L’invisibilité des monstres agresseurs de femme

Test de réception grandeur nature: la campagne contre le harcèlement des transports parisiens, qui met en scène des prédateurs menaçant des femmes, a suscité des réactions de mécontentement ou de malaise, essentiellement centrées sur la critique de l’animalisation des harceleurs, ou de la criminalisation d’animaux innocents (voir mon relevé sur ce blog1). Mais aucun commentaire, à ma connaissance, n’a évoqué la proximité de ces affiches avec une figure très présente de la culture populaire: celle des monstres agresseurs de femmes.

Ressource de la culture du viol, l’iconographie de la femme attaquée, qui naturalise la scène de viol sous la forme d’une scène de prédation (un agresseur tout-puissant se jetant sur une victime apeurée, qui ne peut échapper à son sort), est un stéréotype de très large diffusion. On le rencontre par exemple dans l’imagerie de reconstitution des magazines de faits divers, ou dans l’offre prête-à-l’emploi des banques d’images.

Une variante de ce motif est particulièrement répandue dans les genres populaires les plus violents (pulps, films d’horreur, pornographie): celle qui représente l’agresseur comme un prédateur animal ou un personnage monstrueux emprunté à des registres divers: aliens, vampires, zombies, racisés, nazis, robots, etc…

Comme en témoigne son succès éditorial, un paramètre manifestement oublié par les concepteurs de la campagne francilienne est que cette figuration déshumanisante fonctionne à la fois comme une disculpation de l’agresseur et comme un puissant adjuvant voyeuriste ou scopophile, autrement dit comme un support d’excitation sexuelle, du point de vue du male gaze.

Man Conquest, décembre 1960.

Une caractéristique des figurations du viol est de se présenter sous une forme masquée, qui permet de contourner le tabou social pesant sur les représentations sexuelles. Longuement décrypté par la psychanalyse, le conte du Petit Chaperon rouge fournit un bon exemple d’une évocation de viol masquée à la fois par la défiguration du personnage du loup, substitut du prédateur sexuel, et par la dévoration, métaphore de l’agression sexuelle2.

Gustave Doré, Le Petit chaperon rouge, 1862.

La version la plus célèbre de cette figure est le mythe périodiquement revisité de King-Kong, où un singe monstrueux maltraite une victime réduite à la triste condition de proie hurlante – ce qui ne la rend que plus attractive.

Quoique le film de 1933 de Merian Cooper et Ernest Schoedsack ne montre aucun acte sexuel, le récit rumoral qui l’inspire, celui de l’agression d’une femme par un singe, rencontre un succès sulfureux au XIXe siècle, à travers les sculptures d’Emmanuel Frémiet (1824-1910), dont le “Gorille enlevant une femme” de 18593 sera jugé sévèrement par Baudelaire, qui évoque «un sentiment bizarre, compliqué, fait en partie de terreur et en partie de curiosité priapique» (Curiosités esthétiques, 1869).

Un autre exemple, celui du premier Alien de Ridley Scott en 1979, illustre bien cette «complication». Il faut en effet quelque 110 mn de film et la dévoration successive de tous ses personnages – hommes et femmes – avant d’arriver à la scène finale du déshabillage de la dernière survivante, Ellen Ripley, menacée à son insu par le monstre dans le huis-clos de la cabine. Si l’on est bien face à la figure de la prédation scopophile, d’une rare puissance suggestive, sa dimension fantasmatique est masquée par la répétition préalable des attaques.

Alien (Ridley Scott), 1979.

La condition qui autorise l’emploi d’une métaphore du viol est son caractère implicite. Selon la règle du clin d’oeil, seul le public susceptible de reconstituer la part manquante de l’énonciation pourra percevoir l’allusion cachée. C’est ainsi qu’une campagne de publicité contre le harcèlement peut, en toute innocence, mobiliser les figures de la prédation monstrueuse, sans éveiller le soupçon, y compris des plus vigilantes des féministes.

  1. Un compte rendu plus détaillé a été publié sur AOC, 12/03/2018. []
  2. A noter que Bruno Bettelheim, dans sa Psychanalyse des contes de fées (Robert Laffont, 1976), n’identifie pas strictement la dévoration à l’acte sexuel, présenté comme une péripétie annexe. []
  3. Albert Ducros, Jacqueline Ducros, «Gare au gorille. L’audace de Frémiet», Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 1992. []

Instant pleasure : un long déplaisir

Trouvé sur le net, un excellent article où il est question de clitoris et aussi d’art et de genre…

Instant pleasure : un long déplaisir

Par Marie Docher (artiste)bandeau

Il n’y aurait eu aucune raison de mentionner ici le nom de Mathias Pfund, jeune artiste Suisse, s’il n’avait posé une de ses sculptures intitulée Instant Pleasure (clitoris) sur le Rond-Point de l’Europe à Neuchâtel, et prétendu inscrire son projet dans une « perspective pédagogique ». Que certain·es réclament le retrait de ce qui est donc censé être un clitoris n’est pas le sujet de cet article. Il y a bien longtemps que les pénis et scrotums de mâles statues ponctuent nos promenades dans les parcs publics ou nous pissent dessus à Bruxelles sans que ça n’émeuvent les tenant·es de la morale. Ce qui nous mobilise ici, c’est le parfait cas d’école que Pfund nous fournit pour illustrer l’opportunisme de certains artistes et la récupération à leur profit des luttes anti-sexistes que mènent des femmes. On y trouvera tous les ingrédients indispensables à la réussite de ces détournements : un entre-soi masculin hermétique, des institutions en soutien, une presse « féministe » autoproclamée, et une misogynie décomplexée pour lier le tout.

Démarrons l’histoire le 27 septembre 2017. L’association suisse Clitoris-moi, qui se donne pour but louable de promouvoir le plaisir et la sexualité féminines, se réjouit ainsi sur son compte facebook : « Clitoris-Moi est fière de la ville de Neuchâtel qui ose exposer un clito géant sur un rond-point! Et mille BRAVOS à Mathias Pfund, le père de notre clito géant 2.0, pour le mandat!!!  » Le post est accompagné de la maquette réalisée par le « père » du clitoris. J’en profite pour demander aimablement aux journalistes d’arrêter avec les expressions « père » de la résilience, du premier bébé éprouvette français, de l’Europe, du peuple… et « mère » de tous les vices. Merci.

Sur la maquette, le clitoris en question commence à prendre des libertés avec l’anatomie réelle de l’organe, mais à ce stade, rien de grave. On apprend que le projet de départ a été publié par Causette dans son hors-série sur le Clitoris en décembre 2016, et que l’artiste a eu des échanges de travail avec Clitoris-Moi, décidé à rendre encore plus visible le clitoris. Montrer est politique, et cette pratique militante a fait ses preuves.

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Mais voilà, entre la maquette et sa réalisation, le clitoris a subi des modifications conséquentes. L’artiste tient à préciser dans le Figaro Madame que si sa sculpture « respecte l’anatomie du clitoris, la forme est quelque peu aménagée pour des raisons structurelles ». La sculpture étant solidement vissée sur le rond-point, on peine à comprendre pourquoi. Surtout, le clitoris est devenu un corps microcéphale muni de fesses offertes à une double pénétration par ses propres bulbes, ses piliers étant habilement transformés en jambes vus de dos, et en bras vus de face.

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« Vous voyez le mal partout ! » lit-on sur les réseaux sociaux accompagnés de graveleux émojis. Sans doute mes bons messieurs, sans doute. Alors, lisons le « texte pédagogique » qui accompagne l’œuvre qu’on découvre fort heureusement provisoire. Ou plutôt, regardons la copie d’écran du site de Pfund réalisée le 3 octobre, car peu de temps après, n’assumant plus le texte de son camarade Renaud Loda, il l’a supprimé – notons que le collectif Smallville a quant à lui non seulement conservé le texte sur son site, mais l’a même traduit en anglais il y a deux jours, misant sans doute sur un buzz international.

Mathias Pfund Instant Pleasure (clitoris), 2017 - Mathias Pfund

Rions ensemble tout d’abord de la prétention extravagante de ce texte qui pose que Instant Pleasure (clitoris) est une « véritable leçon d’anatomie pour les nuls et pour bien d’autres encore », et qu’il « dévoile sans pudeur la forme globale de l’organe de l’appareil reproducteur féminin ». Ces gars n’ont visiblement aucune idée de ce qu’est un clitoris. Si cet organe est aujourd’hui si méconnu et son anatomie si mal enseignée, c’est justement parce qu’il ne joue aucun rôle dans la reproduction. Ont-ils fait la moindre recherche ? On pourrait croire que non si on ne découvrait cette délicieuse page du Leman News dans laquelle Pfund confie au journaliste que le déclencheur de ce projet est l’impression du clitoris 3D de la chercheuse Odile Fillod. Il sait donc à quoi ça ressemble et à quoi ça sert.

Cet article écrit par un journaliste accompagné d’un photographe donne la parole à une femme retraitée qui manifeste son agacement devant ce projet, et à sept hommes qui semblent au choix s’en contre fiche ou s’en réjouir au point de se photographier devant la sculpture, côté double péné. Et l’on pourrait presque s’attendrir devant la citation choisie pour illustrer la réaction de trois jeunes hommes de 18 ans : « On a une pudeur, on ne sortirait pas tout nu. Mais là il n’y a rien de choquant. »
Les femmes de Neuchâtel ne semblent aller prendre leur train à la gare qu’à la retraite.

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Donc, Mathias Pfund et sa bande de copains de Smallville entendent donner des leçons qu’ils n’ont pas apprises. Le texte déroule ensuite tranquillement sa petite musique misogyne, sexualisant la sculpture et ne cachant rien de la volonté anthropomorphique de l’auteur : les « parois mouillées » par la pluie qui caresse et transforme le vernis en « durex play » (gel lubrifiant), la « silhouette » qui évoque « un cul-de-jatte qui se retourne brusquement, comme sifflé depuis le café voisin »… On exagère toujours ?

On apprend aussi que la sculpture a failli être « capable de « squirter »  l’eau calcaire du chef lieu au beau milieu de la place de l’Europe ». Pour mémoire, « squirter » vient directement de l’univers du porno, et désigne quelque-chose qu’une femme peut éventuellement faire, mais en aucun cas un clitoris. Ce qui vient confirmer que c’est bien un corps de femme qui est ici représenté, à moins que nos pieds nickelés égarés par la contemplation assidue de leur pénis aient prêté par homologie cette fonction au clitoris.

Enfin, les râles et grognements du rappeur Ol’ Dirty Bastard servant de fond sonore à la vidéo qui accompagne la communication du projet ne laissent aucun doute sur ce que le chanteur voudrait faire à la « pretty girl ». Pas sûre qu’il aient payé les droits d’auteurs d’ailleurs.

Alors, devant ce faisceau d’indices très convergent, certain·es montent au créneau : « Je le connais il est sympa. » « Au moins on en parle ». Oui mais on parle de quoi ? Quand on se pare de prétendues vertus pédagogiques, il faut assurer et assumer. Pour avoir été présente dès l’origine du projet du clitoris imprimable en 3D, je peux témoigner de l’immense travail de réflexion, d’analyse, de vérification, de pédagogie réalisé par Odile Fillod. On peut dire que Pfund ne rend pas hommage à celle qui l’a inspiré.

Avant d’interviewer Pfund, Madame Figaro a mentionné deux fois le clitoris 3D. Les journalistes ont-elles pris le temps de poser une seule question à la chercheuse qui venait de mettre gratuitement à la disposition du plus grand nombre un véritable outil pédagogique imprimé en nombre par des profs de SVT, des sexologues, des personnes qui informent sur l’excision… ? Non. Elles n’ont même pas pris le soin de faire pointer leurs articles vers l’interview réalisée par le Figaro Santé, elle-même noyée dans un tissus d’idées fausses.

Pour illustrer le second article, intitulé « Le féminisme positif, la nouvelle révolution sexuelle », le journal a choisi de passer commande à Eric Giriat. Ce choix est intéressant : dès la première page de son portfolio, on reconnait ces esquisses de femmes ultra-minces qu’affectionne la presse féminine et l’industrie de la putasserie (comme dirait Despentes). Les douze femmes-tables de la page d’accueil de son site, dont on n’ose imaginer quel sujet « féminin » elles sont censées illustrer, donnent le ton. Les dessins illustrant le plaisir des femmes sont éloquents : une zone wifi en lieu et place du pubis, un sein à la place du biceps et un interrupteur en guise de téton où il vient incruster le G qui constitue sa signature. Je ne sais pas combien il a pu être payé quant à lui, mais en ce qui me concerne, le Figaro s’est dispensé de me demander l’autorisation d’utiliser mes photos du clitoris imprimé en 3D et de me créditer, comme bien d’autres médias d’ailleurs (Télérama par exemple).

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Qu’un homme, qu’un artiste, visse une représentation fausse et anthropomorphique de deux mètres de haut du clitoris sur un rond-point suisse et les voilà qui se pâment, se précipitent sur le bienfaiteur de l’humanité pour lui ouvrir leurs pages !  C’est ainsi, c’est le privilège des mâles d’être très rapidement reconnus et admirés pour leur immense talent et leur courage transgressif par celles qu’ils méprisent : « Autant sulfureux soit-il, mon clitoris s’inscrit dans l’ensemble de mon œuvre », commente sobrement l’artiste accompli de 25 ans. Il n’y a pas une once de souffre dans ce projet, mais du sexisme et de l’opportunisme, inconscients peut-être mais bien réels. Les réactions admiratives de journaux dont le « féminisme » auto-proclamé est à discuter sont malheureusement classiques et irritantes. Le magazine Causette s’exclamait sur sa page facebook : « LA GLOIRE ! », et renvoyait au lien commercial vers son numéro spécial sur le clitoris. Aucune distance critique. Rien. Madmoizelle.com, Femina.ch, Elle Portugal… font de la pub à l’artiste, véritables « cariatides » supportant le temple des hommes.

Mais qui sont ces artistes et curateurs pédagogues qui forment Smallville-space ? Leur site nous informe que « Smallville est un espace d’art contemporain indépendant, situé à Neuchâtel et inauguré le 11 décembre 2015 par Fabian Boschung, Renaud Loda, Camille Pellaux et Sebastien Verdon. Nés entre 1979 et 1983, originaires de Neuchâtel et longtemps actifs au sein du collectif Doux-Jésus (2001-2010), qui a monté une dizaine d’expositions en Suisse romande, les 4 artistes ont depuis suivi des parcours artistiques individuels (…). » Ils montent des expos majoritairement d’hommes (plus de 85%) et sont soutenus par La Loterie Romande, la Ville de Neuchâtel qui leur alloue 4 000 francs suisses annuels et met à leur disposition le rond-point, la Fondation Bonhôte pour l’art contemporain et la Fondation Sandoz. Un journal souligne que Mathias Pfund a le vent en poupe, entre le « clitoris » et les 10.000 francs suisses que la ville de Genève vient de lui accorder sous forme de bourse. Le cadre est posé : une bande de copains artistes, soutenus par des institutions, s’exposent et exposent.

La scène qui suit est imaginaire mais elle pourrait bien expliquer comment ce projet de fontaine en est arrivé là. Nous sommes le 8 mars 2016. Apéro au « space ». Sebastien prend en photo le saucisson et le poste sur le compte instagram du groupe : #journée de la femme # no filter # womanobject… Bitchday. Attention, ils sont transgressifs les mecs, ils détournent tout, c’est des corrosifs. C’est pas comme si une bande d’ados venait de prendre sa première cuite le doigt scotché sur instagram et que la journée des droits des femmes avait une utilité quelconque. Non, du tout. Ce sont des artistes, des commissaires d’expo, des rois du hashtag hype : # t’en veux je t’en donne # baise ou encore # j’aimerais un gosse mais à laquelle de ces putains le faire ?

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Les voici donc un peu avinés lorsque Matthias leur raconte qu’il a des copines qui voudraient vraiment faire cette sculpture monumentale. Renaud dit : « y a un coup à faire avec cette histoire de clito. Ca va marcher. Toute la presse va en parler.
Camille rétorque : vu le buzz du clito 3D, si des mecs s’en mêlent c’est jackpot. Fabian, t’appelle la ville ?
– Ouais, ça marche. Et toi Mathias, fais-le bien sexe ton clit, ca va gicler !
– Et qu’est ce que je dis aux filles ?
– Elles vont pas nous faire chier non ? On leur fait leur clit’, ça va. Elles vont applaudir et puis c’est tout. C’est nous qui avons le contact avec la mairie non ? C’est nous les artistes non ? Alors. Tiens, reprends du saucisson.
– Renaud, tu nous ponds un texte bien chaud. Tu t’y connais en clit ?
– Ah ah ah, on s’en fiche !
Coup de fil au délégué culturel de la ville Patrice Neuenschwander qui dit oui-génial-les-gars et c’est parti : toi tu fais le texte, toi les photos, toi la vidéo, on appelle nos potes de la presse locale ça va les amuser et on lance le buzz. Attention Matthias aux éléments de langage : pédagogie, sulfureux, polémique  !!! Allez go ! Go !

Et voici comment un projet qui aurait pu avoir une utilité dérape et qu’un clitoris finit par ressembler à un corps de femme mutilé, avachi sur un rond-point suisse, subissant une double pénétration aux yeux de tous : un entre-soi masculin, des aides publiques, des atlantes, des cariatides, de l’opportunisme et du cynisme. Le journal Le Courrier avait vu juste en écrivant d’eux, lorsqu’ils étaient dans le collectif Doux Jésus : « Avec un terrifiant cynisme doublé d’un appétit boulimique, ces pirates de l’art dévorent tout ce qu’ils peuvent se mettre sous la dent. »

C’est ainsi que les luttes des femmes, leur travail, leur créativité et leur intelligence sont récupérés au profit d’hommes peu soucieux des conséquences sur la vie des concernées. L’art produit des images, des représentations des corps et on ne peut pas dire « c’est de l’art nous ne sommes tenus à aucune vérité » tout en se proclamant « pédagogique ». C’est un grand classique et les militantes pour les droits des femmes, contre les violences, pour une meilleure visibilité… ont toutes des exemples similaires, à la pelle. Je ne suis pas sûre que ces histoires parviennent aux oreilles des responsables de ces détournements. Chose réparée ici.

Alors pour finir je vous envoie sur le fichier du clitoris 3D que nous avons conçu avec l’aide du carrefour numérique de la Cité des Sciences de la Villette et puisque beaucoup de gens racontent n’importe quoi, Odile Fillod, qui ne se prend pas pour la mère du clitoris 3D, a fait un site internet d’utilité publique : clit’info. Tout ce travail n’a reçu aucune aide financière bien entendu, et mon travail photo et vidéo a été tellement pillé par les médias du monde entier que je m’en suis fait une raison : c’est pour la bonne cause. Il faut bien gérer la colère d’une façon ou d’une autre. Certains de mes confrères font des procès. Je n’ai pas les moyens d’en faire.

Puisqu’on en est là, j’en ai un, de projet pédagogique, et un excellent. Je pourrais peut-être demander de l’argent en Suisse parce qu’en France c’est pas facile, et l’Agessa va encore me demander à la fin de l’année si je suis bien encore artiste vu mes revenus qui baissent et donc éventuellement supprimer ma sécurité sociale pour finir.

Ce projet, c’est la suite logique d’Atlantes & Cariatides : des interviews qui vont montrer ce que le genre fait à l’art. C’est et ça s’appelle Visuelles.art. Dans une des interviews réalisées, Camille Morineau dit : « l’argent, c’est le nerf de la guerre ».

Je suis en guerre effectivement et je ne suis pas seul·e à l’être. En guerre contre les atlantes et les cariatides, et j’ai besoin d’argent pour la mener. Si vous pouvez soutenir ce projet, si vous connaissez quelqu’un qui peut le faire, c’est ici et maintenant.

Et enfin, quand la scientifique répond à l’artiste, c’est de la pédagogie et du grand art.

 

Marie Docher

 

Si vous avez aimé cet article pouvez soutenir Atlantes & Cariatides.
Et pour soutenir le travail d’Odile Fillod, c’est ici, en bas à droite de la page d’accueil.

Turquie. La caricature au service du combat féministe

Un article de Clément Girardot dans Le Courrier

Le mensuel satirique et féministe turc Bayan Yani ne publie que des artistes femmes. Malgré l’autoritarisme, celles-ci poursuivent la lutte pour l’égalité et la démocratie.

Sur la couverture du mois de mai, une fille en legging à fleurs et un garçon en bermuda se croisent dans la rue. La première lance au second: «On se connait d’où déjà? Vous n’étiez pas une lettre Y quelque part?» Le jeune homme acquiesce, tout sourire. Cette caricature fait référence aux photos postées sur les réseaux sociaux durant la campagne pour le référendum constitutionnel du 16 avril. Sur celles-ci, les partisans du mon se mettaient en scène en formant avec leurs corps les lettres du mot hayır, non en turc.

Par un mince écart, 51,4% contre 48,6%, le oui l’a emporté. Dans un environnement politique et médiatique certes très inéquitable, c’est une nouvelle défaite pour le camp démocrate et progressiste en Turquie. Le président Erdogan voit donc son pouvoir légalement renforcé et sa dérive autoritaire légitimée par les urnes. Plus de 150 travailleurs des médias sont actuellement derrière les barreaux, la répression ne faiblit, pas mais la rédaction du mensuel Bayan Yani («femmes côte à côte» en français) n’entend pas baisser les bras. Avec cette couverture qui tourne le dos au défaitisme et à la déprime ambiante, elle a préféré mettre l’accent sur l’espoir et l’enthousiasme suscités par la campagne du non.

Longue histoire

Lancé en 2011, Bayan Yani occupe une place à part dans le paysage médiatique turc dominé par de grandes entreprises désormais quasiment toutes contrôlées par des proches du pouvoir. Le titre appartient au groupe indépendant LeMan, dont l’hebdomadaire éponyme est un des magazines humoristiques les plus lus du pays – le numéro «spécial coup d’Etat» de ce Charlie Hebdo turc avait été bloqué en juillet dernier. La presse satirique turque a une longue et tumultueuse histoire qui remonte à la fin de l’Empire ottoman, alternant entre des périodes d’expansion et de déclin au gré de la conjoncture politique.

Parmi les publications satiriques actuelles, Bayan Yani a une double particularité: elle publie exclusivement des femmes caricaturistes et relaie une parole à la fois féminine et féministe. «C’est une première dans le monde et c’est très gratifiant de faire partie de cette aventure, affirme la dessinatrice Ipek Özsüslü. Nous démontrons que les femmes aussi peuvent faire de la satire de qualité et cela brise certains préjugés.»

C’est en effet une expérience médiatique inédite en Turquie. Il faut remonter aux années 1970 pour voir émerger des initiatives semblables en France avec l’éphémère trimestriel Ah! Nana ou aux Etats-Unis avec notamment la revue underground Wimmen’s comix. S’ils sont tout autant farouchement féministes, ces deux périodiques publiaient exclusivement le travail de femmes bédéistes. Bayan Yani met davantage l’accent sur la caricature et la satire, tant écrite que dessinée. Leur compte Facebook compte 360 000 fans et 50 500 sur Twitter.

«C’est important de faire rire, car cela nous donne plus d’impact», remarque la caricaturiste expérimentée Feyhan Güver. La rédaction fonctionne horizontalement autour des six ou sept contributrices les plus régulières. «Nous sommes libres de publier ce que nous voulons, il n’y a pas de chef, nous échangeons simplement nos idées par emails», rapporte-t-elle.

Les réunions physiques sont rares car certaines dessinatrices n’habitent pas à Istanbul mais dans d’autres villes de Turquie et même à l’étranger, comme la caricaturiste Ramize Erer établie à Paris depuis 2007. Cette dernière, dont l’héroïne principale est la blonde et rebelle Berna, surnommée ironiquement la «mauvaise fille», a reçu au mois de janvier le prix «Couilles-au-cul» en marge du festival d’Angoulême pour récompenser son courage artistique.

Militants ou plus personnels

Le magazine s’ouvre sur plusieurs pages de caricatures réagissant à la très dense actualité du pays, qu’elle soit politique, sociale, mais aussi liée aux femmes et aux minorités sexuelles. «De nombreux faits divers sordides impliquent les femmes, les enfants et les individus LGBTI, note Ipek Özsüslü. En général, les condamnations pour les meurtres de femmes, les viols, les abus sur mineurs sont insuffisantes et les réductions de peine octroyées carrément tragicomiques.»

Dans le reste de la publication se trouvent à la fois des textes informatifs, militants ou plus personnels. Leurs auteurs viennent d’horizons idéologiques variés. «En général, bien sûr, nous sommes plus proches de l’opposition», affirme la journaliste Ezgi Aksoy dont les domaines de spécialisation sont le cinéma et l’Amérique latine. Entre ces articles s’intercalent de courtes bandes-dessinées qui racontent souvent, avec subtilité et impertinence, la vie quotidienne des femmes turques et leurs problèmes: patriarcat, machisme, violence et pression sociale. Originaire d’un petit village, Feyhan Güver croque avec affection les relations de genre dans le monde rural. Ipek Özsüslü s’intéresse plutôt aux défis des jeunes urbaines indépendantes en s’inspirant de sa propre expérience.

Pas encore de pressions

En raison de la conjoncture politique, l’avenir du mensuel féministe est incertain. «On veut continuer le magazine aussi longtemps que possible», soutient Ezgi Aksoy qui reconnaît devoir parfois s’autocensurer pour éviter d’éventuelles poursuites. Si Bayan Yani n’a pas encore subi de pressions, ce n’est pas le cas des autres publications satiriques qui ne comptent plus leurs démêlés avec la justice ou la police. Mais un autre péril tout aussi imminent met le secteur en danger: les ventes en kiosque chutent et l’immense intérêt que rencontrent les caricatures sur les réseaux sociaux ne génère pas de revenus. Cette crise du modèle économique de la presse indépendante qui ne peut compter sur la publicité et les subsides gouvernementaux vient d’entraîner la fermeture du très populaire hebdomadaire Penguen. Fin mai, dans le dernier édito, son équipe dit ainsi adieu à ses lecteurs: «Faites ce que vous pouvez pour aider les autres magazines. Nous ferons ce que nous pourrons pour continuer à dessiner. Merci pour votre amitié et pour tout le reste.» I

Documentaire : Quel a été le rôle des grands médias brésiliens dans l’assassinat d’une adolescente ?

Si on pose la question à n’importe quel Brésilien sur “l’affaire Eloá”, il saura certainement de quoi il s’agit. En octobre 2008, le pays entier a été témoin en direct de la séquestration d’Eloá Cristina, âgée de 15 ans, qui a été gardée en otage pendant une semaine et ensuite assassinée par son ex-copain Lindemberg Alves, qui avait alors 22 ans.

Le 13 octobre 2008, Eloá était avec ses camarades de classe en train de faire un travail scolaire dans son petit appartement, à l’intérieur d’une résidence de Santo André, à proximité de São Paulo, quand Lindemberg est entré chez elle de force muni d’une arme. Le jeune n’acceptait pas que la relation avec Eloá soit terminée. Deux de ses amies furent libérées à ce moment mais Nayara, la meilleure amie de Eloá est restée. Elles ont alerté la police puis les médias sont ensuite venu sur les lieux.

Pendant que la police négociait avec Lindemberg, deux chaînes de télévision transmettaient les faits en direct. Un journaliste a même interviewé Eloá et Lindemberg à travers la même ligne téléphonique qu’utilisait la police pour négocier la libération des otages. Eloá a dû répondre à des questions telles que “Tu l’aimes encore ?”, pendant qu’ils analysaient son profil sur les réseaux sociaux. Dans un des programmes de télévision, un prétendu spécialiste a dit qu’il “espérait que cela se finisse bien”, qu’Eloá et Lindemberg résolvent leurs différends et se marient.

La réalisatrice Livia Perez, habituée à traiter ce genre de sujet, s’est centrée sur l’affairee cas afin de parler des violences machistes | Photo: Alf Ribeiro/Utilizé avec son autorisation

Même si Lindemberg a libéré Nayara le premier jour, la police a demandé à la jeune fille de revenir afin de faciliter la négociation avec l’agresseur.

Cinq jours après, le vendredi après-midi, la police est finalement entrée dans l’appartement. On entendit des coups de feu puis on vit Nayara sortir de l’appartement avec une blessure à la tête. Par contre Eloá était inconsciente, elle avait pris une balle dans la tête. Lindemberg s’est battu avec la police dans les escaliers à l’extérieur du bâtiment, sous les yeux de nombreux journalistes et curieux qui étaient aux alentours.

Tout a été transmis en direct à la télévision sous les yeux de millions de téléspectateurs.

L’image d’Eloá en train de pleurer à la fenêtre pendant qu’elle était retenue en otage par son ravisseur, à peine quelques jours avant sa mort, est devenue un symbole emblématique non seulement de la prise d’otage la plus longue de l’histoire du Brésil mais aussi de la pire gestion de prise d’otage et la plus sensationnaliste de l’histoire.

Huit ans après, la cinéaste brésilienne Livia Perez a décidé de faire une chronique sur ce qui est arrivé à Eloá. Mais elle n’a pas souhaité raconter l’histoire à travers d’interviews des proches d’Eloá, au contraire elle a voulu mettre en avant les reporters et la police, afin d’analyser comment les médias et la société idéalisent les histoires de violence contre les femmes.

Son documentaire sorti en 2016 et qui fut récompensé est intitulé “Qui a tué Eloá ?”. Il a été projeté dans les festivals de cinéma du monde entier, d’Uruguay au Mexique en passant par la France, des écoles de Corée du Sud aux prisons du Brésil. Dans un entretien avec Global Voices, Perez parle de sa motivation pour la réalisation de son projet, de la dure réalité de la vie quotidienne des Brésiliennes (Au Brésil, 13 femmes sont tuées chaque jour), et des sujets récurrents des médias lorsqu’ils traitent des cas de violence envers les femmes et les petites filles.

Le documentaire de 24 minutes est disponible avec des sous-titres en anglais et en espagnol.

Global Voices (GV): Qu’est-ce qui vous a motivé à raconter l’histoire de Eloá ?

Livia Perez (LP): Le type de crime dont a été victime Eloá affecte des milliers de femmes brésiliennes. L’histoire d’Eloá est l’histoire d’un grand nombre de Brésiliennes. Le Brésil occupe le 5ème rang en nombre de femmes assassinées, et malgré cela, la presse ne parle pas des violences faites aux femmes lorsqu’elle couvre ce genre de crimes. D’où ma motivation principale : faire reconnaître le crime contre Eloá comme un féminicide.

GV: Que fut la chose la plus difficile lors de votre travail sur cette histoire ?

LP: Le plus grand défi a été de ne pas reproduire les vices du journalisme traditionnel dans l’esthétique du film, c’est à dire réfléchir à la manière adéquate de raconter ce crime en utilisant les images transmises par les médias traditionnels, tout en les critiquant et en proposant un tout autre point de vue.

GV: Dans le documentaire il n’y a pas d’entretien avec l’amie d’Eloá qui a survécu à la prise d’otage, ni avec la famille, ni même avec l’enquêteur chargé de l’affaire, comme ça se fait normalement dans les documentaires d’affaires criminelles. Pourquoi avez-vous fait ce choix?

LP: Justement parce que même si le film ne traite pas de ce cas particulier même s’il l’utilise comme base. Il est nécessaire de voir le scénario de façon relationnelle et non individualisée. Cela ne m’intéressait pas d’utiliser le même récit que celui lancé par les médias, je ne cherchais pas à scénariser le crime comme un fait unique et isolé. Le choix d’une narration ciblée sur l’attitude des médias m’a permis également de remettre en cause le point de vue de la police et de la société face aux féminicides.

GV: La transmission en direct de son assassinat et le fait que les chaînes de télévision ont minimisé la situation de l’otage paraît complétement surréaliste, mais quelle partie de tout ça faites-vous ressortir ?

LP: A mon avis, il y a eu de nombreuses irrégularités, à commencer par la diffusion en direct de la séquestration, qui au fur et à mesure que les jours passaient, ont donné de la puissance au preneur d’otage. Parmi toutes les absurdités, comme par exemple le journaliste qui a prétendu être un ami de la famille et l’avocat qui espérait que “tout finirait bien, avec un mariage en prime” entre la victime et le ravisseur, je crois que le plus problématique a été le fait que les médias ont réussi à communiquer par téléphone avec le ravisseur, et finirent en médiateurs dans une situation à haut risque pour laquelle ils n’étaient pas qualifiés. La construction d’un narratif romantique autour du crime et la glorification de la personnalité criminelle du ravisseur qu’ont créée les médias pour capter et maintenir l’audience ont également été nocives.

GV: Le documentaire questionne le narratif de “l’homme non conforme” et du “crime passionnel”, très utilisé par le journalisme pour justifier les féminicides. Cela a-t-il changé à ce niveau-là depuis 2008?

LP:  J’aime penser que c’est le cas, que certaines choses ont changé mais je sais que d’autres restent les mêmes. Les réseaux sociaux et les sources d’informations alternatives sont maintenant très viables grâce à internet et invitent de plus en plus les gens à se poser des questions sur les médias traditionnels, et par conséquent la manière d’informer des crimes sexistes (féminicides, viols, abus sexuels, harcèlement…).

Au moins trois médias ont réussi à interviewer le ravisseur pendant la prise d’otages, en utilisant la même ligne téléphonique que celle que la police utilisait pour négocier avec le ravisseur. Capture d’écran de ‘Qui a tué Eloá ?’

GV: Une enquête récente a révélé que 57% des Brésiliens sont d’accord avec la phrase “un bon délinquant est un délinquant mort”. Néanmoins quand il s’agit de féminicides, beaucoup de gens ont l’air de montrer plus d’empathie envers l’assassin qu’avec la victime. Pourquoi, à votre avis ?

LP: Je suis totalement contre l’idée “qu’un bon délinquant est un délinquant mort” et je refuse que la société se fasse justice elle-même, de même que le populisme pénal. Ce qui se passe avec ces crimes, c’est qu’ils sont racontés de manière machiste, sexiste, c’est à dire que les auteurs de ces féminicides sont décrits comme des personnes dignes de pitié pendant que les véritables victimes sont ignorées, culpabilisées et vilipendées, ce qui génère un renversement des valeurs extrêmement nocif, et le pire c’est que ce renversement de valeurs est souvent promu par des entreprises et des groupes d’entreprises publiques, comme c’est le cas avec les chaînes de télévisions ouvertes. C’est ce qui s’est passé pendant la prise d’otage et l’assassinat d’Eloá, celui d’Eliza Samudio, ou encore lors de la couverture médiatique du viol d’une adolescente par un gang d’une favela de Rio de Janeiro…

GV: Depuis 2015, le féminicide est un terme légal dans le code pénal du Brésil. Par conséquent, c’est un délit dans notre législation, mais malgré cela le Brésil est toujours le cinquième pays pour le nombre de femmes assassinées. D’où vient le problème d’après vous ?

LP: Je pense qu’il manque un effort collectif afin de combattre l’important taux de féminicides. A mon avis cela devrait commencer par une réforme dans les grands médias du pays et par l’application de l’article 8, paragraphe III, de la Loi Maria da Penha, qui prévoit la responsabilité des médias de communication dans l’éradication de la violence domestique et familiale.

GV: Durant l’année dernière, l’Amérique Latine (une des régions au plus fort taux de féminicides de la planète) s’est mobilisée pour protester contre la violence machiste avec des campagnes telles que #PasUneDePlus. De quelle manière le percevez-vous ?

LP: Ces manifestations sont fondamentales et donnent de l’espoir pour une Amérique Latine qui reste majoritairement machiste. Maintenant je crois que nous devons intégrer le féminisme dans les débats politiques et que nous devons encore lutter fortement pour conquérir une représentativité.

Fémonationalisme, suite

Voici trois jours, nous avons reblogué ici-même un article de Joao Gabriell qui réagissait aux premières déclarations de la nouvelle secrétaire d’État à l’égalité des hommes et des femmes: « Outre une grande campagne de communication antisexiste et l’instauration d’un congé maternité unique, indépendamment du statut des femmes (salariées, entrepreneuses, etc), la nouvelle Secrétaire d’Etat a annoncé une mesure qui a de quoi inquiéter : l’instauration de policiers habilités à verbaliser les insultes sexistes dans l’espace public, s’inscrivant dans le projet plus large du nouveau Président d’introduire « 10 000 policiers de proximité ». Avant même de songer à la verbalisation des insultes sexistes, cette déclaration a de quoi faire frémir tous ceux qui sont conscients que le renforcement des dispositifs policiers est annonciateur de plus de violences policières, et donc aussi de crimes policiers, en particulier contre les hommes arabes et noirs vivant dans les quartiers populaires. Car en effet, ce n’est certainement pas dans le 16e arrondissement parisien que les effectifs policiers seront gonflés. De plus, les contrôles au faciès étant déjà largement prouvés, ce ne sont certainement pas tous les hommes qui seront concernés par cette accentuation de l’activité policière. » Et voici ce que nous apprenons aujourd’hui par Médiapart:

« Un article sorti dans le Parisien en fin de semaine affirme qu’une partie du quartier La Chapelle serait interdite aux femmes par la présence de trop nombreux hommes dans la rue, pour ne pas parler des réfugiés. L’article est immédiatement repris par les médias, comme RTL, France Info… Et vendredi 19 mai 2017 le collectif SOS La Chapelle, des élus LR et Valérie Pécresse se réunissent aux pieds du métro La Chapelle pour en appeler à l’intervention immédiate du nouveau gouvernement. Valérie Pécresse propose aussi une aide à la sécurité à tous ceux qui ont peur. Un budget sorti tout droit des caisses du Conseil régional d’Ile de France et dont la Mairie de Paris ne voudrait pas selon Mme Pécresse. Bref, le feu aux poudres. »

Contre ces tentatives de semer la panique, Médiapart donne la parole aux habitantes du quartier de La Chapelle. Cette vidéo est à voir ici. Ça vaut la peine de prendre les quelques huit minutes qu’elle dure pour comprendre de quoi il retourne.

Les tampons, une vraie poubelle chimique

A voir sur Télérama.fr, “Tampon, notre ennemi intime”, une enquête glaçante

 

Propos recueillis pour Télérama par Juliette Warlop

Qui prévient les femmes que l’utilisation de tampons peut s’avérer gravement toxique ? Pourquoi les marques s’exonèrent-elles de toute communication sur leur composition chimique ? L’enquête vertigineuse et glaçante d’Audrey Gloaguen lève le voile.

Avec Tampon, notre ennemi intime, diffusé sur France 5 mardi 25 avril à 20h50, Audrey Gloaguen livre une glaçante enquête. En s’intéressant à la composition des tampons, qui s’avèrent « une vraie poubelle chimique », elle signe le premier film documentaire sur le sujet, et exhume un véritable scandale sanitaire : risque de syndrome de choc toxique, incidences sur la fertilité… les conséquences peuvent être gravissimes. Comment se fait-il alors qu’un produit intravaginal puisse regorger d’éléments toxiques, sans que ses fabricants ne soient, légalement, obligés de communiquer sur sa composition ? Entretien avec la réalisatrice.

Qu’est-ce qui vous a poussée à aborder un tel sujet ?

J’avais vu se profiler pas mal d’interrogations sur les réseaux sociaux, quand Lauren Wasser, une mannequin américaine, a médiatisé, en 2015, son amputation d’une jambe suite à un syndrome de choc toxique (SCT), déclenché par l’utilisation de tampons. Depuis, une pétition sur Change.org a recueilli près de 260 000 signatures (une jeune Française, Mélanie Doerflinger, y demande qu’une marque de la multinationale Procter et Gamble rende visible la composition de ses tampons, ndlr). Je me suis demandé comment il était possible que les fabricants commercialisent un produit aussi sensible dans une telle opacité : aucune marque ne communique sur la composition des tampons, contrairement à des produits tels que les gels douche. C’est quand même ahurissant…

Au départ, je doutais pourtant de l’intérêt d’un tel sujet. Vous parlez, vous, de vos règles avec vos copines ? Et a-t-on le droit d’interroger la nature de ce produit qui a servi le féminisme, en libérant la femme des contraintes de la serviette hygiénique ? Ma réaction, je ne l’ai comprise que lorsque, aux Etats-Unis, j’ai rencontré Chris Bobel, une prof de genre qui étudie les menstruations. Elle explique que le tampon revêt une fonction particulièrement forte en ce sens qu’il cache nos règles, cette chose qui nous salit, qu’on ne maîtrise pas. On n’a pas envie de questionner ce qui touche à ces règles, et donc on s’accommode de l’absence de communication autour des tampons. Ce n’est d’ailleurs pas innocent que l’alerte soit lancée par des jeunes femmes : peut-être leur génération est-elle moins dans ce tabou.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées au fil de cette enquête ?

Je me suis vite aperçue qu’il n’y avait jamais eu d’étude d’impact de grande ampleur sur les tampons. Il n’existe que de petites études isolées, et débusquer des pistes, des interlocuteurs, a été un travail de fourmi. En France, je n’ai trouvé personne qui puisse me parler de ce sujet ! J’ai donc été obligée de me rendre aux quatre coins du monde. Les spécialistes étaient gênés par mes questions, comme si c’était mal de parler de règles, de vagin. J’ai chaque fois mesuré le poids du tabou.

Il était, en outre, assez incroyable de rencontrer des chercheurs qui travaillent sur les phtalates, les dioxines, l’endométriose, et qui n’avaient jamais songé à faire le lien avec le tampon : au début, la plupart me disaient que mon sujet n’avait rien à voir avec leur travail…

Vous jouez, avec cette enquête, un rôle de lanceur d’alerte…

J’essaie juste d’alarmer les gens. Ce qui était palpitant était de voir qu’à chaque fois, j’amenais un élément nouveau. Quand, par exemple, j’ai informé le Dr Carmen Messerlian (qui a mené au Canada, une étude sur l’impact des phtalates sur la fertilité) que les tampons contenaient des phtalates, elle a décidé de revoir son enquête, afin de mettre en relation le port de tampon avec le taux de phtalates mesuré chez chaque femme. Elle n’avait pas pensé à ce cas de figure. Pourtant, vous vous rendez compte, les phtalates sont en contact direct avec l’endroit où l’on fait des enfants !

A Los Angeles, le Dr Paulsen a prouvé qu’un cachet d’œstrogène est dix fois plus actif quand il est absorbé par voie vaginale plutôt que par voie orale. Quand je le rencontre pour lui demander si la dioxine (qui est un perturbateur endocrinien, et dont on retrouve la présence dans les tampons), peut être absorbée par le vagin, il vérifie sous mes yeux et me dit : « la réponse est oui ». Or, il n’y a encore aucune étude sur la dioxine et la perméabilité du vagin : avec le recul cela me semble dingue !

Pour la fiabilité de mon enquête, j’ai ressenti le besoin de disposer de mes propres analyses, émanant d’un laboratoire indépendant. Je n’ai pas pu intégrer dans le film tout ce qu’elles ont révélé, il a fallu faire des choix. Mais on a trouvé, notamment, un génotoxique. En terme de toxicité, c’est ce qu’il y a de plus grave : ça brise votre ADN… Le champ d’investigation reste énorme, il y aurait matière à un autre documentaire !

10 films pour comprendre le « syndrome Trinity »

10 films pour comprendre le « syndrome Trinity »

 

trinity00Dans un article publié sur le site The Dissolve, Tasha Robinson utilise l’expression « Trinity Syndrome » pour désigner le trope consistant à introduire un personnage féminin particulièrement compétent et intéressant, pour finalement le réduire à la fonction de bras droit du héros masculin. Je propose ici de revenir sur ce trope en passant en revue 10 films qui me semblent particulièrement représentatifs des problèmes qu’il pose. Ce ne sont que des cas parmi d’autres que j’ai choisis en fonction de mes propres goûts. Il existe plein d’autres exemples de ce « syndrome », comme ceux que citent par exemple Tasha Robinson dans l’article que j’ai cité ou, en français, Mirion Malle dans l’excellente BD qu’elle consacre à cette question sur son excellent blog.

Pour lire cet article entièrement, c’est par ici!

Collectif féministe La Rage: appel à affiches

La Rage, collectif de féministes, englobe un projet qui vise à rassembler des affiches féministes et lesbiennes, faites par des femmes, des gouines, des trans, dans le monde entier ; et les diffuser sous plusieurs formats.

Nous souhaitons donner de la visibilité aux combats des femmes féministes et des lesbiennes, pour en inspirer d’autres et explorer l’outil graphique que sont les affiches.
Tout cela s’inscrivant dans un souci de créativité, d’inventivité, de diversité culturelle et de liberté de partage.

Nous collectons donc des affiches tous azimuts depuis juin 2015 et  avons lancé un appel à contribution en ce sens: POUR PARTICIPER C’EST PAR ICI !

mujero

La Plaga

2015 — Lima (Perou)

Collectif Espacio Abierto

Créé en 2014, le collectif vise à développer des façons alternatives de communiquer en favorisant l’éducation populaire et la déconstruction des modèles normatifs de vie. Il a un souci particulier pour la protection de la planète.

contexte

L’affiche fait partie du projet chilien La Plaga, pour lequel des affiches ont été réalisées à l’occasion du 8 mars. Le sujet était : que célèbre-t-on quand on fête le 8 mars ?

traduction

Femmes luttant pour des corps et des territoires libres

en savoir plus

www.facebook.com/espacioabierto.rmr
www.facebook.com/LaPlaga

Lettre à Rémy Gaillard, connard mysogyne, par Daria Marx

Salut Rémy,

C’est Daria, tu sais, enfin non tu sais pas, Disons que je suis une personne avec des seins et un vagin, que je me déplace dans l’espace public et que j’ai le droit à la parole, un peu mais pas trop. Y’avait ton pote Guillaume PLEY qui s’amusait à rouler des pelles de force à des nanas dans la rue, par la force ou par la surprise, y’avait tout plein de Youtoubeurs américains qui s’improvisaient guides en séduction et qui mettaient en branle toute une rhétorique de la manipulation pour niquer. Ok. Et puis y’a toi, le mec qui se déguise en chien pour mimer des positions sexuelles. T’as gagné. Tu peux monter sur ton petit podium en forme de teub, t’as la place numéro 3, juste sur la couille droite, on va te poser une couronnes de cols de l’utérus séchés sur les oreilles, t’es le César de la misogynie, l’empereur de la culture du viol. T’aime pas hein, cette expression. Culture du viol. Ca te fait bien chier qu’on puisse parler de viol, de violeurs, d’agressions sexuelles, alors que toi, pauvre mec, tu fais ca pour rigoler. Tu fais ca pour faire rigoler. Tu fais rigoler avec l’idée qu’on saute sur une personne en public pour lui imposer un acte sexuel. Tu peux bien te déguiser en chien ou en licorne tu sais. Tu fais rigoler avec l’idée du viol. Ca te dérange pas. C’est pas la première fois que tu te sers de ce ressort comique. Se frotter à des inconnu-es, par surprise, se filmer en train de pénétrer leur intimité, c’est facile, ca marche bien, des dizaines de milliers de vues pour le courageux Rémy, le Flash Gordon des roupettes, pas vu pas pris, qu’est ce qu’on se marre putain. Lire la suite par ici.

Rose ou bleu, ils choisissent

Voici un article d’une mère de famille qui est tombée sur des publications destinées aux enfants et vraiment très genrées… (piqué ici sur le web). On lira ensuite la réponse de la société éditrice,  pas piquée des vers!

Je suis vraiment choquée !

Alors, je vous explique. Je fais des courses avec toute ma bande et Baptiste m’interpelle. « Regarde maman, ça va te plaire … »

dsc00408 Bon, il me connait bien mon garçon, il sait que ça a le don de m’agacer ces livres/cahiers réservés aux filles et aux garçons. Comme s’ils ne pouvaient pas faire les mêmes activités! Vous avez déjà eu droit à deux articles coup de gueule sur le sujet : marre du rose et boy’s book. Donc déjà, je commence à pester contre cette manie qu’ont maintenant les éditeurs de faire des cahiers filles et garçons… Comme par hasard, les filles ont droit aux princesses, danseuses et autres fées et licornes. Pour les garçons, c’est chevaliers, pirates et dinosaures. Bon, ça, malheureusement, ça n’a rien d’extraordinaire, ils ne sont pas allés chercher bien loin … Et puis si vous regardez bien sur ces deux cahiers qui s’adressent l’un comme l’autre à des enfants du même âge, il y a une carte du monde à l’intérieur. Très bien ! Je jette donc un oeil ! 

J’ouvre le cahier « garçon » : une carte du monde assez sympa illustrée.

dsc00411

J’ouvre le cahier fille :

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Euh … il y aurait pas un problème là ?

Je regarde l’autre moitié de la carte (de l’autre côté de la planche des autocollants) :

côté garçon :

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côté fille :

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NON MAIS ILS NE SE FOUTENT PAS UN PEU DE LA GUEULE DU MONDE LA !!!!!

Je ne sais pas vous, mais je suis hyper choquée !!! Alors les filles qui sont quand même un peu connes et gnangnan, il faut bien le reconnaître, on va leur mettre du rose dans la carte sinon elles ne vont pas la regarder et des animaux trooooop mignons ! Et les garçons quand même nettement plus malins et qui ont soif de connaissances, on peut leur apprendre quelques éléments de culture, les monuments, les habitants du monde, la végétation, les zones polaires …

Je ne peux pas vous dire pour le reste des cahiers, je ne les ai pas épluchés au magasin, je n’avais pas le temps, mais là, je suis restée vraiment abasourdie par tant de bêtise … Les enfants étaient tout aussi choqués que moi …

Alors si ça vous choque aussi, rouspétez avec moi, partagez, faites suivre … Si vous trouvez que j’exagère et que ça ne vous choque pas autant que ça, venez me le dire aussi mais moi, je suis outrée !

Réponse sur la page facebook de Magnard Jeunesse :

Nous avons vu depuis hier les critiques concernant la collection de parascolaire « Mon cahier d’activités », sur notre page facebook et sur les réseaux sociaux.
Voilà la réponse que les éditions Magnard souhaitent faire à tous ceux que ces cahiers ont choqué :
« Les critiques concernant le contenu des ouvrages « Mon cahier d’activités » sont infondées : les activités pédagogiques proposées sont les mêmes d’un cahier à un autre, aucune discrimination n’est faite entre les filles et les garçons dans les apprentissages, ni ailleurs !
Les thèmes proposés sont variés : ainsi, on trouve la thématique de la cuisine pour les garçons, et celle des instruments de musique, pour les filles…
Concernant la carte du monde, elle est, dans chacun des ouvrages, l’interprétation libre d’un illustrateur sur le thème du monde, l’un ayant préféré aborder cela sous l’angle des animaux, l’autre sous l’angle des monuments, sans aucune arrière-pensée sexiste.
Ces cahiers sont avant tout des ouvrages ludiques et nous sommes sincèrement désolés si certaines personnes ont voulu y voir une atteinte à l’égalité homme-femme ! »