À propos de Sorcière, sorcières

Voici un article publié par Céline Laurens dans la revue en ligne Syntone, à propos de l’émission Sorcière, sorcière dont Corps et politique avait déjà parlé ici.
Réalisé par Élisa Monteil et Raphaël Mouterde pour l’album sonore accompagnant « Marabout », le premier numéro de la revue Jef Klak, Sorcière, sorcières est un double récit à la première personne. Première face du récit : l’héroïne, interprétée par Élisa Monteil, énonce une lettre d’apostasie s’adressant tour à tour au Christ, aux inquisiteurs du XIVe siècle, aux médecins du XIXe, enfin aux autorités religieuses contemporaines. Nous comprenons peu à peu les motivations de la demande solennelle de la jeune femme à être retirée des registres de l’église catholique. Puis, deuxième face du récit, elle découvre des archives de la chasse aux sorcières s’échappant par bribes de vieux magnétos à bande, manuscrits et poste de radio.
Bois grinçants, gonds et pênes de poignées rouillés, plancher crissant… : des éléments kaléidoscopiques récurrents permettent de situer l’action dans un espace imaginaire – un grenier ? – tout au long de ce récit éclaté. Car à partir des deux trames (l’adresse de la lettre et les éléments d’archives), des fenêtres s’ouvrent vers d’autres mondes : souvenirs en flash back, situation documentaire, paysages naturalistes virant au surréalisme. Les prises de sons, qu’il s’agisse de paysage ou de mise en scène, offrent des images cinématographiques. Elles donnent une sensation de réalisme que le bruitage ne parviendrait pas à restituer. « Toutes les prises de son des saynètes sont réalisées en condition de tournage cinéma in situ », nous confie Raphaël Mouterde. Quand aux trames musicales, qu’elles soient électroacoustiques, glam rock, ou qu’elles suivent l’allure régulière de beats électro, elles épousent chaque situation et donnent du souffle au récit. Le travail sur l’intensité, l’intonation et la tessiture des voix donne le relief et la profondeur de champ nécessaires. Les jeux de superposition, distorsion, réverbération et panoramique des voix amplifient l’ouverture de l’espace sonore.

À la fois essai historique et Hörspiel, Sorcière, Sorcières ne se contente pas d’être un étendard. C’est l’histoire singulière d’un personnage fictionnel (autofictionnel ?) véritablement incarné : la jeune femme se souvient, sent, ressent, s’insurge. Elle se raconte dans son rapport intime à la religion. L’eau, le cri, le prêtre, ces trois éléments souvenirs de son baptême sont transposés quatorze ans plus tard dans la deuxième saynète de la pièce. La jeune femme, plongée dans sa baignoire, ne crie plus de peur mais suffoque de plaisir. L’image du prêtre est devenue support fantasmatique. Enfant soumise à l’autorité religieuse, maintenant adolescente, elle commet l’acte répréhensible en s’adonnant au plaisir de la chair.

Rituel d’inversion sociale : en se réappropriant son corps par un geste interdit, elle répare toute une lignée de femmes, torturées et mortes avant elle.

En plein cœur de la pièce à douze minutes, est scandée une longue énumération de femmes brûlées, décapitées, torturés, écartelées (ayant toutes réellement existé) qui évolue vers un slam électrique où les effets de saturation distordent la voix de la narratrice. Immédiatement, nous retrouvons pourtant sa voix dans un tout autre contexte. Une vieille amie paysanne de la famille enseigne à la narratrice une formule, la guide dans les gestes à faire : « toujours avec la main gauche, la main du cœur. » La scène se détache des registres jusque-là mis en place : je sens que je n’ai pas affaire à des actrices. Documentaire ? Fiction ? Autofiction ? Je suis troublée : je ne sais plus si Élisa Monteil joue le rôle du personnage ou si elle glisse des éléments autobiographiques. Interrogée, elle nous confie : « Ce qu’il y a d’enthousiasmant dans ces nouvelles formes de narration sonore, c’est justement la recherche de l’équilibre entre l’expression d’un fragment personnel et la fiction. La responsabilité de l’auteur⋅e est au premier plan. Il ou elle ne se cache pas derrière une personne interviewée. » En tant que femme, l’auteure est concernée dans son identité. Elle s’engage intimement dans le récit. En m’identifiant à elle, je m’identifie dans le même mouvement à toutes les insoumises.

En conclusion de Sorcière, sorcières, un nouveau processus d’accumulation slamé est repris. Il s’agit d’un extrait d’un film de Camille Ducellier, Sorcières, mes sœurs. Les noms des victimes passées résonnent alors par cet effet de symétrie avec ceux de leurs héritières contemporaines « des ouvrières en colères, des vierges rouges, des folles à lier, des avorteuses, des bikeuses, des camionneuses, des poilues, (…) toutes des sorcières ». La chasse reste ouverte. L’ennemi intérieur est toujours combattu par le rouleau compresseur d’une modernité normative. L’intuition, indomptable, prend de nouveaux visages. Qui étaient les sorcières, qui sont les sorcières ? De terribles femmes maléfiques ? Des résistantes ouvrant des espaces pour que l’air soit respirable ?

Je suis tenue en haleine durant toute la pièce grâce à la richesse et la diversité des matériaux qu’elle réunit. Le montage permet de glisser d’un plan à l’autre, d’une émotion vive à un moment sensuel, poétique, ou ludique avec les ritournelles des enfants. Cet essai-fiction, tant par ses prises de risques narratifs que par son propos, donne à penser les processus de stigmatisation à travers le temps. Avec force, il invite à plus d’autonomie face aux institutions des pouvoirs dominants.
Céline Laurens

Les Gracieuses : un film de Fatima Sissani en projection à Forcalquier

En collaboration avec Radio Zinzine, Agate, Armoise et Salamandre présente

Les Gracieuses, un film documentaire de Fatima Sissani

GRACIEUSES1au cinéma le Bourguet  
le vendredi 3 avril 2015 à 18h30
Prix : 5 euros
La projection sera suivie d’un débat en présence de la réalisatrice

Les Gracieuses
un film de Fatima Sissani / 79 minutes. Six jeunes femmes. Proches de la trentaine.Elles sont nées dans le même immeuble de la cité des Mordacs à Champigny Sur Marne,banlieue ouest. Elles ne se sont pas quittées depuis l’enfance. Une relation fusionnelle. Elles racontent, joyeuses et à toute vitesse, cette amitié presque amoureuse et aussi l’identité,les rapports de classe, la relégation spatiale, sociale….

Mon corps a-t-il un sexe?

Note de lecture : Mon corps a-t-il un sexe ? Sur le genre, dialogues entre biologies et sciences sociales

Sous la direction de Évelyne Peire et Joëlle Wiels

La Découverte, coll. Recherches, 2015.

 

« Ce livre est le fruit du colloque international qui s’est tenu à Paris les 22 et 23 juin 2011, à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). » Comme l’indique le sous-titre, il s’agissait de croiser les savoirs en biologie (réputée science « dure », ou « exacte ») et en sciences sociales (nécessairement « approximatives », voire « molles ») sur le sexe et le genre. Les directrices de l’ouvrage préviennent dans leur introduction que son objectif « n’est pas de nier qu’il existe des femelles et des mâles et que les individus de ces deux catégories sont capables de produire des gamètes différents (ovules ou spermatozoïdes) dont la fusion permet, à terme, la procréation d’un nouvel être. » L’objectif est plutôt « de mieux comprendre comment, au-delà de la réduction binaire, la société gère ces notions de mâles et de femelles. » Et, bien sûr, « comment, notamment, elle construit des places différentes et les assigne aux personnes selon un système hiérarchisé, ou genre, femme/homme, et comment elle (mal) traite les personnes qui n’entrent pas dans ces deux catégories. »

Difficile de rendre compte de façon synthétique d’un pareil ensemble de textes (une vingtaine au total, sans compter l’introduction et la conclusion, ni la postface d’Éric Fassin) dont les sujets couvrent un large éventail, depuis la biologie et la génétique « pures et dures », jusqu’aux questions épineuses de l’identité et des représentations. On se contentera donc ici de picorer ça et là quelques informations, en recommandant aux personnes intéressées par ces thématiques une lecture plus approfondie de ce livre vraiment très instructif.

Dans la première partie, intitulée « Construction du corps sexué », l’article de Joëlle Wiels, « La détermination génétique du sexe : une affaire compliquée », montre à la fois la complexité encore très mal connue des « processus qui contrôlent la détermination du sexe durant l’embryogenèse » et le rôle important des « présupposés idéologiques » dans la recherche sur ce sujet. Après une explication technique de ces processus et de la recherche menée depuis quelques décennies, l’auteure constate que « si l’on examine d’un œil un peu critique l’ensemble des recherches [en génétique] menées sur la détermination du sexe » durant une bonne trentaine d’années, « il apparaît tout de suite que leur but n’était pas de trouver les mécanismes contrôlant la formation des deux gonades (ovaires et testicules) mais seulement d’identifier le facteur déclenchant la différenciation du seul organe vraiment important : le testicule. » Ainsi, le sexe femelle serait-il un sexe « par défaut ». Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette tendance s’est affirmée dans la littérature scientifique des années 1970, alors qu’elle était moins marquée dans les publications des années 1960. L’auteure en donne un petit florilège, dont on ne retiendra ici que cette citation – mais les autres sont du même tonneau : « Le mode de développement femelle peut être considéré comme le schéma “par défaut” de développement du corps, schéma qui peut être contrecarré par la formation des testicules , afin de produire un mâle [Smith, 1994]. » Ces affirmations étaient reprises de manière acritique dans la presse « grand public », ainsi de La Recherche : « Comme tous les chromosomes, le chromosome Y contient de l’ADN, sur lequel se trouvent des gènes dont sans doute le gène de détermination du sexe. […] Le gène TDF (pour Facteur de Détermination des Testicules) contrôle la détermination du sexe. » Ainsi, conclut l’auteure, « les stéréotypes de genre, où tout ce qui relève du masculin domine implicitement le féminin, s’avèrent donc bien présents dans le monde de la recherche sur la détermination du sexe et ont des effets non négligeables sur le développement de ces études. » À ces effets, il faut ajouter ceux, engendrés en cascade, pourrait-on dire, sur le grand public, via la vulgarisation, comme on l’a vu avec l’exemple cité de La Recherche, mais aussi à travers les programmes éducatifs, qui reprennent en les simplifiant les résultats de la recherche scientifique. C’est ainsi qu’on peut parler d’un cercle vicieux de (re)production du genre : les a priori des chercheurs orientent leurs travaux et leurs conclusions dans un sens bien précis, lequel est repris par la presse et les instances éducatives, lesquelles (re)produisent des a priori dans la tête des futurs chercheurs… Il faut d’ailleurs noter que, si depuis les années 2000, la recherche, et la presse à sa suite, ont nuancé leurs avis sur la question, dans les manuels scolaires, le sexe femelle se développe toujours par défaut, « en l’absence de chromosome Y » (dont la présence détermine le sexe mâle).

On retrouve les mêmes a priori dans le domaine des études sur le cerveau. Et cela encore tout récemment puisque c’est en 2005 que Laurence Summers, président de l’université américaine de Harvard, déclarait que « le faible nombre de femmes dans les disciplines scientifiques s’explique par leur incapacité innée à réussir dans ces domaines. » Catherine Vidal, qui commence son article, « Le cerveau a-t-il un sexe ? (deuxième partie du livre : « Le sexe envahit tout le corps ») par cette citation, poursuit en disant que « le propos a fait scandale dans les milieux universitaires, féministes et scientifiques ». Pour autant, il ne fait que s’inscrire dans une tradition bien enracinée. Ainsi, écrivait Broca en 1861, « on s’est demandé si la petitesse du cerveau de la femme ne dépendait pas exclusivement de la petitesse de son corps. Pourtant, il ne faut pas perdre de vue que la femme est en moyenne un peu moins intelligente que l’homme. Il est donc permis de supposer que la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle ». Heureusement, toutes les découvertes récentes sur la plasticité cérébrale vont à l’encontre de ces affirmations. Ainsi, par exemple, « si l’on fait le bilan des études en IRM sur les fonctions cognitives réalisées depuis quinze ans, on constate que sur 11 000 publications, seulement 2,6% ont montré des différences entre les sexes. » De fait, ajoute Catherine Vidal, « les différences entre les cerveaux de personnes d’un même sexe sont tellement importantes qu’elles l’emportent sur les différences entre les sexes qui, en conséquence, font figure d’exception. » Ceci s’explique par le fait que si un nouveau-né possède déjà 100 milliards de neurones à la naissance, lesquels cessent dès lors de se multiplier, les connexions entre ces neurones, les synapses, commencent à peine à se former – et on estime leur nombre à un million de milliards chez l’adulte ! « Or, seulement 6 000 gènes interviennent dans la construction du cerveau. Cela signifie qu’il n’y a pas assez de gènes pour contrôler la formation de nos milliards de connexions. Le devenir de nos neurones n’est pas inscrit dans le programme génétique. » (C’est moi qui souligne.) La conclusion logique de ces observations est que le cerveau est « un organe dynamique qui évolue tout au long de la vie. Rien n’y est à jamais figé, ni programmé à la naissance. » Le genre pas plus que le reste.

Dans la troisième partie du livre, « Cultures/Natures : la femelle et le mâle », Michel Kreutzer, avec son texte « Des animaux en tout genre », montre que les a priori déjà évoqués se sont tout aussi bien appliqués aux mondes animaux, en ce qu’ils ont longtemps été réduits à une vie guidée par les instincts reproductifs, principalement. Les sciences de la nature ont construit un système de classification des espèces basé sur la notion de typicalité, gommant toute diversité à l’intérieur de cette espèce, « pour bien souvent ne reconnaître qu’une seule dualité, celle qui oppose les mâles et les femelles ». Cependant, les plus récentes études sur la question montrent que les animaux, loin d’être des quasi machines prédéterminées par leur gènes, ont, à l’instar des humains, une vie sociale et une psychologie. « Certains rôles sociaux, dit Kreutzer, relèvent précisément du genre. » Ainsi, les comportements parentaux varient selon les espèces – chez certaines, ce sont les mâles qui s’occupent de leur progéniture, chez d’autres, ce sont les femelles, chez d’autres encore les mâles et les femelles, et encore, on relève de nombreux cas où ces rôles, naguère pensés comme immuables, peuvent varier à l’intérieur d’une même espèce animale. Plus, on observe aussi des couples de « lesbiennes » chez les goëlands : une fois fécondées par un mâle, deux femelles nidifient ensemble et élèvent elles-mêmes leurs petits. Chez les cygnes noirs, ce sont des mâles gays qui, une fois les œufs pondus par une femelle, l’expulsent et s’occupent de la couvaison puis de l’élevage des jeunes… Autant dire qu’il nous reste beaucoup à découvrir sur les mondes animaux, et à réfléchir sur la canonique opposition entre nature et culture.

La question de l’intersexualité est justement l’une de celles qui font vaciller cette limite. Vincent Guillot intervient à ce propos dans la quatrième partie du livre, « De l’identité aux représentations ». On ne peut que recommander de lire ce texte, qui s’intitule « Me dire simplement », et qui commence ainsi : « Lorsqu’on m’invite comme témoin, j’entends “tu es moins, nous sommes plus”. Je ne peux donc que me dire, me dévoiler et, en retour, vous direz qui nous sommes. Or, il me semble qu’au sujet de l’intersexualité, la question n’est pas “celui-qui-est-moins” mais “celui-qui-se-pense-plus”. Ce n’est pas nous que vous interrogez mais vous que vous n’osez pas questionner – votre corps, votre sexe, vos pratiques sexuelles et amoureuses, vos fantasmes et vos phobies. Et cela, de façon récurrente, tant le corps médical comme le milieu universitaire considèrent la question “intersexe” comme extrêmement compliquée. À mon sens, il n’en est rien, c’est vous qui la rendez complexe, vous qui êtes compliqués. »

Voici en somme un livre passionnant, certes difficile à lire d’une traite, car touffu et divers, mais dont chaque partie et chaque article apportent de précieuses informations et suscitent la réflexion.

Nous sommes tous des féministes

Nous sommes tous des féministes

C’est le titre d’un petit livre publié chez Folio/Gallimard et vendu à 2 € seulement – mais, nonobstant la qualité des deux textes qu’il contient, on n’en manifestera pas moins notre mauvaise humeur à l’égard de ces marchands de livres à qui tout fait ventre (et vendre, surtout !): on aurait préféré une brochure à prix libre, d’autant plus réalisable en l’occurrence que les textes sont brefs. (D’ailleurs le même éditeur vient de sortir un autre « livre », tout aussi court sinon plus, de Erri de Lucca : La Parole contraire, qui explique comment il se retrouve devant les tribunaux italiens pour avoir appelé au sabotage de la LGV Lyon-Turin – même « rentabilisation » d’un sujet et d’un auteur qui valent pourtant bien mieux que cela. Bref.)

Chimamanda Ngozi Adichie est l’auteure nigériane de Nous sommes tous des féministes, suivi de la nouvelle Les Marieuses. Le premier texte est la retranscription d’une conférence donnée en 2012 dans le cadre d’un colloque consacré à l’Afrique et qui a lieu annuellement, si j’ai bien compris, au Nigeria. Chimamanda y décrit simplement le sexisme ordinaire qui sévit dans son pays comme ailleurs, et comment elle en est arrivée à être et à se déclarer une « féministe africaine heureuse, qui aime mettre du brillant à lèvres et des talons hauts pour son plaisir, non pour séduire les hommes. » Comme beaucoup d’autres avant elle, elle insiste sur l’éducation des enfants :

« Partout dans le monde, la question du genre est cruciale. Alors j’aimerais aujourd’hui que nous nous mettions à rêver à un monde différent et à le préparer. Un monde plus équitable. Un monde où les hommes et les femmes seront plus heureux et plus honnêtes envers eux-mêmes. Et voici le point de départ : nous devons élever nos filles autrement. Nous devons élever nos fils autrement.

« Notre façon d’éduquer les garçons les dessert énormément. Nous réprimons leur humanité. Notre définition de la virilité est très restreinte. La virilité est une cage exiguë, rigide, et nous y enfermons les garçons. Nous apprenons aux garçons à redouter la peur, la faiblesse, la vulnérabilité. Nous leur apprenons à dissimuler leur vrai moi, car ils sont obligés d’être, dans le parler nigérian, des hommes durs.

« […] Mais ce que nous faisons de pire aux hommes – en les convainquant que la dureté est une obligation –, c’est de les laisser avec un ego très fragile. Plus un homme se sent contraint d’être dur, plus son ego est faible.

« Quant aux filles, nos torts envers elles sont encore plus graves, parce que nous les élevons de façon qu’elle ménagent l’ego fragile des hommes. Nous apprenons aux filles à se diminuer, à se sous-estimer. Nous leur disons : tu peux être ambitieuse mais pas trop. Tu dois viser la réussite sans qu’elle soit trop spectaculaire, sinon tu seras une menace pour les hommes. Si tu es le soutien de famille dans ton couple, feins de ne pas l’être, notamment en public, faute de quoi tu l’émasculeras. »

Un petit texte roboratif, donc, qui n’a rien de nouveau ni d’extraordinaire mais qui doit sa publication au fait que son auteure est une romancière et nouvelliste à succès, et l’on ne peut que s’en réjouir. L’éditeur a tout de même ressenti le besoin de le compléter par un autre texte, faute de quoi le livre aurait été vraiment trop mince – l’auteure a beau avoir reçu des prix littéraires prestigieux, elle n’est pas (encore ?) prix Nobel… C’est tout bénéfice pour nous autres lectrices et lecteurs, car nous pouvons vérifier une fois de plus que souvent, la fiction en dit plus, et de manière plus percutante, qu’un discours non fictionnel. Les marieuses est l’histoire d’une jeune nigériane mariée par ses parents adoptifs à un parfait inconnu, nigérian lui aussi, mais qui a émigré aux États-Unis. Elle va donc y partir elle aussi, et la nouvelle raconte, outre le rapport de domination ordinaire entre la jeune femme et son mari, sa difficile adaptation aux mœurs nord-américaines : où l’on comprend un peu mieux ce que certaines féministes nomment « l’intersectionnalité » (soit le croisement de plusieurs oppressions – de genre, de race, de classe…)

En somme, je ne regrette pas de m’être fait un peu arnaquer par l’éditeur – et même je m’apprête à récidiver, car cette mise en bouche m’a vraiment donné envie de lire d’autres histoires de cette auteure. (Ce livre est désormais empruntable à la bibliothèque d’Agate, armoise et salamandre.)

françois (le 9 mars 2015)

 

Langues de fronde, émission de février 2015 sur l’islamophobie

émission de février sur l’islamophobie

Un grand merci à nos 2 invitées Ismahane et Kenza.

 

début de bibliographie :

  1. Les filles voilées parlent. ouvrage coordonné par Ismahane Chouder, Malika Latrèche & Pierre Tevanian aux éditions la fabrique, 2008. Face à la confiscation de la parole des premières concernées, voici un recueil de paroles des jeunes filles concernées par la loi de 2004 sur l’interdiction du port du voile à l’école ainsi que par ses conséquences à l’université, dans le milieu professionnel, dans le militantisme,…
  2. Un racisme à peine voilé. film documentaire, 2004. Retour sur l’exclusion des filles voilées de l’école. Avec entre autre les interventions de Pierre Tévanian (collectif Les Mots Sont Importants) et de Nacira Guenif-Souillamas (sociologue)

musiques :

  1. La cible de Ryaam
  2. Al Kufiyyeh arabeyyeh de Shadia Mansour (rappeuse américaine et palestinienne.

Pour écouter, cliquer ici: 04 ldf09-02-2015.mp3.

Violeur au-delà du périph’, séducteur en deçà

Troussage-2-05b19À l’occasion du procès de l’affaire du Carlton à Lille, dans laquelle est impliqué, entre autres, Dominique Strauss-Kahn, le site Les mots sont importants publie un extrait du livre Un troussage de domestique (empruntable à la bibliothèque de Agate, armoise et salamandre: 6 rue Saint-Mary à Forcalquier, ouverture le samedi de 15 à 19 heures).

Racisme et sexisme dans l’affaire DSK

par Najate Zouggari
8 février 2015

« Parties fines », « libertinage », ces formules euphémisantes continuent d’avoir cours dans la presse à l’occasion de la couverture du procès de Dominique Strauss-Kahn et de 13 autres hommes accusés de proxénétisme aggravé. Dans cette affaire dite du Carlton comme dans celle du Sofitel à New York, c’est toujours l’abjecte violence, celle dont faisait preuve (et aimait faire preuve) Dominique Strauss-Kahn, qui est ainsi niée. Violence dont témoignent les prostituées, et à leur insu les camarades de DSK, dans leurs efforts pathétiques pour faire passer des relations non seulement tarifiées mais surtout – là est le plus grave – imposées, en d’autres termes du viol, pour de la liberté sexuelle entre adultes consentants et modernes. Le texte qui suit est extrait d’un livre coordonné par Christine Delphy,  Un troussage de domestique, paru quelques mois après l’arrestation de DSK à New York et traitait déjà du deux poids deux mesures dans le traitement médiatique des violences sexistes. Lire la suite par ici.

« Si tu ne déconstruis pas le genre, il ne peut pas y avoir de révolution. » – CQFD, mensuel de critique et d’expérimentation sociales

Virginie Despentes (Kong kong théorie, entre autres) sort un nouvel opus qui aura la forme d’une trilogie: Vernon Subutex. À cette occasion, Nicolas Norrito l’a rencontrée pour le mensuel CQFD (qu’il faut soutenir!). À lire ci-après: « Si tu ne déconstruis pas le genre, il ne peut pas y avoir de révolution. » – CQFD, mensuel de critique et d’expérimentation sociales.

Sur « Ceci n’est pas une femme. À propos des tordus queer », par le collectif Stop Masculinisme

Le collectif Stop Masculinisme vient de publier un texte de critique des dernières positions de Pièces et Main d’œuvre (PMO). Ci-après leur présentation et le doc en PDF. Bonne lecture! (C’est assez bref et clair.)

« Depuis plusieurs années, nous tâchons de comprendre, pour mieux la combattre, l’une des formes de l’anti-féminisme qui se développe en France: le « masculinisme ». Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette vision du monde n’est pas seulement défendue par quelques machos militants. On trouve à gauche de la gauche, plus précisément dans certains milieux libertaires, anti-industriels et écologistes radicaux, le pire de ce que l’idéologie masculiniste peut produire. Dernièrement, un exemple nous a touché.e.s près. Les « individus politiques » grenoblois de Pièces et main d’œuvre ont publié un texte intitulé « Ceci n’est pas une femme. À propos des tordus queer ». Notre intention n’est pas de reprendre, pour le démonter point par point, le contenu entier de ce texte aussi confus que méprisant, qui révèle une profonde ignorance des sujets évoqués. Nous souhaitons en revanche nous concentrer sur les extraits qui signent le coming out masculiniste de PMO. »

coming out masculiniste A5

À propos du collectif Stop Masculinisme, on peut voir aussi, ici même, une présentation de Contre le masculinisme, guide d’autodéfense intellectuelle.

 

Emission Sorcières – janvier 2015 | LANGUES DE FRONDE

feminism-encourages-what-179x300Trouvée sur le web, voici l’émission Sorcières. Il s’agit du numéro de janvier 2015 de « Langues de fronde », émission mensuelle réalisée et proposée sur FPP (Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM), par une équipe non-mixte qui se présente ainsi: « Nous nous considérons comme féministes. Et le féminisme pour nous c’est le combat des femmes, gouines et trans pour elles/eux mêmes, et contre le sexisme et l’hétéro-patriarcat. »

Au programme, deux invitées: Camille Ducellier et Isabelle Cambourakis. Il y est question de la réédition  de deux ouvrages féministes dans une nouvelle collection, Sorcières, aux éditions Cambourakis: Starhawk, Rêver l’obscur, femmes, magie et politique, et Barbara Ehrenreich, Deirdre English, Sorcières, sages-femmes et infirmières. Camille Ducellier est l’auteure de Guide Pratique du féminisme divinatoire, éditions Joca Seria.

Emission Sorcières – janvier 2015 | LANGUES DE FRONDE.