversement de valeurs est souvent promu par des entreprises et des groupes d’entreprises publiques, comme c’est le cas avec les chaînes de télévisions ouvertes. C’est ce qui s’est passé pendant la prise d’otage et l’assassinat d’Eloá, celui d’Eliza Samudio, ou encore lors de la couverture médiatique du viol d’une adolescente par un gang d’une favela de Rio de Janeiro…

GV: Depuis 2015, le féminicide est un terme légal dans le code pénal du Brésil. Par conséquent, c’est un délit dans notre législation, mais malgré cela le Brésil est toujours le cinquième pays pour le nombre de femmes assassinées. D’où vient le problème d’après vous ?

LP: Je pense qu’il manque un effort collectif afin de combattre l’important taux de féminicides. A mon avis cela devrait commencer par une réforme dans les grands médias du pays et par l’application de l’article 8, paragraphe III, de la Loi Maria da Penha, qui prévoit la responsabilité des médias de communication dans l’éradication de la violence domestique et familiale.

GV: Durant l’année dernière, l’Amérique Latine (une des régions au plus fort taux de féminicides de la planète) s’est mobilisée pour protester contre la violence machiste avec des campagnes telles que #PasUneDePlus. De quelle manière le percevez-vous ?

LP: Ces manifestations sont fondamentales et donnent de l’espoir pour une Amérique Latine qui reste majoritairement machiste. Maintenant je crois que nous devons intégrer le féminisme dans les débats politiques et que nous devons encore lutter fortement pour conquérir une représentativité.

Fémonationalisme, suite

Voici trois jours, nous avons reblogué ici-même un article de Joao Gabriell qui réagissait aux premières déclarations de la nouvelle secrétaire d’État à l’égalité des hommes et des femmes: « Outre une grande campagne de communication antisexiste et l’instauration d’un congé maternité unique, indépendamment du statut des femmes (salariées, entrepreneuses, etc), la nouvelle Secrétaire d’Etat a annoncé une mesure qui a de quoi inquiéter : l’instauration de policiers habilités à verbaliser les insultes sexistes dans l’espace public, s’inscrivant dans le projet plus large du nouveau Président d’introduire « 10 000 policiers de proximité ». Avant même de songer à la verbalisation des insultes sexistes, cette déclaration a de quoi faire frémir tous ceux qui sont conscients que le renforcement des dispositifs policiers est annonciateur de plus de violences policières, et donc aussi de crimes policiers, en particulier contre les hommes arabes et noirs vivant dans les quartiers populaires. Car en effet, ce n’est certainement pas dans le 16e arrondissement parisien que les effectifs policiers seront gonflés. De plus, les contrôles au faciès étant déjà largement prouvés, ce ne sont certainement pas tous les hommes qui seront concernés par cette accentuation de l’activité policière. » Et voici ce que nous apprenons aujourd’hui par Médiapart:

« Un article sorti dans le Parisien en fin de semaine affirme qu’une partie du quartier La Chapelle serait interdite aux femmes par la présence de trop nombreux hommes dans la rue, pour ne pas parler des réfugiés. L’article est immédiatement repris par les médias, comme RTL, France Info… Et vendredi 19 mai 2017 le collectif SOS La Chapelle, des élus LR et Valérie Pécresse se réunissent aux pieds du métro La Chapelle pour en appeler à l’intervention immédiate du nouveau gouvernement. Valérie Pécresse propose aussi une aide à la sécurité à tous ceux qui ont peur. Un budget sorti tout droit des caisses du Conseil régional d’Ile de France et dont la Mairie de Paris ne voudrait pas selon Mme Pécresse. Bref, le feu aux poudres. »

Contre ces tentatives de semer la panique, Médiapart donne la parole aux habitantes du quartier de La Chapelle. Cette vidéo est à voir ici. Ça vaut la peine de prendre les quelques huit minutes qu’elle dure pour comprendre de quoi il retourne.

Le fémonationalisme sous l’ère Macron : d’effrayantes perspectives sécuritaires et racistes au nom de la cause des femmes

Par

Mercredi 17 mai 2017, dans l’émission spéciale de Nicolas Poincaré sur Europe Soir traitant de la nomination des nouveaux ministres du gouvernement, était invitée à s’exprimer Marlène Schiappa1. Cette dernière n’est autre que la nouvelle Secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Assurant que l’égalité hommes-femmes serait une « grand cause nationale du quinquennat d’Emmanuel Macron », Marlène Schiappa a fait part de quelques-unes des tâches qu’elle souhaite accomplir.

Outre une grande campagne de communication antisexiste et l’instauration d’un congé maternité unique, indépendamment du statut des femmes (salariées, entrepreneuses, etc), la nouvelle Secrétaire d’Etat a annoncé une mesure qui a de quoi inquiéter : l’instauration de policiers habilités à verbaliser les insultes sexistes dans l’espace public, s’inscrivant dans le projet plus large du nouveau Président d’introduire « 10 000 policiers de proximité ».

Avant même de songer à la verbalisation des insultes sexistes, cette déclaration a de quoi faire frémir tous ceux qui sont conscients que le renforcement des dispositifs policiers est annonciateur de plus de violences policières, et donc aussi de crimes policiers, en particulier contre les hommes arabes et noirs vivant dans les quartiers populaires. Car en effet, ce n’est certainement pas dans le 16e arrondissement parisien que les effectifs policiers seront gonflés. De plus, les contrôles au faciès étant déjà largement prouvés, ce ne sont certainement pas tous les hommes qui seront concernés par cette accentuation de l’activité policière.

« Et c’est parce que cette police est raciste et qu’elle vise les hommes de nos communautés que la population française majoritaire continue de la soutenir. Le racisme est donc ce qui permet de garantir l’impunité policière. Si demain la police allait défoncer les os des hommes blancs et de ceux de la classe moyenne, de moins en moins de gens la défendrait. »2

Et concernant précisément cette ambition de verbaliser les insultes sexistes – et donc plus largement le harcèlement sexiste – dans l’espace public, j’aimerais reprendre une analyse faite ultérieurement sur ce blog concernant les conditions de possibilité d’exercice du sexisme par les hommes en fonction de leur position de race/classe. Il devient évident, si on partage la grille de lecture qui va suivre, que ce projet sera directement tourné contre les hommes non blancs des quartiers populaires, et donc par extension contre les communautés non blanches, puisque cela aura aussi une incidence sur les femmes de ces groupes sociaux :

« […] ce qui change ce n’est pas la nature du sexisme, mais au moins deux choses : les conditions de possibilité d’exercice du sexisme et les perceptions/réactions des actes sexistes, variables dans les deux cas selon la position des hommes dont il est question. […] Un homme dominant a du pouvoir aussi bien sur son épouse, ses éventuelles soeurs, que sur d’autres femmes : celles qui lui sont subordonnées au travail, voire celles qu’il emploie si c’est lui le patron, celles à qui il enseigne s’il est prof, celles qu’il peut payer dans le cadre de la prostitution bien moins stigmatisée que celle de rue car pratiquée dans les beaux hôtels, celles qui sont peut-être mêmes employées chez lui (domestiques, nounous etc). Il sera moins enclin au harcèlement de rue qu’à celui qu’il peut effectuer dans tous les espaces où il a du pouvoir. Lorsque cet homme dominant harcèle/frappe/viole des femmes, cela peut être dans le cadre de toutes ces relations. Autrement dit, pas besoin de  « concentrer » cette violence sur son épouse, elle peut se déployer à souhait dans bon nombre de situations.

Un homme pauvre et/ou non blanc en revanche a surtout du pouvoir sur les femmes qu’il fréquente dans l’intimité (épouse, conjointe, sœurs), parce qu’il n’est le patron ou le supérieur de personne, que s’il a recours à la prostitution ce sera celle de rue où bien sûr il peut exercer une violence mais bien plus stigmatisée et criminalisable, et parce qu’enfin, il n’a évidemment aucune femme qui est employée chez lui. Dans ce contexte, l’essentiel de l’exercice du pouvoir masculin sera surtout sur les femmes à qui il est lié par le sang, le couple, ou à celle dans la rue (harcèlement de rue, prostituées).

Pensez-vous donc que la différence entre ces deux hommes relève d’un sexisme de nature différente dans chaque cas, ou s’explique comme je l’avance par des conditions de possibilité de l’exercer qui dépendent de leur pouvoir social respectif ? Pensez-vous que l’homme dominé exerce une violence surtout dans l’intimité et dans la rue, pour se « venger » de ses frustrations d’exploités et d’opprimés par le racisme, ou simplement parce que ce sont les seuls lieux où il peut l’exercer, contrairement à l’homme dominant qui peut la déployer dans tellement plus de contextes ? […] L’hypervisibilité du sexisme des hommes non blancs est à mettre en perspective avec l’invisibilité du sexisme des dominants.[…] à l’invisibilité du sexisme des hommes dominants, il faut rajouter l’impunité lorsque celui-ci est dévoilé au grand jour. Impunité qui n’existe pas pour l’homme dominé. Il ne s’agit évidemment pas de plaider pour une impunité pour tous les hommes, mais d’exiger une justice pour toutes les femmes, et pas un semblant de justice et de condamnation que lorsqu’elles agressées par des prolétaires et/ou des racisés. »3

Ce qu’il faut retenir de ce long extrait pour le cas qui nous occupe ici, c’est notamment la question de l’espace public : les hommes dominants n’occupent pas l’espace public de la même façon que les hommes dominés, ils ne fréquentent d’ailleurs globalement pas les mêmes lieux et ceux qu’ils fréquentent ne sont pas sous contrôle policier permanent comme le sont les quartiers populaires. Autrement dit, on a non seulement tendance à moins les voir, mais ils sont moins criminalisés, alors que les hommes dominés sont surexposés (ils sont notamment bien plus souvent au chômage, ils occupent plus souvent des métiers extérieurs comme dans le bâtiment etc) et c’est sur eux que se concentre l’activité policière. Un renforcement des effectifs policiers, avec certains d’entre eux qui seront habilités à verbaliser les violences sexistes dans l’espace public (et pas à la fac, pas à l’Assemblée nationale, pas dans un ministère, pas dans les cabinets d’avocats, pas dans les bureaux des conseils d’administration des entreprises, etc.), c’est donc le nom de code pour : renforcement du contrôle et de la criminalisation des hommes non blancs, et en particulier ceux des quartiers populaires. Il n’y a aucun doute à avoir là-dessus.

Pour poursuivre l’analyse de l’extrait cité, qu’importe qu’un homme non blanc prolétaire analyse ses comportements sexistes par le prisme de ses frustrations, au vu de tout ce qu’il se mange comme violences de l’Etat raciste, nos analyses doivent se concentrer non pas sur sa subjectivité d’opprimé et d’exploité, mais sur les places que lui assigne le système. L’explication par la frustration n’est qu’une rationnalisation discursive de quelque chose qui renvoie à la condition systémique. De la même façon que les femmes, notamment celles qui n’ont pas les possibilités d’échapper à leur condition, rationnalisent leur situation (« m’occuper du ménage et rester à la maison ne me dérange pas, j’ai toujours aimé m’occuper des tâches ménagères » etc), parce que lorsqu’on n’a pas d’autres options, il faut bien vivre et se construire des justifications4, les hommes dominés (et leur entourage) rationnalisent aussi par le discours les contradictions de leur position d’opprimés-exploités pouvant à l’intérieur du foyer opprimer à leur tour. On peut donc comprendre le recours à cette explication dans la vie de tous les jours, mais une analyse politique a le devoir d’aller plus loin.

La nouvelle secrétaire d’Etat affirme que son projet s’explique notamment par le fait que la majorité des femmes ne veut pas porter plainte après des agressions sexuelles ou insultes sexistes, ce qui est une réalité5. Voilà pourquoi il est tragique que ce qui est un fait indéniable, à politiser avec les bonnes grilles de lecture, soit utilisé pour légitimer une entreprise sécuritaire dont l’application sera à coups sûrs raciste. Pour ne rien arranger comme toujours, dans les discours qui font face à ce féminisme d’Etat raciste, on peut malheureusement lire ou entendre que si les femmes ne portent pas plaintes, notamment celles des classes dominées socialement et racialement, ce serait par esprit de sacrifice. Or, là encore l’analyse politique demande de prendre du recul : les faibles dépôts de plainte s’expliquent parce que l’institution policière les refuse, tourne en dérision les agressions sexistes/sexuelles et fait vivre un calvaire à beaucoup des plaignantes6. Si justement on veut réellement penser l’Etat, et se confronter à lui, c’est cela qu’il faut mettre en cause, et non pas un supposé « esprit de sacrifice » ou de « solidarité » des femmes dominées avec les hommes dominés: la police est une institution d’Etat et c’est son fonctionnement qui décourage le dépôt de plainte. Il ne faut donc faire preuve d’aucune espèce de sympathie pour les analyses qui en viennent au final à détourner l’attention sur la dimension institutionnelle et étatique de la non possibilité de plaintes par les femmes dominées. L’idée de « sacrifice » et de « solidarité » est peut-être attrayante, mais elle ne fait que reprendre une fois de plus les modes de rationnalisation par le discours de quelque chose qui renvoie à une condition dans laquelle les individues sont prisonnières, et qui est le véritable problème. Et je ne pense pas qu’on combat la racialisation des questions de genre et sexualité, et que l’on se confronte à l’Etat en restant au niveau de la subjectivation par les opprimés, hommes comme femmes, de leur condition. Que l’on se comprenne bien, je ne crois pas en la police comme solution aux violences sexistes, mais s’il faut analyser la question des femmes, notamment opprimées racialement et exploitées, et du dépôt de plaintes, c’est la perspective que je défens. Pas pour espérer que la police « fasse mieux son travail », mais pour prouver une fois de plus à quelle point elle n’a pas la fonction de protéger les femmes.

C’est d’ailleurs, un de ces nombreux paradoxes montrant comment fémonationalisme et hétérosexisme fonctionnent main dans la main : des policiers seront habilités à verbaliser des insultes sexistes, alors même que le fonctionnement de leur institution décourage le dépôt de plaintes pour agressions sexuelles (et donc que très peu de viols sont jugés), et que les insultes sexistes, homophobes et les violences à caractères sexuelles sont une des modalités récurrentes de l’expression de la brutalité policière7.

Nous avons pu voir les féministes institutionnelles d’Osez Le Féminisme regretter sur les réseaux sociaux que contrairement à ses promesses de campagne, Emmanuel Macron n’ait pas créé un Ministère des droits des femmes, plein et entier, mais simplement un Secrétariat d’Etat. Depuis notre perspective en revanche, nous pouvons quelque part en être rassurés, vu ce qui nous attend déjà avec ce secrétariat d’Etat.

***

Ces perspectives effrayantes rappellent évidemment l’importance de lutter contre le fémonationalisme en particulier et le racisme en général. L’importance de tracer une frontière claire, aussi bien idéologiquement que politiquement, entre le féminisme qui se rendra complice de cette mesure et des conséquences qu’elle induira inévitablement, et celui qui aura le devoir de s’y opposer frontalement sans tergiverser. Mais cela rappelle aussi l’urgence de tracer une autre frontière : cette fois entre les analyses émancipatrices et celles réactionnaires du fémonationalisme à une époque de confusions sur lesquelles prospèrent un large éventail de populistes, et où parfois la différence entre des critiques émancipatrices et réactionnaires n’est pas toujours claire, même dans les camps se revendiquant de l’émancipation. Dans un tel contexte, la réapparition sur la scène politique d’un personnage tel que Dieudonné, qui y verra sans doute une aubaine, ne laisse rien présager de bon quant aux types de critiques qui vont fleurir contre ce projet sécuritaire et raciste qui se pare des habits de la lutte antisexiste.

Il faudra donc se faire entendre et s’organiser non seulement contre ce projet d’Etat, mais aussi clarifier, pour l’imposer, ce que peut être une approche politique émancipatrice de la lutte contre le fémonationalisme et l’Etat policier8.

Mise à jour : 19/05/2017


2«Contre les violences policières : justice pour nos frères, justice pour nos communautés, justice pour nous-mêmes »

https://qtresistance.wordpress.com/2017/02/14/contre-les-violences-policieres-justice-pour-nos-freres-justice-pour-nos-communautes-justice-pour-nous-memes/

3Combattre la racialisation des questions de genre et de sexualité à la racine https://joaogabriell.com/2016/11/18/combattre-la-racialisation-des-questions-de-genre-et-de-sexualite-a-la-racine/

4Voilà pourquoi les discours individualistes et libéraux sur l’émancipation sont particulièrement violents, puisqu’ils supposent que tout le monde a accès aux mêmes possibilités d’échapper à sa condition, ce qui est bien loin d’être le cas.

6– « J’ai porté plainte pour viol : pour les flics, c’était moi la coupable » https://www.streetpress.com/sujet/1488551838-plainte-viol-torture

– Lire également les témoignages et analyses sur le sujet sur la page Facebook « Paye ta policee » https://www.facebook.com/payetapolice/?fref=ts

7Nous pensons ici aux exemples récents tels que le viol de Théo Luhaka et les mises en lumières d’autres agressions sexuelles que la médiatisation de cette affaire a permis de mettre en lumière.

D’autres exemples illustrent également la dimension sexuelle des violences policières :

http://www.sudouest.fr/2017/05/13/video-un-etudiant-affirme-avoir-ete-agresse-par-deux-policiers-dans-le-val-d-oise-3443818-4697.php

https://www.streetpress.com/sujet/1495039540-commissariat-policier-eclate-gueule-pute

https://www.streetpress.com/sujet/1469120055-policiers-homophobes-place-republique

8Vous pouvez écouter ici la table ronde contre l’Etat policier organisée par la revue AssiégéEs le 8 avril dernier https://qtresistance.wordpress.com/2017/04/11/audio-table-ronde-sur-la-lutte-contre-letat-policier-samedi-8-avril-2017-itmtc2017/

Lucía Sánchez Saornil : La Question féminine dans nos milieux

« On peut dire qu’au cours des siècles le monde masculin a toujours oscillé à propos de la femme entre les deux concepts extrêmes : la prostituée et la mère, l’abject et le sublime, sans s’arrêter sur ce qui est strictement humain : la femme. La femme comme individu ; individu rationnel, pensant et autonome. »

Dans cette série de cinq articles publiés entre septembre et octobre 1935 dans le journal Solidaridad Obrera, Lucía Sánchez Saornil, militante anarchiste, fait une critique de l’attitude de ses camarades hommes vis-à-vis des femmes. Elle y expose leurs préjugés machistes, incompatibles avec les aspirations libertaires qu’ils affichent. Elle s’y livre également à une réflexion — en avance sur son temps dans le contexte espagnol — sur l’émancipation des femmes et la révolution sociale qui, selon elle, dépendent l’une de l’autre. Ce texte permet de comprendre pourquoi quelques mois plus tard elle créera, en compagnie des militantes Mercedes Comaposada et Amparo Poch, la fédération révolutionnaire féminine Mujeres Libres, première organisation féministe prolétarienne autonome de son genre, qui sera rapidement forte de plus de 20 000 membres en pleine guerre civile.

LuciaSanchezSaornil-20p-A4-fil (pour d’autres formats, aller sur infokiosques.net)

Quand le sexisme se veut bienveillant…

Trouvé sur Reflexions, le site de vulgarisation de l’Université de Liège, cet article rédigé par d’après les recherches de Benoît Dardenne et Marie Sarlet.

Entre la galanterie et le sexisme, la frontière est parfois ténue. Tout est question de contexte. Dans un article récent intitulé Be kind to a woman, she’ll feel incompetent : benevolent sexism shifts self-construal and autobiographical memories towards incompetence (1), des chercheurs du service de psychologie sociale de l’Université de Liège abordent la question du sexisme bienveillant, cet « autre sexisme » plus discret mais aussi plus insidieux que le sexisme hostile du macho ou du misogyne. Il revêt les traits du paternalisme et a généralement un impact plus délétère sur les performances cognitives des femmes que le sexisme pur et dur qu’est le sexisme hostile. C’est ce qu’ont montré les travaux du professeur Benoît Dardenne et de Marie Sarlet.
Comment les individus et les groupes humains se perçoivent-ils, s’influencent-ils, entrent-ils en relation ? Dans l’environnement social, chacun doit comprendre et évaluer autrui afin de se situer par rapport à lui et prédire l’orientation que vont prendre leurs interactions éventuelles. Mais le temps est compté pour poser ce « jugement social » ! Dans le contexte de la vie en société, l’efficacité se fonde en effet sur un traitement et une exploitation très rapides des informations disponibles. Aussi bâtissons-nous notre vision de l’autre au départ de quelques indices qui nous renvoient à des stéréotypes et à des préjugés – couleur de la peau, traits du visage, âge, taille, sexe, accent, type de voiture, vêtements…

En un sens, le jugement social est tricéphale. Plus exactement, il comporte trois composantes dont chacune, prise isolément, ne suffit pas à rendre compte de la complexité du phénomène. Les stéréotypes en constituent la première facette, cognitive. Selon la définition de Jacques-Philippe Leyens et Vincent Yzerbyt, de l’Université catholique de Louvain (UCL), ils se réfèrent à des « croyances socialement partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi souvent des comportements, d’un groupe de personnes ». Exemple classique : l’idée selon laquelle les femmes ne sont pas compétentes pour occuper des postes de direction.
Les préjugés, eux, nous entraînent dans la sphère affective du jugement social. Toujours selon Leyens et Yzerbyt, ils correspondent à « un sentiment, généralement négatif, envers une ou plusieurs personnes en raison de leur appartenance à un groupe particulier. » Exemple : ne pas aimer les Parisiens ou les avocats. Quant à la discrimination, le troisième élément impliqué dans le jugement social, elle en représente la composante comportementale. En d’autres termes, elle recouvre des actes discriminants à l’encontre d’un groupe. Ainsi, lors d’un examen d’embauche, d’aucuns écarteront d’office la candidature de personnes immigrées.
Comme le souligne le professeur Benoît Dardenne, responsable du service de psychologie sociale de l’Université de Liège, des relations complexes, reflétant parfois une contradiction apparente, peuvent unir les trois composantes du jugement social. Il n’est pas rare, notamment, que des personnes affirment penser du bien d’un groupe social, mais ne puissent s’empêcher de le discriminer. De même, certains individus ont une propension à nourrir des préjugés négatifs à l’égard d’un groupe, alors qu’ils prônent l’égalité (stéréotypes).
Insidieuse bienveillance
Le rejet social doit donc s’étudier au carrefour des stéréotypes, préjugés et discriminations dont le groupe concerné fait l’objet. En cela, et bien qu’il s’agisse stricto sensu de préjugés, le sexisme, mais également le racisme, l’âgisme ou encore l’antisémitisme sont des réalités mettant en jeu des concepts identiques et ayant des conséquences très semblables. Dans cet article, nous nous tiendrons à l’écart de la dissection des aspects cognitifs, affectifs et comportementaux de ces phénomènes pour parler plus volontiers du rejet social comme d’une « attitude », globalisation qui simplifiera le propos. Jusqu’au milieu des années 1990, les questions du sexisme, du racisme, de l’antisémitisme et de l’âgisme étaient abordées sous le seul angle de l’hostilité envers un groupe. En conséquence, le dénigrement et la discrimination négative, faces les plus visibles de l’iceberg, étaient appréhendés comme les éléments cardinaux de ces phénomènes.
En 1996, les travaux de Peter Glick, de l’Université de Lawrence, et de Suzan Fiske, de l’Université de Princeton, ont mis le doigt sur un autre aspect du problème, plus discret, presque obscur, mais manifestement plus insidieux et, tout semble l’indiquer aujourd’hui, souvent plus dommageable pour le groupe discriminé(2) : l’adoption à son égard d’une attitude subjectivement positive, bienveillante, qui a pour effet de le maintenir dans un état de subordination. « Cela correspond aux préjugés paternalistes dirigés vers les individus ou groupes qui ont un bas statut et qui ne sont pas perçus comme menaçants pour les groupes dominants », indique Marie Sarlet, doctorante et aspirante au Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS) au sein du service de psychologie sociale de l’ULg. Et d’ajouter : « Une phrase comme « Les femmes et les enfants d’abord » ne constitue pas a priori un énoncé négatif à l’égard de la femme. Pourtant, elle est le support de discriminations subtiles qui contribuent à asseoir la domination des hommes. Elle relève donc bel et bien du sexisme. »
Sexisme ou galanterie ?
À travers les recherches qu’il mène actuellement, le service de psychologie sociale de l’Université de Liège s’intéresse précisément au sexisme bienveillant et à ses conséquences sur les performances des femmes. Dans cette forme de sexisme, les femmes sont jugées sociables, dépendantes des hommes et peu compétentes. Elles sont perçues comme des « petites choses » faibles et merveilleuses qui doivent être protégées, aimées et placées sur un piédestal. Cette vision est en phase avec le concept de « complémentarité de genre », où les hommes sont décrits comme possédant des traits positifs dont les femmes seraient dépourvues, et vice-versa. La compétence, l’affirmation de soi et l’indépendance seraient des caractéristiques masculines, tandis que les femmes se distingueraient par leur chaleur et leur sociabilité. « Les stéréotypes véhiculant l’idée d’une complémentarité entre hommes et femmes auraient une fonction de maintien et de justification du système social, car chaque groupe de genre serait vu comme détenteur d’une série de forces qui compenseraient ses propres faiblesses et les rendraient acceptables », explique Marie Sarlet.
Un des grands problèmes soulevés par le sexisme bienveillant est qu’il est difficile à identifier. Sa forme subtile le rend peu visible, et il pourrait être confondu avec un comportement de galanterie. Plusieurs laboratoires ont montré que, contrairement à son homologue hostile, très facilement détecté par les femmes, le sexisme bienveillant ne l’est quasi jamais. Des expériences simulant un entretien d’embauche révèlent cependant que si les femmes qui y ont été confrontées ne l’étiquettent pas comme tel, elles évoquent néanmoins une situation déplaisante.

La manière dont le sexisme bienveillant est ressenti par la femme est fonction du contexte dans lequel il s’exprime. La même attitude sera souvent perçue différemment selon qu’elle s’inscrit dans la sphère de la vie professionnelle ou dans celle de la vie privée. Certaines femmes « obligent » même les hommes à se montrer sexistes, mais dans certaines circonstances uniquement. Ouvrir la porte d’un restaurant à une femme et s’effacer pour la laisser entrer la première, traiter cette même femme comme une petite chose précieuse seront généralement des comportements acceptés, voire valorisés, dans un contexte romantique. Y déroger pourrait amener l’homme à être considéré comme manquant de prévenance et d’attention.

Par contre, la femme se montrera plus hostile à des comportements similaires dans l’univers du travail, car elle y est en quête d’égalité. Par exemple, elle ne verra pas d’un bon œil qu’un collègue lui ouvre la portière d’une voiture, alors qu’il n’en fait pas autant pour ses homologues masculins.
En 2006, Benoît Dardenne et ses collaborateurs ont validé la version francophone de l’Ambivalent Sexism Inventory (ASI)(3), une échelle conçue par Glick et Fiske pour évaluer chez une même personne le poids respectif du sexisme hostile et du sexisme bienveillant. A priori, on aurait pu penser que ces deux dimensions étaient antinomiques. « Nos confrères américains ont administré l’ASI à 15 000 hommes et femmes dans plus de quinze pays à travers le monde, rapporte le psychologue liégeois. Il en ressort que les deux formes de sexisme sont corrélées positivement. Autrement dit, dans les pays où le niveau moyen du sexisme hostile est élevé, celui du sexisme bienveillant l’est aussi. Eu égard à la constitution de l’échantillon, tout indique qu’il s’agit d’une caractéristique transculturelle. » Les scores de sexisme hostile sont nettement plus hauts chez les hommes que chez les femmes(4). Mais, dans la moitié des pays étudiés, les deux groupes acceptent à peu près de la même manière le sexisme bienveillant, ce qui fait en partie sa force.
Gant de velours
Comment expliquer la corrélation positive existant entre les deux formes de sexisme ? La législation ainsi que les normes sociales et personnelles interdisent l’expression d’un haut degré d’hostilité envers les femmes. Une hypothèse est que le sexisme bienveillant permettrait d’en occulter le caractère outrancier – « Je n’ai rien contre les femmes puisque je suis aux petits soins avec elles. »

Sociologues et philosophes affirment depuis longtemps déjà que l’alliance des deux composantes du sexisme est très efficace. Toutefois, ils n’ont jamais pu démontrer cette assertion. Forts de leurs études expérimentales, les psychologues y sont arrivés. Chacun d’entre nous connaît l’expression « Une main de fer dans un gant de velours ». Précisément, la psychologue américaine Mary Jackman a développé une théorie baptisée « théorie du gant de velours ». Quelle idée véhicule-t-elle ? « Les préjugés paternalistes, tel le sexisme bienveillant, pourraient réduire la résistance des femmes face à la domination masculine, indique Marie Sarlet. Le sexisme bienveillant les amènerait à moins protester contre le pouvoir des hommes, qu’elles percevraient comme une source de protection et de ressources pour elles, et à moins rechercher leur propre statut d’indépendance. »
« Être à la fois hostile et bienveillant est d’une efficacité redoutable pour maintenir un groupe dans son état de subordination », renchérit Benoît Dardenne. Cette stratégie n’est probablement pas le fruit d’un calcul explicite, délibéré, mais, dans certains cas, peut néanmoins être consciente et verbalisable.
La question des conséquences du sexisme bienveillant sur les performances cognitives de ses cibles constitue l’un des principaux thèmes de recherche du service de psychologie sociale de l’ULg. Dans une première expérience, qui reposait sur une simulation de tests d’embauche, des étudiantes de 18 à 25 ans furent placées dans la peau de candidates à un emploi. Selon les cas, le « recruteur » leur tenait des propos relevant du sexisme hostile ou du sexisme bienveillant, ou alors des propos neutres, sans coloration sexiste. Par exemple, le sexisme bienveillant transparaissait à travers le paternalisme sous-jacent à certaines attitudes galantes ou à des phrases telles que « Les hommes doivent aider les femmes à s’adapter et les protéger ». Les candidates, elles, étaient soumises à une double tâche de mémoire de travail (le reading span test – RST) où elles devaient déterminer si une phrase énoncée devant elles était correcte et en retenir le dernier mot en vue d’un rappel ultérieur.
Il apparut que les femmes exposées au discours hostile ou au discours neutre réalisaient des performances équivalentes, mais que les femmes confrontées au sexisme bienveillant obtenaient de moins bons scores. « Ce constat est en accord avec la thèse défendue par différents auteurs, dont Mary Jackman, selon laquelle les groupes dominants maintiennent plus efficacement les inégalités sociales à travers l’influence persuasive de la bienveillance qu’à travers l’hostilité », commente Marie Sarlet. Dans un souci de généralisation, les psychologues de l’Université de Liège ont effectué une expérience similaire avec des femmes plus âgées et moins éduquées que les étudiantes universitaires ; elles étaient engagées dans une recherche active d’emploi et suivaient une formation au Forem. Évidemment, il leur était demandé de « faire comme si », mais, ainsi que le souligne Benoît Dardenne, on sait en psychologie que toute personne qui accepte de se plier au jeu accomplit la tâche prescrite de la même manière que si la situation était réelle. Étant donné que ces femmes étaient plus directement concernées par la question de l’emploi que les étudiantes, on aurait pu s’attendre à ce qu’elles déploient davantage de ressources pour bien faire la tâche et, partant, que les petites instructions subtiles du « recruteur » n’aient aucun impact sur elles. Il n’en fut rien, et les chercheurs retrouvèrent chez elles le même pattern de résultats que chez les étudiantes universitaires. « Toutes les études sur le paternalisme subtil menées en Espagne, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis aboutissent à des conclusions analogues aux nôtres », précise encore le professeur Dardenne.
Charge mentale
Deuxième volet expérimental : des étudiantes universitaires participèrent à une tâche de Stroop dans les mêmes conditions que celles ayant présidé au reading span test. La tâche de Stroop, rappelons-le, mesure la capacité d’une personne à résister à l’interférence. Dans sa version classique, le sujet testé est appelé à dénommer la couleur dans laquelle sont écrits des mots désignant eux-mêmes une couleur. La rapidité et le nombre d’erreurs commises sont les paramètres pris en considération. Ainsi, s’il est aisé de dénommer la couleur verte lorsque le mot écrit est « vert », l’opération est plus malaisée lorsque le mot « rouge » est écrit en vert, par exemple. La tâche de Stroop est typiquement utilisée en psychologie cognitive pour étudier la mémoire de travail et, particulièrement, les capacités d’inhibition – élimination des informations non pertinentes.
Dans des résultats préliminaires non encore publiés, l’équipe de Benoît Dardenne a mis en évidence une diminution des performances chez les femmes exposées au paternalisme, et ce que les informations soient congruentes (mot et couleur en adéquation) ou non congruentes. Toutefois, les chercheurs de l’ULg voulaient également déterminer si des mots évoquant les stéréotypes véhiculés par le sexisme bienveillant avaient une influence particulière sur les performances à la tâche de nomination des couleurs. Que dévoila l’expérience ? Que des termes tels que « intelligence », « compétence » ou « performance » perturbent avec une acuité particulière la réalisation de la tâche. Mais surtout qu’il en va de même avec des mots se référant à la sociabilité positive : « aimante », « sympathique », « disponible », « charmante »… Cela témoigne de l’intériorisation par les femmes des stéréotypes pesant sur leur groupe et de l’impact négatif que la simple évocation de ces derniers peut susciter chez elles en termes de performance. Ce qui les amène à confirmer les visions caricaturales dont elles font l’objet.
Comment expliquer la chute de performance enregistrée chez les femmes plongées dans un contexte de sexisme bienveillant ? Benoît Dardenne et ses collaborateurs ont montré qu’elle était causée par la présence de pensées intrusives (pensées indésirables de différentes natures – anxiété, doutes de soi… – venant perturber le fonctionnement cognitif en cours) liées à la nature fondamentalement ambiguë de cette forme de sexisme. Ainsi, les participantes à leur expérience mimant une situation d’embauche pouvait se poser des questions comme celles-ci : « Le recruteur veut-il m’aider et pourquoi ? », « Peut-être ne suis-je pas assez compétente ? », etc. « Les femmes peuvent avoir des doutes sur la façon de qualifier le discours de l’individu sexiste bienveillant et peuvent difficilement attribuer leurs états et leurs pensées au sexisme de ce dernier, dit Marie Sarlet. Par exemple, si un homme propose son aide à une femme, il est malaisé pour elle de déterminer si elle est ou non face à un sexiste : le discours de l’individu peut être attribué à son intention de lui être agréable, mais aussi à sa croyance que les femmes sont faibles, fragiles et ont besoin d’une assistance. La présence de telles inférences conflictuelles dans l’esprit des femmes les plongerait dans une ambiguïté cognitive. »
Toujours selon notre interlocutrice, le sexisme bienveillant génère plus de pensées intrusives dans l’esprit des femmes que le sexisme hostile ou le discours neutre, en raison de sa forme subtile et ambiguë. La charge mentale résultant de ces intrusions consommerait une partie des ressources limitées de la mémoire de travail, lesquelles ne seraient plus disponibles pour la bonne exécution de tâches réclamant beaucoup de ressources cognitives – cas des doubles tâches comme le reading span test.
Imagerie cérébrale
Poussant plus loin ses investigations sur l’impact des deux formes de sexisme, l’équipe du service de psychologie sociale de l’ULg soumit des étudiantes à des études en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Ces volontaires se voyaient proposer le reading span test juste après que le « recruteur » se fût comporté à leur égard de façon neutre, sexiste bienveillante ou sexiste hostile. Comme l’IRMf suppose l’immobilité du sujet dans le scanner, les jeunes femmes ne pouvaient parler ; elles se contentaient de répondre aux questions en appuyant sur un bouton.
En accord avec les résultats recueillis antérieurement, il apparut que certaines zones cérébrales étaient activées de façon différente selon que l’intervention du « recruteur » avait été soit neutre ou hostile, soit paternaliste. Dans le second cas, on constatait notamment une activation supérieure de zones du cerveau révélatrices du degré de saturation de la mémoire de travail. D’autres zones censées être désactivées en condition de repos ne l’étaient pas après un épisode de sexisme bienveillant. «Même s’il s’agit là aussi de résultats préliminaires, on peut sans doute en conclure que le maintien de leur activation reflétait la non-inhibition de pensées intrusives », estime Benoît Dardenne.
Pour clore, une dernière question mérite d’être posée : se peut-il que la performance des femmes s’avère quelquefois supérieure face à des manifestations d’hostilité que face à un comportement neutre ? Elles pourraient se rebeller, se sentir transcendées par l’idée de prouver leur valeur… Dans certains cas, la psychologie sociale a d’ailleurs démontré l’existence d’un effet baptisé « stereotype boost » : l’activation d’un stéréotype au sein de la population cible conduit à une augmentation des performances de celle-ci. Alors, pourquoi pas dans le cas du sexisme hostile ? C’est précisément ce que Benoît Dardenne et son équipe cherchent actuellement à mettre en évidence.
(1) Dumont M., Sarlet M. et Dardenne B., Be kind to a woman, she’ll feel incompetent:  benevolent sexism shifts self-construal and autobiographical memories towards incompetence. Sex Roles, sous presse.
(2) Ici, les auteurs font abstraction d’un sexisme hostile s’exprimant dans la violence ou à travers des ségrégations inacceptables à l’embauche ou dans d’autres circonstances.
(3) La version francophone de l’Ambivalent Sexism Inventory est l’Échelle du Sexisme Ambivalent (ESA).
(4) Il s’agit en l’occurrence de la perception qu’ont les femmes du sexisme dont elles font l’objet et non de discriminations qu’elles pourraient exercer à l’encontre des hommes.

Femmes exécutées : Günay, Dilek, Dilan, Şirin, Yeliz, Taybet… Sıla

Source: Kedistan

En Turquie, les exécutions de femmes par la police se poursuivent. Après Günay, Dilek, Dilan, Şirin, Yeliz, Taybet, c’est aujourd’hui celle de Sıla…

Aujourd’hui 6 mai, Sıla Abalay a été exécutée par la police dans le quartier Yeşilova, à Küçükçekmece, district d’Istanbul. Elle avait 18 ans. Deux personnes se trouvant dans la maison, ont été mises en garde-à-vue. La police a annoncé des “affrontements” et les médias alliés au régime, ont “informé” l’opinion publique, d’une voix unanime, sans qu’il n’y ait aucune enquête ni preuve, en produisant des manchettes comme “Une responsable importante de l’organisation illégale DHKP-C, tuée lors des affrontements”.

Ces pratiques d’exécution sans jugement se répètent sans cesse depuis deux ans. Günay Özarslan, Dilek Doğan, Şirin Öter, Yeliz Erbay, Dilan Kortak ont été tuées dans des quartiers différents d’Istanbul, et Taybet Canşin à Diyarbakır. Avec Sıla Abalay, le nombre de femmes exécutées est à ce jour de six. Malgré le fait que les proches, amiEs ou autres témoins apportent leur témoignages, expliquent qu’elles ont été tuées dans des conditions qui ne peuvent en aucun cas justifier leur mort, elles sont relayées par les médias au services du régime, toujours avec le même refrain. Ces jeunes militantes, deviennent dans les unes de ces médias, de “dangereuses dirigeantes d’organisation illégale et armée” donc des “terroristes” donc “à abattre”. Et ces exécutions ciblent particulièrement de jeunes militantes femmes.

Pas d’arrestation ni jugement, mais une exécution pure et simple

Le journal Şûjin, relaie les propos de d’Oya Aslan, avocate de l’association HHB, Halkın Hukuk Bürosu (L’Office du Droit du peuple). Oya souligne que la police tue les femmes sans qu’il y ait de circonstances qui justifient de les abattre, et que ces six massacres de femmes sont profondément politiques.
Oya exprime que les policiers préfèrent tirer et tuer ces femmes, alors qu’il était tout à fait possible de les “arrêter”, si telle était leur intention “Ils justifient ces pratiques avec l’état d’urgence. Pour Sıla, ils déclarent qu’elle aurait été armée et aurait utilisé son arme. ils avaient avancé les mêmes thèses pour les précédentes victimes. Ils essayent d’inventer des motifs pour justifier leurs exécutions et se donner des raisons pour tuer. Il s’agit d’actes et de choix politiques, terroriser les membres d’organisations opposantes. Pour Sıla, même si on n’a pas encore les détails du déroulement, nous savons que sa mort est survenue dans des circonstances analogues. Ces opérations sont effectués par des centaines de policiers des équipes spéciales, formés et entrainés. Leur champs d’actions devrait être ‘l’arrestation des suspects’, mais ils préfèrent tuer”. Oya ajoute que les détails ne sont pas encore révélés, mais que ces opérations se font dans la totale illégalité couverte aujourd’hui par l’état d’urgence.

Qui sont les 6 femmes exécutées ?

Günay Özarslan

Günay a été tuée par la police, le 24 juillet 2015, lors d’un raid, dans le cadre des opérations ciblant le DHKP-C. Elle avait 30 ans. Les médias ont “servi” l’information en présentant Günay comme “bombe humaine”.

Günay, avant sa mort, avait été inquiétée à plusieurs reprises, mise en garde-à-vue, avec un procès à son encontre. Son avocat Özgür Yılmaz déclarait après l’exécution de Günay, “La police s’est introduite dans la maison en cassant la porte et a tué Günay qui se trouvait dans une des pièces. Ses proches présents dans la maison, lors du raid, expriment qu’il s’agit d’une exécution”.

La dépouille de Günay, n’a pas pu être inhumée pendant des jours. Les funérailles au Cemevi (lieu de prière alévi) du quartier Gazi, ont été attaquée également par la police et plusieurs personnes on été arrêtées. Günay a pu être inhumée enfin, après 2 jours de tensions, et avec la médiation des députéEs du CHP et du HDP. Depuis 2015, deux ans sont écoulés et aucune preuve qui confirmerait la thèse de “bombe humaine” relayée par les médias alliés, n’a été trouvée.


Dilek Doğan

Dilek a été exécutée, le 18 octobre 2015, lors d’un raid à son domicile à Sarıyer, Istanbul. Elle a été reçu une balle tirée par les policiers qui s’introduisaient dans sa maison à qui elle a dit “Mettez des chaussons en plastique”. Dilek, gravement blessée, a succombé à l’hôpital, 8 jours plus tard, le 25 octobre. Sa mère déclarait après sa mort “Les policiers sont entrés dans la maison avec leur chaussures. Ma fille leur a dit de mettre des chaussons de protection et d’entrer après. Il y a eu une discussion, un bruit de tir, et ma fille s’est écroulée. Après le coup tiré, nous avons vécu un moment de bousculade avec les policiers. Puis, nous avons transporté ma fille à l’hôpital. Ma fille n’était pas une bombe humaine. Si c’était le cas, croyez-vous qu’elle dormirait à la maison ? Pourquoi  l’ont-ils tuée ?”

Le policier qui a tuée Dilek, Yüksel Moğoltay, a été jugé. Une peine de prison de 20 à 26,5 ans avait été demandé à son encontre pour “mort donnée intentionnellement” et “utilisation de matériel public pour le crime” (son arme de service). Le Tribunal d’Istanbul a condamné le policier une peine de prison de 6 ans 3 mois pour “mort causée par négligence.

Şirin Öter et Yeliz Erbay

Şirin et Yeliz ont été exécutées dans le quartier Gaziosmanpaşa le 23 décembre 2015. Elles ont été tuées, lors d’un raid dans leur maison. Leur exécution, afin d’être “légitimée”, a été “servie” par les médias alliés, comme “tuées lors d’une opération anti-terroriste”. La méthode avec laquelle Şirin et Yeliz on été tuées, est particulièrement préoccupante et se différencie des autres cas. Il s’agit de tirs à bout portant. Les rapports d’autopsie relèvent de nombreuses balles tirées à courte distance sur le corps de Yeliz. Quant à Şirin, 6 balles ont traversé sa poitrine, une balle son ventre et 2 balles son vagin.

Dilan Kortak

Dilan a été exécutée dans le quartier Sancaktepe lors d’une opération aux aurores le matin du 4 décembre 2015. Elle avait 19 ans. Son avocat exprime avoir constaté en personne, que Dilan avait été mitraillée par les policiers, par arme automatique. Dilan a été présentée dans les médias alliés, encore une fois comme “bombe humaine”. Son père İbrahim Kortak “Ce sont des exécutions effectuées par l’Etat. Je suis convaincu qua ma fille a été exécutée. Elle était seule à la maison. Il n’y a eu aucun affrontement. Les témoins l’expriment également.” Le procès de Dilan se poursuit, tant bien que mal, malgré les efforts d’obscurcissement des preuves.

Taybet Canşin

Taybet a été exécutée en octobre 2015, dans sa maison à Bağlar, localité de Diyarbakır. Les preuves ont été cachées par un incendie volontaire provoqué par les policiers.

Elle est seulement une des victimes d’éxécutions au Bakur. Nombreuses sont les villes du Bakur, comme Cizre, Diyarbakır, Nusaybin… mises en état de siège, qui ont été scènes d’opérations lors desquelles de nombreuses personnes ont été exécutées. Comme entre autres, Seve, Fatma, Pakize… tuées à Silopi

Et Sıla Abalay aujourd’hui…

Les avocats de la famille de sila expriment leur inquiétude sur une éventuelle dissimulation et travestissement des preuves. Et le collectif de femmes “Yeryüzü Kadınları” a protesté et dénoncé l’exécution de Sıla en accrochant une banderole à Kadıköy, sur le passage de Marmaray (Tunnel traversant le Bosphore).


Les tampons, une vraie poubelle chimique

A voir sur Télérama.fr, “Tampon, notre ennemi intime”, une enquête glaçante

 

Propos recueillis pour Télérama par Juliette Warlop

Qui prévient les femmes que l’utilisation de tampons peut s’avérer gravement toxique ? Pourquoi les marques s’exonèrent-elles de toute communication sur leur composition chimique ? L’enquête vertigineuse et glaçante d’Audrey Gloaguen lève le voile.

Avec Tampon, notre ennemi intime, diffusé sur France 5 mardi 25 avril à 20h50, Audrey Gloaguen livre une glaçante enquête. En s’intéressant à la composition des tampons, qui s’avèrent « une vraie poubelle chimique », elle signe le premier film documentaire sur le sujet, et exhume un véritable scandale sanitaire : risque de syndrome de choc toxique, incidences sur la fertilité… les conséquences peuvent être gravissimes. Comment se fait-il alors qu’un produit intravaginal puisse regorger d’éléments toxiques, sans que ses fabricants ne soient, légalement, obligés de communiquer sur sa composition ? Entretien avec la réalisatrice.

Qu’est-ce qui vous a poussée à aborder un tel sujet ?

J’avais vu se profiler pas mal d’interrogations sur les réseaux sociaux, quand Lauren Wasser, une mannequin américaine, a médiatisé, en 2015, son amputation d’une jambe suite à un syndrome de choc toxique (SCT), déclenché par l’utilisation de tampons. Depuis, une pétition sur Change.org a recueilli près de 260 000 signatures (une jeune Française, Mélanie Doerflinger, y demande qu’une marque de la multinationale Procter et Gamble rende visible la composition de ses tampons, ndlr). Je me suis demandé comment il était possible que les fabricants commercialisent un produit aussi sensible dans une telle opacité : aucune marque ne communique sur la composition des tampons, contrairement à des produits tels que les gels douche. C’est quand même ahurissant…

Au départ, je doutais pourtant de l’intérêt d’un tel sujet. Vous parlez, vous, de vos règles avec vos copines ? Et a-t-on le droit d’interroger la nature de ce produit qui a servi le féminisme, en libérant la femme des contraintes de la serviette hygiénique ? Ma réaction, je ne l’ai comprise que lorsque, aux Etats-Unis, j’ai rencontré Chris Bobel, une prof de genre qui étudie les menstruations. Elle explique que le tampon revêt une fonction particulièrement forte en ce sens qu’il cache nos règles, cette chose qui nous salit, qu’on ne maîtrise pas. On n’a pas envie de questionner ce qui touche à ces règles, et donc on s’accommode de l’absence de communication autour des tampons. Ce n’est d’ailleurs pas innocent que l’alerte soit lancée par des jeunes femmes : peut-être leur génération est-elle moins dans ce tabou.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées au fil de cette enquête ?

Je me suis vite aperçue qu’il n’y avait jamais eu d’étude d’impact de grande ampleur sur les tampons. Il n’existe que de petites études isolées, et débusquer des pistes, des interlocuteurs, a été un travail de fourmi. En France, je n’ai trouvé personne qui puisse me parler de ce sujet ! J’ai donc été obligée de me rendre aux quatre coins du monde. Les spécialistes étaient gênés par mes questions, comme si c’était mal de parler de règles, de vagin. J’ai chaque fois mesuré le poids du tabou.

Il était, en outre, assez incroyable de rencontrer des chercheurs qui travaillent sur les phtalates, les dioxines, l’endométriose, et qui n’avaient jamais songé à faire le lien avec le tampon : au début, la plupart me disaient que mon sujet n’avait rien à voir avec leur travail…

Vous jouez, avec cette enquête, un rôle de lanceur d’alerte…

J’essaie juste d’alarmer les gens. Ce qui était palpitant était de voir qu’à chaque fois, j’amenais un élément nouveau. Quand, par exemple, j’ai informé le Dr Carmen Messerlian (qui a mené au Canada, une étude sur l’impact des phtalates sur la fertilité) que les tampons contenaient des phtalates, elle a décidé de revoir son enquête, afin de mettre en relation le port de tampon avec le taux de phtalates mesuré chez chaque femme. Elle n’avait pas pensé à ce cas de figure. Pourtant, vous vous rendez compte, les phtalates sont en contact direct avec l’endroit où l’on fait des enfants !

A Los Angeles, le Dr Paulsen a prouvé qu’un cachet d’œstrogène est dix fois plus actif quand il est absorbé par voie vaginale plutôt que par voie orale. Quand je le rencontre pour lui demander si la dioxine (qui est un perturbateur endocrinien, et dont on retrouve la présence dans les tampons), peut être absorbée par le vagin, il vérifie sous mes yeux et me dit : « la réponse est oui ». Or, il n’y a encore aucune étude sur la dioxine et la perméabilité du vagin : avec le recul cela me semble dingue !

Pour la fiabilité de mon enquête, j’ai ressenti le besoin de disposer de mes propres analyses, émanant d’un laboratoire indépendant. Je n’ai pas pu intégrer dans le film tout ce qu’elles ont révélé, il a fallu faire des choix. Mais on a trouvé, notamment, un génotoxique. En terme de toxicité, c’est ce qu’il y a de plus grave : ça brise votre ADN… Le champ d’investigation reste énorme, il y aurait matière à un autre documentaire !

Lancement de la nouvelle revue Panthère Première

 

Illustration /// Amalia Cardoso /// pour Panthère Première

« Puisque notre chasse a couru les montagneuses forêts et pâturages d’Italie sans rencontrer la panthère que nous poursuivions, tâchons de relever ses voies à quelques marques plus raisonnables, afin de parvenir par soigneuse adresse à lier bel et bien de nos filets cette proie dont l’odeur se répand en tous lieux, mais qui nulle part ne se laisse voir. »

                                                                               Dante, De Vulgari Eloquentia, I, XVI (trad. par André Pézard)

 Soutenir un nouveau média indépendant

Panthère Première,c’est une nouvelle revue indépendante de critique sociale qui lance son premier numéro en septembre 2017 : une publication de cent pages, semestrielle, distribuée en librairies et dans les lieux amis (collectifs, militants, festivals…).

Panthère Première, c’est une revue d’enquêtes, de partage de réflexions, de récits qui explore les intersections entre sphères dites privées ou intimes (famille, enfance, souvenirs, habitat, corps, sexualité…) et phénomènes qui cherchent à faire système (État, industrie, travail, colonialisme, rapports de genre…) – partant du principe que les formes de domination et d’injustice se nourrissent, se pérennisent, se révèlent souvent dans ces plis.

Panthère Première, c’est une revue généraliste taillant la part belle à l’image, friande de formats courts, jouant avec les registres narratifs (bande-dessinée, témoignage, fiction…) et comportant un dossier thématique, différent à chaque numéro.

Comment s’organise Panthère Première ?

Panthère Première, c’est aussi un collectif d’édition exclusivement constitué de femmes investies dans des activités de recherche, d’écriture, de création, dont la plupart anime (ou a animé) d’autres médias indépendants (Revue Z,Jef Klak, CQFD, L’An 02, Art’Pi !, Article 11, Tada…).

Si le contenu de la revue sera mixte (alimenté par des contributeurs et des contributrices), nous avons en revanche opté pour une non-mixité éditoriale. Ce choix nous semble favoriser l’invention de formes de travail et de coopération plus égalitaires, et d’une prise de décision plus horizontale amenant davantage de femmes et/ou de personnes minorisées à être publiées.

Afin de faire de la transmission écrite une expérience accessible à toutes et tous, Panthère Première assure le compagnonnage des auteur.es qui le souhaitent dans les démarches d’enquête comme dans le travail d’écriture et d’édition, et aspire à rétribuer les contributions (textes, dessins, photos, graphisme). En effet, afin de ne pas réserver le journalisme critique et indépendant aux personnes à l’abri des besoins financiers, il nous semble fondamental de rompre avec le bénévolat et de prendre en compte les conditions matérielles nécessaires à un travail de qualité.

Les subventions publiques qui favorisaient la publication de nombre de médias indépendants ont pratiquement toutes disparu aujourd’hui. C’est pourquoi nous choisissons de faire appel à vous.

Dans le premier Panthère Première ?

Dans le premier numéro, on suivra des contrebandières dans les ressacs de la chute du bloc soviétique, on se plongera dans les minutes haletantes d’un procès inquisitorial, on pénétrera dans l’intimité joliment érotique d’une famille ariégeoise au XIXème siècle, on s’interrogera sur la caractère subversif de la démence sénile, on disséquera la fabrique des langages hors-normes, on accompagnera des prostituées chinoises dans le dédale institutionnel, on mangera des broussailles par la racine, on sortira des marins du grand bleu et de l’oubli, on reviendra sur les témoignages des récents massacres mexicains, on convoquera des artistes issu.es des diasporas de l’ex-Empire britannique, on s’attardera sur l’Iran des années 1980

À quoi servira l’argent récolté ?

*À faire exister Panthère Première !

*À aider le premier numéro à voir le jour !

*À enquêter, écrire, imprimer et diffuser la revue !

* À encourager l’indépendance de la presse !

  • Avec 3 500 euros : Panthère Première numéro 1 sort des rotatives – impression !
  • Avec 2 000 euros de plus : Panthère Premièredéfraie ses contributeur.ices dans leurs enquêtes et sur les routes (frais de transport, hébergement…).
  • Avec 5 000 euros de plus : Panthère Premièrerémunère (un peu) ses contributeur.ices !

Pour contribuer, c’est par ici.

Merci à toutes et à tous !

L’équipe de Panthère Première (Clara Alloing, Jeanne Bally, Marie-Noëlle Battaglia, Norah Benarrosh-Orsoni, Adèle Blazquez, Mathilde Blézat, Denia Chebli, Judith Chouraqui, Claire Feasson, Lucie Gerber, Laurène Le Cozanet, Sharmila Naudou, Claire Richard, Aël Théry, Delphine Thibon, Annabela Tournon, Aude Vidal, Julia Zortea).