A Barcelone, le ras-le-bol des femmes de chambre

Article d’Aurélie Chamerois publié par Le Courrier le jeudi 15 juin 2017

«S’ils touchent à l’une d’entre nous, ils nous touchent toutes», dit la banderole des Kellys de Barcelone, bien décidées à ne plus se laisser faire par le patronat.
Aurélie Chamerois

Alors que Barcelone bat des records de fréquentation touristique, son secteur hôtelier s’appuie sur une main-d’œuvre de plus en plus précaire et… révoltée.

Barcelone est à la mode. Escapades d’un week-end, vacances ou séminaires d’entreprises, elle a vu ses réservations hôtelières doubler en douze ans. L’année dernière, les hôtels de la ville ont ainsi accueilli 7,5 millions de clients pour un total de 20 millions de nuitées. Mais tandis que le secteur connaît une croissance exceptionnelle, tous les employés ne sont pas logés à la même enseigne. Les femmes de chambre ont ainsi vu leurs conditions de travail se dégrader à mesure que le nombre de touristes augmentait.

Réunies au sein du collectif Las Kellys (contraction de las que limpian, celles qui nettoient), ces travailleuses de l’ombre ont décidé de faire entendre leur voix. Elles ont organisé leur première manifestation barcelonaise en mars dernier, alors que la ville se vantait d’un taux d’occupation hôtelière de presque 100% à l’occasion du congrès mondial de la téléphonie mobile. «Ces jours-là, les chambres de l’hôtel dont je m’occupe sont à 500 euros la nuit, explique Silvia, la petite cinquantaine. Elles sont à 120 euros en période creuse, pendant que moi je touche 2 à 3 euros par chambre et je me détruis la santé.»

Payées à la tache

Baisse des salaires, rythme effréné, maladies professionnelles, les femmes de chambre ne sont souvent pas protégées par la convention collective de leur secteur. Quelques-unes parce qu’elles sont embauchées sous la dénomination d’aide de chambre ou d’autre métier fantasque tel que «repasseuse». La plupart parce qu’elles sont employées par des sociétés de service externes. «L’externalisation permet aux hôtels de payer moins, elle empêche la formation d’une représentation syndicale au sein de l’établissement et complique les contrôles de l’inspection du travail», explique Isabel Cruz, responsable de la communication des Kellys.

Car pour être attractives, les entreprises d’externalisation promettent aux hôtels une baisse des coûts significative et une optimisation des ressources humaines. Elles facturent les établissements par chambre nettoyée et le système se répercute sur les femmes de ménage qui ont désormais un objectif de chambres, d’ailleurs difficile à respecter dans leurs huit heures journalières.

Pour gagner ses 800 euros nets mensuels, Vania, dynamique quadragénaire, doit ainsi s’occuper de 433 chambres par mois. «Il y a encore deux ans, nous avions quinze chambres par jour, maintenant c’est trente, cela nous laisse quinze minutes par chambre sans pause, raconte-t-elle, c’est impossible, alors on fait des heures supplémentaires non rémunérées, car si on n’atteint pas l’objectif mensuel, notre paie diminue.»

Vania gagne 2,50 euros par chambre à condition de réaliser son quota: «Sur la fiche de paie, ils prétendent que je n’ai pas fait mes heures, alors qu’en réalité je n’ai pas fait mon objectif de chambres, et ils me paient en conséquence.»

Maladies généralisées

Le rythme excessif a évidemment un impact direct sur la santé de ces employées. Selon une récente étude, près de 86% d’entre elles souffrent de lombalgie et 80% de douleurs cervicales. Plus grave encore, 96% des femmes de chambre développent des signes d’anxiété et 71% affirment prendre des médicaments pour «affronter leur journée de travail».

Toutefois, la peur du licenciement ou de sanctions empêche la plupart de se plaindre, de demander un arrêt maladie ou même une amélioration de leurs conditions. Vania, employée du Hilton, l’hôtel 5 étoiles devant lequel s’est tenue la première manifestation, fait partie des dix employées de l’établissement à avoir rejoint le mouvement. Cinq ont été licenciées, l’une a été sanctionnée et elle-même affirme être victime de pressions sans précédent. «Les tâches les plus difficiles sont systématiquement confiées à celles qui osent se plaindre», explique-t-elle.

Toujours plus précaires

Selon El Economista, l’externalisation hôtelière a connu en 2016 l’une de ses meilleures années en Espagne. Les experts estiment qu’en 2019, environ 60% du personnel sera externalisé, ce qui ne concernera plus seulement le nettoyage des chambres ou du linge comme c’est le cas actuellement. La raison principale? «La crise économique nous a obligés à réduire les coûts de manière drastique et à nous adapter à la situation», justifie Manel Casals, directeur du Syndicat des hôtels de Barcelone.

Pourtant, toutes les études indiquent que la crise a très peu touché les hôtels de Barcelone, qui sont les plus rentables d’Espagne et n’ont cessé de battre leurs records de fréquentation depuis 2010, après une baisse effectivement liée au contexte économique en 2008 et 2009. «Le syndicat des hôtels est un puissant lobby», lâche Isabel Cruz. Vania, de son côté, est optimiste et espère pouvoir bientôt faire partie du personnel interne de son hôtel.

En attendant, les Kellys poursuivent leurs mobilisations, exigeant que la convention sectorielle catalane les mette sur pied d’égalité. Et misent aussi sur une intervention du politique, à travers un projet de loi socialiste contre les externalisations que des Kellys de Benidorm, Lanzarote, Barcelone et Madrid sont allées défendre le 25 mai devant la commission sociale du parlement national.

Le président du Collège des gynécologues-obstériciens (CNGOF), modèle (!??) contemporain de paternalisme médical à la française – par Martin Winckler

Article publié le mercredi 14 juin 2017 sur le blog L’école des soignants

Ces jours-ci, le site du magazine Elle publiait un entretien avec Israël Nisand (chef de service en gynécologie-obstétrique aux hôpitaux de Strasbourg, et Président du Collège national des gynécologue et obstétriciens français), au sujet des violences gynéco-obstétricales. Je le reproduis ici accompagné de réflexions et d’interrogations. J’invite les lectrices et lecteurs à intervenir, soit sous forme de commentaire après le texte, soit en m’écrivant plus longuement (ecoledessoignants@gmail.com).

ELLE. Lorsqu’une femme a subi de la maltraitance ou de la violence de la part de son médecin, que lui conseillez-vous de faire?
Pr Israël Nisand. Je suis surpris d’entendre des femmes qui disent pis que pendre d’un médecin et qui restent chez lui. Quand on a un médecin qui ne convient pas, mon conseil n’est pas d’essayer de changer le médecin, mais d’en changer. Je ne commettrais pas l’impair de vous affirmer que tous les médecins sont bons. Parmi eux, il y en a des mauvais qui n’ont ni tact, ni psychologie. Même un médecin considéré comme talentueux par certaines pourra être considéré comme inadéquat par une autre. La solution est de changer de médecin. Nous avons ce luxe en France de pouvoir le faire. S’il est considéré comme mauvais par tout le monde, il n’aura plus de clientèle.

Martin Winckler : La solution préconisée par I. Nisand est effectivement un luxe. Que l’immense majorité des femmes françaises ne peuvent pas se permettre car elles vivent dans des régions où on ne peut pas, matériellement, changer de gynécologue. La démographie médicale est là pour le dire, (voir pages 186-188 de ce document) et I. Nisand fait partie des nombreux médecins qui dénoncent la situation, depuis longtemps. (A moins que le CNGOF n’ait activement participé à la fermeture accélérée des maternités locales parce qu’elles n’étaient pas « sûres »… ?)

Dans les faits, beaucoup de femmes sont littéralement dépendantes du gynécologue qu’elles consultent, s’il est le seul en ville ou le seul accessible parce qu’aller en consulter un autre signifie attendre plusieurs mois pour avoir un rendez-vous. C’est encore plus vrai à l’intérieur d’un établissement public, car les pratiques d’une équipe sont souvent dictées par son chef de service – et elles deviennent alors la « norme », ce qui veut dire que souvent, changer de médecin ne change rien.

De plus, il n’est pas toujours possible de changer de gynécologue, et ce pour des raisons psychologiques bien identifiées. Soit parce qu’on a peur de ne plus être bien soignée (ou de l’être plus mal encore qu’avant), soit parce qu’on a peur pour sa grossesse, ou son projet de grossesse. Dire « je ne comprends pas que ces femmes restent chez eux », c’est insultant, tout comme l’est de dire des personnes maltraitées par leur entourage qu’elles « devraient partir ». Les obstacles (peur, emprise, honte, isolement) qui empêchent les personnes maltraitées d’échapper à la maltraitance sont nombreux, bien connus et, de fait, contribuent à la maltraitance. Et ce sont les mêmes qu’il s’agisse d’un conjoint, d’un parent ou d’un médecin ! Ces obstacles, I. Nisand semble les considérer comme inexistants. Ou bien il est ignorant, ou bien il est désinvolte. Dans un cas comme dans l’autre, c’est regrettable.

Si I. Nisand ne traitait pas ainsi par-dessus la jambe la situation réelle des femmes françaises, il pourrait leur recommander (en l’absence de gynécologue-obstétricien respectueux et compétent) de faire appel aux autres professionnel.le.s qui s’occupent de santé des femmes : les médecins généralistes et les sages-femmes. Les uns comme les autres peuvent assurer la majorité des situations de gynécologie courante et le suivi des grossesses sans problème qui sont, I. Nisand ne peut l’ignorer, les plus nombreuses. Rappeler leur existence et leurs compétences serait non seulement en accord avec la réalité scientifique et sociale, mais aussi une déclaration de bonne confraternité, conforme à l’article 68 du Code de déontologie qui stipule : « Dans l’intérêt des malades, les médecins doivent entretenir de bons rapports avec les membres des professions de santé. Ils doivent respecter l’indépendance professionnelle de ceux-ci et le libre choix du patient. »

Malheureusement, ce type de déclaration serait probablement mal vu par les membres de la corporation qu’il préside et dont le discours a toujours été (je simplifie à peine) « Hors des gynécologues, point de salut pour les femmes. » En témoigne l’opposition farouche des obstétriciens français à la pratique de l’accouchement à domicile, pourtant courante dans la plupart des pays d’Europe et en Amérique du Nord, avec le soutien des professionnels. Dans ce domaine aussi, l’ « exception française » n’est pas un vain mot, hélas !

Par ailleurs, il ne suffit pas de dire « Changez de praticien ». Quand on est l’élu de la profession, on se doit d’avoir d’autres réactions. La première serait de déclarer clairement qu’aux yeux de son institution ce type de comportement est inadmissible, et doit être condamné. Il ne le fait pas. Les professionnels sont responsables de leurs actes, mais il ne propose rien pour le leur rappeler. Au lieu de quoi, il fait porter aux femmes la responsabilité d’aller voir ailleurs.

La seconde réaction devrait être de ne pas minimiser la fréquence de ces maltraitances. Or, que donne-t-il comme réponse à la question suivante ?

ELLE. Cela revient à dire que ce sont des cas isolés, et à ne pas se poser la question de pourquoi certains médecins ont recours à de mauvaises pratiques, non ?
Pr Israël Nisand. Le collège que je préside produit des recommandations sur les bonnes pratiques et je vous assure qu’elles sont suivies méticuleusement par tous les gynécologues.

Martin Winckler : I. Nisand est donc voyant extra-lucide, puisqu’il peut assurer que tous les gynécologues ont un comportement irréprochable. Par là-même, il laisse entendre que les plaintes émises par les patientes sont nulles et non avenues. La moindre des choses, venant d’un professionnel, serait de dire : « Si de telles pratiques ont lieu, il faut qu’elles soient dénoncées et fassent l’objet de sanctions, de la part de toutes les parties concernées. » Et il pourrait proposer de recueillir les plaintes des patientes pour étudier le phénomène ! Mais non, il se positionne sans équivoque comme garant et porte-parole de la profession en laissant entendre qu’en pratique, les plaintes des citoyennes n’ont aucune valeur : sa conviction de président du CNGOF suffit.

ELLE. Pourtant, nous recevons des témoignages de femmes qui ont subi des gestes obstétriques non recommandés par le CNGOF ou la Haute autorité de santé. Par exemple, l’expression abdominale pour laquelle nous avons plusieurs témoignages.
Pr Israël Nisand. L’expression abdominale n’a plus lieu. Si elle a lieu, c’est une faute technique et une faute professionnelle grave. Si vous connaissez un seul gynécologue qui a pratiqué l’expression abdominale, je l’appellerai personnellement pour lui dire de ne plus le faire. Mais vous serez en échec, Madame, car vous n’en trouverez pas.

Martin Winckler : Là encore, I. Nisand est extra-lucide : il sait ce qui se passe (ou ne se passe pas) dans toutes les maternités françaises. Il peut affirmer que l’expression abdominale a disparu.
Si vous n’êtes pas de son avis et en avez subi une, je vous invite à écrire à cliquer sur ce lien , qui se charge de recueillir des témoignages pour « éclairer » Monsieur le Professeur Nisand. Le site de Elle se fait déjà l’écho de témoignages.

Monsieur le Professeur Nisand poursuit en se prenant pour Dieu le père (ou pour le Pape) ! : « Je l’appellerai personnellement pour lui dire de ne plus le faire. »

Mais on ne demande pas à I. Nisand de « sermonner » les médecins qui se comportent de manière inadmissible ! Ce serait trop simple. Il ne peut pas être juge, partie et confrère de l’accusé. Il est le représentant élu d’un groupe de spécialistes, ça ne fait pas de lui leur père fouettard – ou celui qui va les absoudre après leur avoir passé un savon. Il ne peut pas se substituer à la loi ou au réglementations professionnelles.

Il doit cependant exiger de ses membres que la loi et les recommandations soient suivies et laisser le système pénal s’y intéresser (sans boule de cristal !) pour, le cas échéant, poursuivre ceux qui ne les respectent pas. Car en tant que médecin, I. Nisand a l’obligation (déontologique et légale) de se placer en tout temps du côté des patientes, fût-ce contre ses collègues.

Mais ce serait peut-être un peu trop demander du président du CNGOF, sans doute. Après tout, il n’a pas été élu pour les rappeler à l’ordre : dans une vidéo assez hallucinante, I. Nisand parle d’un médecin poursuivi pour viol et attouchements sexuels par dix-sept femmes en le présentant ni plus ni moins comme une victime et ses victimes comme des complices consentantes.

  1. Nisand connaît-il l’existence et le sens du mot « corporatisme » et de l’expression « conflit d’intérêts ? »

ELLE. Je ne cherche pas à incriminer tel ou tel docteur mais à comprendre pourquoi tant de femmes subissent de telles violences. Donc tout ce qui est recommandé par le CNGOF est appliqué à la lettre ?
Pr Israël Nisand. Sauf par quelques brebis galeuses qui ne participent à aucun congrès, estiment qu’ils savent tout et de surcroit ne lisent pas les recommandations des sociétés savantes. Malheureusement, cela existe. Je suis favorable à ce que les médecins repassent un examen tous les cinq ans pour vérifier l’état de leurs connaissances scientifiques. L’ordre des médecins y est favorable aussi, mais le gouvernement précédent y a rechigné car les médecins ne le souhaitent pas. Je le reproposerai au nouveau gouvernement.  Mais ce que reprochent les femmes n’est pas tant le défaut de compétence que le manque de tact, et je ne sais pas comment on peut rééduquer un médecin sur ce sujet.

Martin Winckler : Ici, I. Nisand s’enfonce : « brebis galeuses » est anticonfraternel et un peu rapide : ce n’est pas à lui de juger si des médecins sont compétents ou non, ou de séparer « le bon grain » de « l’ivraie ». Car il est le représentant de ces brebis galeuses ! Là encore, il est juge et partie. De plus, dire qu’il y a des « brebis galeuses », c’est admettre qu’elles existent. Pourtant, il a eu l’imprudence de déclarer plus haut que tous les gynécologues suivent les recommandations scrupuleusement. Laquelle des deux affirmations est-elle crédible ? Aucune des deux : elles s’annulent mutuellement.

Quant au fait que les femmes reprochent « un manque de tact », c’est là encore un peu rapide. Comment I. Nisand saurait-il ce que les femmes reprochent aux gynécologues, puisqu’il ne veut pas croire ce qu’elles disent ? (Voir plus haut.)

ELLE. Ce qu’elles vivent comme le plus violent n’est pas tant un manque de tact que subir des actes auxquels elles n’ont pas été préparées et pour lesquels on ne leur a pas demandé leur consentement.
Pr Israël Nisand. Depuis 2002 et la loi Kouchner, il est illégal de faire un acte non urgent sans le consentement de la patiente. Une patiente qui peut démontrer en justice qu’on ne lui a pas demandé son consentement libre et éclairé gagne son procès et des dommages et intérêt. Dans les faits, il n’y a pratiquement pas de plainte portant sur l’absence de consentement. Cela ne veut pas dire que le consentement est toujours sollicité, mais que les femmes n’utilisent pas les voix judiciaires pour obtenir gain de cause. Il faut qu’elles le fassent davantage. Quand à la préparation, il y a mille scénarios de complications lors d’un accouchement, vous voulez que l’on en fasse le catalogue ? Si on le faisait, bien que ce soit infaisable, les femmes arriveraient dans un état d’inquiétude pas possible. C’est pourquoi il est convenu entre nous, professionnels de la naissance, de n’aborder que les éléments les plus habituels des complications. Par exemple, la nécessité de faire une césarienne qui peut arriver à tout moment.

Martin Winckler : « Une patiente qui peut démontrer en justice qu’on ne lui a pas demandé son consentement libre et éclairé gagne son procès et des dommages et intérêt. » Ici, I. Nisand se moque du monde. Sauf erreur de ma part, ce n’est pas à la patiente de démontrer qu’elle n’a pas donné son consentement, c’est au médecin de prouver qu’il l’a demandé et a respecté sa décision ! C’est d’ailleurs pour ça qu’on fait signer des « consentements » à tout bout de champ, en oubliant d’ailleurs qu’aucune signature ne lie définitivement la patiente, car elle a le droit de retirer son consentement à tout moment !

C’est toujours le médecin qui est lié juridiquement, pas les patients ! Mais I. Nisand semble l’ignorer.

De plus, déclarer qu’il n’est pas possible de « parler de tout », c’est ne pas savoir (I. Nisand est décidément très ignorant) que dans d’autres pays (Angleterre, Pays-Bas, Scandinavie, Canada, Etats-Unis), on informe les femmes très à l’avance via des publications, des entretiens, des réponses aux questions qu’elles se posent. Et, le jour de l’accouchement, on s’assure qu’elles sont prêtes.

« Les femmes arriveraient dans un état d’inquiétude pas possible ! » est une déclaration typique d’un médecin paternaliste, qui pense savoir à l’avance ce qui va inquiéter (ou non) les personnes auxquelles il s’adresse – et se pense autorisé à décider ce qu’il juge bon, lui, de leur dire (ou non) ! Pour I. Nisand, « informer les femems, c’est mauvais car ça leur fait peur ». Pour I. Nisand, quand il s’agit d’inquiétude, les femmes enceintes sont toutes identiques – et effrayables.

C’est une attitude d’un autre âge, mais c’est sa pensée aujourd’hui et il n’en a pas honte.

Enfin, inviter les patientes à porter plainte, c’est leur faire porter, à elles, la responsabilité de chercher réparation. Mais n’est-ce pas l’une des obligations d’un corps de professionnels de santé que de surveiller ce que font ses membres et de protéger les personnes que ceux-ci sont censés servir ? Serait-il acceptable d’entendre, venant d’un syndicat de police, que les citoyens matraqués n’ont qu’à « porter plainte » contre les policiers qui ont eu la main lourde ? Serait-il acceptable, venant d’un syndicat de la construction, que les victimes de l’écroulement d’un pont n’ont qu’à « porter plainte » contre son architecte ? Est-ce qu’on ne s’attendrait pas à ce qu’ils balaient aussi devant leur porte ?

Quand on incite à porter plainte (ce qu’on pouvait déjà lire il y a dix ans sur mon site, et encore naguère dans Les Brutes en blanc), il faut aussi prévenir les femmes que c’est une procédure lourde, qu’elle dure longtemps, qu’elle est difficile à mettre en œuvre, qu’il faut le faire tout de suite, sans attendre, et leur donner les éléments et les moyens de le faire.

Et (ce que beaucoup de citoyen.ne.s font depuis longtemps, sans être président.e.s du CNGOF), il faut aussi rappeler que c’est aux médecins, d’abord, de bien se comporter : ce sont des professionnels, ils ont des obligations. Mais jamais, dans cet entretien, on n’entend I. Nisand inviter vigoureusement ses confrères à respecter la loi ! Et jamais il ne laisse entendre que lors d’une procédure pénale contre un médecin, le CNGOF laissera la justice trancher ! Dans la vidéo mentionnée plus haut, il va même jusqu’à contester ouvertement la décision des juges à l’égard d’un de ses confrères. Mais comme à plusieurs reprises dans l’entretien accordé à Elle (voir ci-dessous), il suggère fortement que lui-même ne respecte pas ses obligations légales et déontologiques, comment s’étonner de ce mépris pour les procédures judiciaires qu’il invite les femmes à engager ? Ce n’est pas la première de ses contradictions, ni la dernière !

ELLE. Mais pas l’hémorragie de la délivrance. Pour quelle raison ?
Pr Israël Nisand. Non, nous ne l’abordons pas. Cette hémorragie tue encore 60 femmes par an en France. Quand une femme se met à saigner lors de l’accouchement, parfois même sans s’en rendre compte, nous réalisons une série d’actes dans l’urgence absolue pour la sauver, dont la révision utérine qui consiste à retirer de l’utérus à la main les restes de placenta. C’est comme si une voiture garée sur une pente a les freins qui lâchent. En haut de la pente, on peut encore l’arrêter et en bas de la pente on ne peut plus. Il faut agir le plus vite possible. Je préviens : « Madame, je vais vider les morceaux de placenta qui restent dans votre utérus ». On peut obtenir le consentement en 30 secondes. Mais parfois la femme ne s’en souvient plus parce qu’elle est un peu endormie ou parce qu’elle a perdu du sang. Beaucoup de femmes ne se souviennent plus qu’on leur a donné des informations parce qu’elles n’ont pas pu les intégrer à ce moment-là. C’est pourquoi leur témoignage a posteriori ne reflète pas toujours la réalité.

Martin Winckler : « Cette hémorragie tue encore 60 femmes par an. » Les femmes le savent : elles savent lire. Elles savent qu’on peut mourir de prendre la pilule, d’une môle, d’une embolie pulmonaire, d’un anévrisme, d’un accident de voiture. Elles n’en meurent pas d’angoisse, de le savoir : une femme avertie en vaut deux. Et elles ne viennent pas en consultation seules : elles sont souvent accompagnées. Par un compagnon ou une compagne, une parente, une amie qui peuvent leur servir de porte-parole et de personne de confiance conformément à la loi. En cas d’urgence, c’est à cette personne de prendre la décision, non au médecin. C’est ainsi qu’on procède dans la majorité des pays développés. Pourquoi le CNGOF ne le recommande-t-il pas ? Et ainsi, il pourrait parler de tout. Car il n’y a aucune raison de décider à l’avance et à leur place de ce que les femmes veulent ou ne veulent pas savoir. L’obligation des médecins, c’est de s’efforcer de tout leur dire, et de les prévenir des situations extrêmes précisément parce qu’elles sont rares et qu’il faudra décider en urgence. Si une femme est capable de décider d’être enceinte, de prendre une hypothèque ou une assurance-vie, de conduire une voiture ou de faire son testament ou, plus simplement, de décider d’être donneuse d’organe (ou non), elle est aussi capable d’entendre parler des complications rares de l’accouchement. D’autant plus qu’il y a NEUF mois pour lui en parler et la laisser y réfléchir !!!!

Contrairement à toutes les urgences imprévisibles – les accidents de la route, les infections fulminantes et j’en passe – l’accouchement est un phénomène physiologique (autrement dit : « naturel »), connu et pratiqué par les femmes (sans l’aide des gynécologues) depuis au bas mot deux millions d’années, dont la survenue est le plus souvent prévisible (à quelques semaines près), et dont les incidents, accidents et complications sont documentées depuis deux cents ans de manière extensive. Tous les événements graves, ou presque, qui peuvent survenir pendant un accouchement sont connus. Ce qui fait leur gravité, ce n’est pas qu’on ne les connaît pas, c’est l’incertitude de leur survenue.

Mais un incendie aussi, c’est imprévisible. Ça n’empêche pas de s’y préparer et il serait irresponsable de ne pas informer les habitants de sa survenue éventuelle, et de ne pas leur conseiller d’installer des détecteurs de fumée et d’avoir un extincteur chez eux, car quand on est prévenu, on peut faire face.

De même, une situation « d’urgence » obstétricale n’est pas une situation « impossible à affronter ». On ne peut pas en prévoir la survenue, mais on peut en parler et s’y préparer, même si elle est rare. Evite-t-on de parler aux mères de la mort subite du nourrisson, de la convulsion fébrile, de la méningite ou de l’inhalation de corps étranger chez le tout-petit ? Non ! Et c’est elles qui les abordent et posent des questions ! Et on doit leur répondre, alors même que c’est peu fréquent !

Il n’est donc pas acceptable de vouloir « protéger » les femmes des incidents possibles pendant leur accouchement en ne les prévenant pas, car cela les empêche précisément de définir ce qu’elles souhaitent qu’on fasse dans le cas où ces événements surviendraient ! En refusant d’aborder ces sujets « pour ne pas inquiéter les femmes », I. Nisand entrave leur liberté.

En lisant Nisand, on pourrait croire que dans les salles d’accouchement qu’il supervise, toutes les femmes sont des porcelaines de Limoges frissonnantes et apeurées, qui n’ont jamais lu une ligne de magazine ou de livre de santé, n’ont jamais accouché auparavant (ni entendu une proche parler de son accouchement) et perdent leur sens commun dès qu’elles s’allongent.
Dans quel univers vit-il, exactement ?

ELLE. Vous avez été pris à partie par le Collectif de Défense des Victimes de Violences Obstétricales et Gynécologiques pour avoir à ce sujet estimé que les femmes ne se souviennent pas bien du fait d’un « drainage de sang vers l’utérus, au détriment du cerveau » dans un article du Figaro. Confirmez-vous cette explication ?
Pr Israël Nisand. Ce que j’ai dit au Figaro a été détourné. Cela ne correspond pas à ce que je pense. Il arrive et ce n’est pas rare qu’une femme soit perdue au moment de l’accouchement, elle peut par exemple demander à rentrer chez elle alors que la tête du bébé vient à peine de sortir. Cette désorientation temporospatiale transitoire est liée à une hémodynamique vasculaire fortement bouleversée par l’accouchement. La femme a besoin à ce moment-là d’être entourée et rassurée car l’effort produit par son utérus qui entraine une consommation d’oxygène importante qui modifie son état de conscience.

Martin Winckler : Je ne sais pas ce que I. Nisand a dit au Figaro. 
Mais de toute manière, si le phénomène qu’il décrit existe, il faut qu’il soit plus précis : à quelle fréquence survient-il ? Chez quelle proportion des femmes qui accouchent ? Est-ce répertorié et documenté scientifiquement ? Par qui ? Dans quelles revues ? Est-ce un phénomène scientifique avéré ou une perception personnelle d’I. Nisand ? Y aurait-il, par hasard, pour expliquer la confusion chez une femme qui accouche,  d’autres facteurs que les « phénomènes hémodynamiques », tels (liste non exhaustive) : le manque d’information, la brutalité de certain.e.s professionnel.le.s de santé, les problèmes de langue, de racisme et de chômage, l’exclusion des accompagnants de la salle de travail, l’obligation de rester allongée, les menaces, le monitoring angoissant, les médicaments administrés par voie intra-veineuse ou intrathécale ? Est-ce que tout ça, ça n’expliquerait pas aussi la « confusion » des femmes ?

Si le phénomène de « confusion hémodynamique » est réel et fréquent, pourquoi I. Nisand n’incite-t-il pas ses confrères à prévenir les femmes pour qu’elles et leurs personnes de confiance puissent prendre des décisions si ça se produisait ?

Si en revanche ce phénomène est rare (ou le produit de son imagination), de quel droit se permet-il de laisser entendre qu’il concerne TOUTES les femmes qui accouchent et que les gynécologues devront toujours décider à leur place ?

Quant à « entourer et rassurer » les femmes, je ne connais pas de meilleure méthode que d’ouvrir les salles d’accouchement aux conjoint.e.s, proches, ami.e.s, sages-femmes ou doulas auxquelles ces femmes font appel librement pendant le cours de leur grossesse, précisément pour se rassurer !

Mais pour cela, encore faut-il que les obstétricien.ne.s français.e.s acceptent tou.te.s qu’une personne extérieure accompagne, soutienne, et le cas échéant parle au nom de la femme qui accouche. Ça n’aurait rien de scandaleux : une salle d’accouchement n’est pas soumise aux mêmes précautions qu’un bloc opératoire ou une unité de réanimation. Et la loi ne précise-t-elle pas qu’on doit demander aux proches leur avis quand une personne n’est pas (temporairement ou durablement) en mesure de prendre une décision ?

Ah, mais c’est vrai, j’oubliais ! Nous parlons ici de la France, où dès son entrée dans un établissement hospitalier, tout.e citoyen.ne est réputé.e incapables de décider pour soi et où les enseignants de médecine suggèrent (ou suggéraient encore, il y a peu) aux étudiants d’ « apprendre » l’examen gynécologique sur les femmes endormies…

ELLE. Cela explique-t-il à vos yeux le fait que tant de femmes aient mal vécu leur accouchement ?
Pr Israël Nisand. Le mauvais vécu est tout ce qui sort de la norme et n’a pas été prévu. Une césarienne, c’est déjà un mauvais vécu. Mais je suis contre préparer les femmes au pire. Je suis contre les préparer à une hémorragie de la délivrance. Je suis contre les préparer à une embolie amniotique qui tue. Je suis contre les préparer à l’infarctus du myocarde en cours de travail. Je suis contre tout ça.

Martin Winckler : Le « mauvais vécu » des femmes, ici encore, c’est I. Nisand qui le définit. De quel droit ? Sur quels fondements scientifiques ? Sur quelles enquêtes ? A partir de quelle expérience personnelle ? Depuis quand peut-il témoigner du vécu des femmes ? Quand leur a-t-il seulement donné la parole à la tribune du CNGOF ???

Quand il dit « je suis contre » (l’information des femmes), il est de nouveau paternaliste. Sait-il seulement ce que ce mot veut dire ? Et sait-il qu’en refusant une information loyale, il prône une attitude contraire à la loi et à l’article 35 du code de déontologie ?

ELLE. Vous parlez de situation de risque de mort imminente. Mais on n’aborde pas toujours non plus, avant l’accouchement, ce qui peut se passer lors d’une césarienne en urgence. Or, beaucoup de femmes le vivent comme un choc.
Pr Israël Nisand. J’avoue que je ne le fais pas avec une femme dont la grossesse se passe bien et ne présente aucun risque de complication. Je dirai juste, quand on me demande ce qu’il peut advenir, que si l’enfant ne supporte pas les contractions, plutôt que d’attendre que son cerveau soit détérioré, on préfère faire une césarienne.

Martin Winckler : Paternalisme, encore et toujours : I. Nisand déclare qu’il peut se passer du consentement de la femme pour pratiquer une césarienne s’il juge, lui, qu’il existe un risque de « détériorer le cerveau de l’enfant ». En brandissant les risques pour l’enfant (qu’il fait passer ainsi avant la femme), il pratique la menace et le chantage. Deux « arguments » prohibés par le Code de déontologie. De plus, « Et si ?… » n’est pas un argument scientifique. Quand on redoute des situations graves, il faut en prévenir les femmes à l’avance – et leur demander ce qu’elles voudraient qu’on fasse. Cela doit être fait, cela peut être fait et un certain nombre d’obstétriciens le font. I. Nisand, lui, ne le fait pas. Il doit sans doute savoir des choses que la communauté scientifique ne sait pas, heureux homme !

ELLE. Avant d’en arriver à dire aux femmes de porter plainte, ne faudrait-il pas insister sur cette question du consentement auprès des médecins lors de la formation ?
Pr Israël Nisand. C’est déjà fait, à tel point qu’on a aujourd’hui des médecins dressés à obéir aux demandes des patientes et qui vont trop loin dans ce domaine. Par exemple, certaines femmes demandent des césariennes de convenance et ces médecins, notamment dans le privé, disent oui. D’autres médecins se cachent derrière le consentement des patientes pour se protéger eux, et non pour les protéger elles. Je suis contre le fait que certains fassent signer à leurs patientes des consentements par écrit, pour se mettre à l’abri de tout reproche en matière d’information.

Martin Winckler : « Dressés à obéir aux demandes des patientes ». Fichtre ! Quel mépris, pour les professionnels et les patientes.
I. Nisand « est contre », encore une fois. Contre les consentements écrits (qui n’ont aucune valeur, puisque le consentement n’est jamais définitif) mais pas pour le respect du consentement, puisqu’il n’en parle pas.

ELLE. Lorsqu’il y a eu un accouchement, mal compris, ma vécu, êtes-vous favorable à donner des explications a posteriori ?
Pr Israël Nisand. C’est indispensable. Ce serait une faute professionnelle de ne pas le faire. Sur le lit ou en consultation pour expliquer ce qu’il s’est passé. Mais demander à ce que nous le fassions pendant que la femme est en pleine hémorragie serait manquer de réalisme.

Martin Winckler : « Sur le lit »… Je préfère ne pas commenter, car cette expression malheureuse est sans doute elle aussi le produit d’un « détournement » de sa pensée…

Cela dit, I. Nisand, (je me répète, mais il y a des gens pour qui c’est nécessaire), quand des patients demandent des explications « en pleine hémorragie »… c’est parce que les médecins n’ont pas expliqué auparavant que ça pouvait se produire – ni à la femme, ni à sa famille, ni à personne !

ELLE. Qu’avez-vous mis en place au sein du CNGOF pour prendre en compte cette dénonciation des violences obstétricales par les patientes ?
Pr Israël Nisand. Nous sommes très attentifs. Nous sommes en train en mettre en place un diplôme inter-universitaire sur la prise en charge des maltraitance en gynécologie de manière à sensibiliser le plus de monde possible. Malheureusement, ceux qui en ont le plus besoin ne suivront pas ce cursus. Mais, par exemple, dans mon service, je fais un séminaire d’une journée pour tous les nouveaux soignants sur la bienveillance : pour dire voilà ce que nous avons appris au fil des années, notamment grâce à des groupes de paroles des patientes ayant fait une fausse couche ou une interruption médicale de grossesse. Voilà les erreurs à ne pas commettre, les mots à ne pas dire, les comportements à éviter. Et j’incite mes collègues à faire de même.

Martin Winckler : Bravo, I. Nisand. On ne peut que se réjouir de ces initiatives de 2017. Je suis sûr qu’à vous tout seul vous allez changer le comportement de toute la profession. Avec un diplôme inter-universitaire et à coups de séminaire d’une journée consacrés à la bienveillance, les changements seront rapides.

En attendant, à quand une déclaration solennelle et publique du CNGOF pour rappeler à ses membres leurs obligations et la loi, et les inviter fermement à bien se comporter, en tous temps ?

A quand les recommandations du CNGOF pour la formation d’experts indépendants, qui ne livreront pas des conclusions systématiquement biaisées en faveur des médecins ?

A quand une invitation officielle des membres du CNGOF à travailler d’égal à égal avec les sages-femmes et les généralistes et à leur assurer respect, formation et soutien dans l’intérêt des femmes ? 

A quand des directives du CNGOF sur l’information préalable des femmes, le droit de se faire accompagner en salle de travail par une personne de confiance et l’assurance que leurs décisions seront respectées ?

A quand la publication sur le site du CNGOF de témoignages de femmes sur ce qu’elles ont ressenti, non seulement au cours des fausses couches et des IVG, mais aussi pendant les consultations de contraception ou de cancérologie, le suivi de grossesse et les accouchements, la chirurgie, les procédures de PMA ?

Et enfin : à quand des groupes de travail où siègeraient paritairement gynécos, sages-femmes, généralistes et citoyennes, pour se consacrer aux conditions de l’accouchement et de la délivrance des soins de santé aux femmes ?

Quand il gèlera en enfer, ou avant ça ?

Martin Winckler

«Le viol est un sujet tabou, c’est sale, on a honte»

Madame Badinter, allez porter une robe à fleurs à l’Assemblée !

Vendredi 9 juin 2017 L’Humanité (via le blog de Christine Delphy)

Burkinis, cafés non-mixtes, voile à l’Université, harcèlement de rue… d’inlassables polémiques ne cessent de faire courir la même petite musique : le problème de la condition des femmes en France, ce serait l’islam ou les étrangers. Autant de tentatives de dédouaner nos hommes autochtones ou sévissant dans les beaux quartiers.

Pendant la Primaire de la droite où il ne fut pas besoin d’un quelconque voile pour souligner la quasi-invisibilité des femmes, ces messieurs ont vanté leurs valeurs laïques et féministes. Pourtant, rien sur l’ingérence politique de mouvements conservateurs comme la Manif Pour Tous et le très fillonniste Sens commun. Rien sur celle du Pape gendarmé contre la théorie du genre à l’école. Rien sur la participation de Jean-Frédéric Poisson à leur compétition, candidat ouvertement opposé au droit à l’avortement. Évidemment rien sur la publicité sexiste qui ne cesse de nous réduire à l’état d’objets sexuels, comme Yves-Saint Laurent, ou qui promeut la culture du viol comme Bagelstein.

Pendant ce temps, les candidats aux législatives LR outrés contre le harcèlement de rue dans le nord de Paris ne comptent que 39% de femmes. Leur groupe a systématiquement voté contre tous les projets de délibération sur le genre et l’espace public au Conseil de Paris. Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, a diminué de plus de la moitié son soutien financier aux actions pour l’égalité femmes-hommes !

À gauche, Manuel Valls a tenté d’attaquer son concurrent aux primaires Benoit Hamon sur le terrain des droits des femmes et de la laïcité. Lui qui s’était pourtant fait remonter les bretelles par le Conseil d’État désapprouvant les arrêtés hors-la-loi anti-burkini. Là aussi, quelle surprise de voir tous ces maires devenir de fervents défenseurs des droits des femmes alors que nous ne les avons jamais vu s’opposer à tous ceux qui tirent profit à millions sur le dos des violences faites aux femmes, publicitaires, marques de luxe, alors que l’affichage dans l’espace public est dans leurs prérogatives. Nous le réaffirmons, contraindre les femmes à se dévêtir comme à se rhabiller n’est qu’une humiliation et une violence sexiste de plus.

Ainsi, dans notre pays où 120 femmes ont été tuées par leurs compagnons en 2016, où seules 14% des 220 000 femmes battues ont osé porter plainte, où une femme sur cinq subit un harcèlement sexuel au travail, où 230 sont violées chaque jour, où 100% sont harcelées dans l’espace public, le patriarcat serait le fait des étrangers ? Est-on entrain de créer implicitement un sexisme acceptable labellisé Made in France ?

Féministes, nous nous insurgeons contre l’instrumentalisation de notre combat par une classe dominante au service de ses intérêts xénophobes et oligarchiques. En pointant du doigt le sexisme des autres, des étrangers, des classes sociales dominées, ils veulent dissimuler celui des puissants, garantir leur impunité par diversion voire alimenter leurs campagnes électorales.

On vous le confirme : les femmes sont en insécurité partout, dans la rue, au foyer, au travail, en politique et jusque dans l’hémicycle du Palais Bourbon comme le dénonce le collectif des assistantes parlementaires « Chair collaboratrice ». Pourquoi ? Parce que dans tous ces lieux, il y a des hommes, de toutes les couleurs, de toutes les classes sociales, élevés en société patriarcale avec des valeurs misogynes. Et quand on essaye d’en inculquer d’autres via des programmes scolaires contre le sexisme, les mêmes féministes de la dernière heure hurlent à la théorie du genre !

Oui, le harcèlement sexiste sévit et jouit d’une quasi-totale impunité dans tous les environnements à forte concentration masculine, les places au soleil, des terrasses de cafés, les manifestations en passant près des cortèges syndicaux très masculins, les partis qui sont souvent des zones d’omerta, les festivals, les RDV d’hommes puissants en cols blancs au Carlton où ils ont fait subir des « boucheries » à des personnes prostituées, dans le milieu journalistique comme le dénonce le collectif « Prenons la Une » etc.

Bref, de la mèche rousse de Donald Trump aux boucles brunes de Maxime Hamou, la misogynie est la tare la plus partagée entre les hommes ! Les violences sexistes n’ont ni pays ni frontières, n’ont d’autre lieu de naissance que le Patriarcat. Elles sont le résultat de tout un écosystème qui suppose l’existence d’inégalités sociales et de rapports de domination qui n’épargnent en rien les structures de pouvoir, au contraire, car plus on les pénètre, plus on se rapproche du système des « dominants », plus les violences contre les femmes sont manifestes… mais dissimulées. Avez-vous déjà regardé les vidéos des actions du collectif « la Barbe » dans les lieux de pouvoir ? Les interjections sexistes qu’elles reçoivent en pluie n’ont rien à envier à celles qui peuvent aussi arriver en longeant des terrasses de café.

Loin de nous l’idée d’euphémiser quoique ce soit, où que ce soit, dans le Nord de Paris comme dans la baignoire hollywoodienne de Roman Polanski ou dans une chambre d’hôtel à New-York. En effet, mieux vaut éviter de porter des robes, des jupes ou des décolletés dans tous les endroits très masculinisés, paramètre qui a tendance à accentuer un rituel de construction de l’identité virile par la violence, la domination et l’humiliation des femmes.

Ni la surenchère policière, ni les happenings de campagne racistes, ni la persécution des pauvres, ni la militarisation des quartiers, ni les contrôles au faciès, ni la chasse aux sans papiers, ne tireront d’affaire les femmes face aux violences masculines. Seules l’éducation, nos luttes, notre autodéfense et notre audace à briser la loi du silence nous permettront de défendre notre intégrité physique et morale. Grâce à l’insolence des féministes si souvent taxées de pisse-froid, le traitement de l’affaire Baupin en 2016 n’a pas été le même que celui de l’affaire DSK en 2011. Ses victimes n’ont pas été moquées comme l’avait été Tristane Banon. Maxime Hamou a écopé d’un bad buzz. Michel Sapin a dû s’excuser et s’expliquer. On avance grâce à notre intransigeance, et les années à venir nous donnent déjà raison.

Qu’il plaise à la 67ème fortune de France, la grande bourgeoisie Badintériste, « féministe » qui signe des contrats juteux avec l’Arabie Saoudite, de nous faire croire qu’elle a peur de mettre des jupes lorsqu’elle va à la supérette à 22h porte de la Chapelle – on la croit -, on ne peut que l’inviter à faire cette brillante intervention à l’Assemblée en portant la robe à fleurs bleues de Cécile Duflot !

- Fatima-Ezzahra Benomar – Porte-parole des effronté-e-s
- Héloïse Raslebol – Cofondatrice du collectif Stop harcèlement de rue
- Hanane Karimi – Ancienne porte-parole des Femmes dans la Mosquée
- Sonia Nour – Afroféministe
- Lorraine Questiaux – Secrétaire Générale du Mouvement du Nid
- Charlotte Soulary- Cofondatrice du collectif Chair collaboratrice

Documentaire : Quel a été le rôle des grands médias brésiliens dans l’assassinat d’une adolescente ?

Si on pose la question à n’importe quel Brésilien sur “l’affaire Eloá”, il saura certainement de quoi il s’agit. En octobre 2008, le pays entier a été témoin en direct de la séquestration d’Eloá Cristina, âgée de 15 ans, qui a été gardée en otage pendant une semaine et ensuite assassinée par son ex-copain Lindemberg Alves, qui avait alors 22 ans.

Le 13 octobre 2008, Eloá était avec ses camarades de classe en train de faire un travail scolaire dans son petit appartement, à l’intérieur d’une résidence de Santo André, à proximité de São Paulo, quand Lindemberg est entré chez elle de force muni d’une arme. Le jeune n’acceptait pas que la relation avec Eloá soit terminée. Deux de ses amies furent libérées à ce moment mais Nayara, la meilleure amie de Eloá est restée. Elles ont alerté la police puis les médias sont ensuite venu sur les lieux.

Pendant que la police négociait avec Lindemberg, deux chaînes de télévision transmettaient les faits en direct. Un journaliste a même interviewé Eloá et Lindemberg à travers la même ligne téléphonique qu’utilisait la police pour négocier la libération des otages. Eloá a dû répondre à des questions telles que “Tu l’aimes encore ?”, pendant qu’ils analysaient son profil sur les réseaux sociaux. Dans un des programmes de télévision, un prétendu spécialiste a dit qu’il “espérait que cela se finisse bien”, qu’Eloá et Lindemberg résolvent leurs différends et se marient.

La réalisatrice Livia Perez, habituée à traiter ce genre de sujet, s’est centrée sur l’affairee cas afin de parler des violences machistes | Photo: Alf Ribeiro/Utilizé avec son autorisation

Même si Lindemberg a libéré Nayara le premier jour, la police a demandé à la jeune fille de revenir afin de faciliter la négociation avec l’agresseur.

Cinq jours après, le vendredi après-midi, la police est finalement entrée dans l’appartement. On entendit des coups de feu puis on vit Nayara sortir de l’appartement avec une blessure à la tête. Par contre Eloá était inconsciente, elle avait pris une balle dans la tête. Lindemberg s’est battu avec la police dans les escaliers à l’extérieur du bâtiment, sous les yeux de nombreux journalistes et curieux qui étaient aux alentours.

Tout a été transmis en direct à la télévision sous les yeux de millions de téléspectateurs.

L’image d’Eloá en train de pleurer à la fenêtre pendant qu’elle était retenue en otage par son ravisseur, à peine quelques jours avant sa mort, est devenue un symbole emblématique non seulement de la prise d’otage la plus longue de l’histoire du Brésil mais aussi de la pire gestion de prise d’otage et la plus sensationnaliste de l’histoire.

Huit ans après, la cinéaste brésilienne Livia Perez a décidé de faire une chronique sur ce qui est arrivé à Eloá. Mais elle n’a pas souhaité raconter l’histoire à travers d’interviews des proches d’Eloá, au contraire elle a voulu mettre en avant les reporters et la police, afin d’analyser comment les médias et la société idéalisent les histoires de violence contre les femmes.

Son documentaire sorti en 2016 et qui fut récompensé est intitulé “Qui a tué Eloá ?”. Il a été projeté dans les festivals de cinéma du monde entier, d’Uruguay au Mexique en passant par la France, des écoles de Corée du Sud aux prisons du Brésil. Dans un entretien avec Global Voices, Perez parle de sa motivation pour la réalisation de son projet, de la dure réalité de la vie quotidienne des Brésiliennes (Au Brésil, 13 femmes sont tuées chaque jour), et des sujets récurrents des médias lorsqu’ils traitent des cas de violence envers les femmes et les petites filles.

Le documentaire de 24 minutes est disponible avec des sous-titres en anglais et en espagnol.

Global Voices (GV): Qu’est-ce qui vous a motivé à raconter l’histoire de Eloá ?

Livia Perez (LP): Le type de crime dont a été victime Eloá affecte des milliers de femmes brésiliennes. L’histoire d’Eloá est l’histoire d’un grand nombre de Brésiliennes. Le Brésil occupe le 5ème rang en nombre de femmes assassinées, et malgré cela, la presse ne parle pas des violences faites aux femmes lorsqu’elle couvre ce genre de crimes. D’où ma motivation principale : faire reconnaître le crime contre Eloá comme un féminicide.

GV: Que fut la chose la plus difficile lors de votre travail sur cette histoire ?

LP: Le plus grand défi a été de ne pas reproduire les vices du journalisme traditionnel dans l’esthétique du film, c’est à dire réfléchir à la manière adéquate de raconter ce crime en utilisant les images transmises par les médias traditionnels, tout en les critiquant et en proposant un tout autre point de vue.

GV: Dans le documentaire il n’y a pas d’entretien avec l’amie d’Eloá qui a survécu à la prise d’otage, ni avec la famille, ni même avec l’enquêteur chargé de l’affaire, comme ça se fait normalement dans les documentaires d’affaires criminelles. Pourquoi avez-vous fait ce choix?

LP: Justement parce que même si le film ne traite pas de ce cas particulier même s’il l’utilise comme base. Il est nécessaire de voir le scénario de façon relationnelle et non individualisée. Cela ne m’intéressait pas d’utiliser le même récit que celui lancé par les médias, je ne cherchais pas à scénariser le crime comme un fait unique et isolé. Le choix d’une narration ciblée sur l’attitude des médias m’a permis également de remettre en cause le point de vue de la police et de la société face aux féminicides.

GV: La transmission en direct de son assassinat et le fait que les chaînes de télévision ont minimisé la situation de l’otage paraît complétement surréaliste, mais quelle partie de tout ça faites-vous ressortir ?

LP: A mon avis, il y a eu de nombreuses irrégularités, à commencer par la diffusion en direct de la séquestration, qui au fur et à mesure que les jours passaient, ont donné de la puissance au preneur d’otage. Parmi toutes les absurdités, comme par exemple le journaliste qui a prétendu être un ami de la famille et l’avocat qui espérait que “tout finirait bien, avec un mariage en prime” entre la victime et le ravisseur, je crois que le plus problématique a été le fait que les médias ont réussi à communiquer par téléphone avec le ravisseur, et finirent en médiateurs dans une situation à haut risque pour laquelle ils n’étaient pas qualifiés. La construction d’un narratif romantique autour du crime et la glorification de la personnalité criminelle du ravisseur qu’ont créée les médias pour capter et maintenir l’audience ont également été nocives.

GV: Le documentaire questionne le narratif de “l’homme non conforme” et du “crime passionnel”, très utilisé par le journalisme pour justifier les féminicides. Cela a-t-il changé à ce niveau-là depuis 2008?

LP:  J’aime penser que c’est le cas, que certaines choses ont changé mais je sais que d’autres restent les mêmes. Les réseaux sociaux et les sources d’informations alternatives sont maintenant très viables grâce à internet et invitent de plus en plus les gens à se poser des questions sur les médias traditionnels, et par conséquent la manière d’informer des crimes sexistes (féminicides, viols, abus sexuels, harcèlement…).

Au moins trois médias ont réussi à interviewer le ravisseur pendant la prise d’otages, en utilisant la même ligne téléphonique que celle que la police utilisait pour négocier avec le ravisseur. Capture d’écran de ‘Qui a tué Eloá ?’

GV: Une enquête récente a révélé que 57% des Brésiliens sont d’accord avec la phrase “un bon délinquant est un délinquant mort”. Néanmoins quand il s’agit de féminicides, beaucoup de gens ont l’air de montrer plus d’empathie envers l’assassin qu’avec la victime. Pourquoi, à votre avis ?

LP: Je suis totalement contre l’idée “qu’un bon délinquant est un délinquant mort” et je refuse que la société se fasse justice elle-même, de même que le populisme pénal. Ce qui se passe avec ces crimes, c’est qu’ils sont racontés de manière machiste, sexiste, c’est à dire que les auteurs de ces féminicides sont décrits comme des personnes dignes de pitié pendant que les véritables victimes sont ignorées, culpabilisées et vilipendées, ce qui génère un renversement des valeurs extrêmement nocif, et le pire c’est que ce renversement de valeurs est souvent promu par des entreprises et des groupes d’entreprises publiques, comme c’est le cas avec les chaînes de télévisions ouvertes. C’est ce qui s’est passé pendant la prise d’otage et l’assassinat d’Eloá, celui d’Eliza Samudio, ou encore lors de la couverture médiatique du viol d’une adolescente par un gang d’une favela de Rio de Janeiro…

GV: Depuis 2015, le féminicide est un terme légal dans le code pénal du Brésil. Par conséquent, c’est un délit dans notre législation, mais malgré cela le Brésil est toujours le cinquième pays pour le nombre de femmes assassinées. D’où vient le problème d’après vous ?

LP: Je pense qu’il manque un effort collectif afin de combattre l’important taux de féminicides. A mon avis cela devrait commencer par une réforme dans les grands médias du pays et par l’application de l’article 8, paragraphe III, de la Loi Maria da Penha, qui prévoit la responsabilité des médias de communication dans l’éradication de la violence domestique et familiale.

GV: Durant l’année dernière, l’Amérique Latine (une des régions au plus fort taux de féminicides de la planète) s’est mobilisée pour protester contre la violence machiste avec des campagnes telles que #PasUneDePlus. De quelle manière le percevez-vous ?

LP: Ces manifestations sont fondamentales et donnent de l’espoir pour une Amérique Latine qui reste majoritairement machiste. Maintenant je crois que nous devons intégrer le féminisme dans les débats politiques et que nous devons encore lutter fortement pour conquérir une représentativité.

Fémonationalisme, suite

Voici trois jours, nous avons reblogué ici-même un article de Joao Gabriell qui réagissait aux premières déclarations de la nouvelle secrétaire d’État à l’égalité des hommes et des femmes: « Outre une grande campagne de communication antisexiste et l’instauration d’un congé maternité unique, indépendamment du statut des femmes (salariées, entrepreneuses, etc), la nouvelle Secrétaire d’Etat a annoncé une mesure qui a de quoi inquiéter : l’instauration de policiers habilités à verbaliser les insultes sexistes dans l’espace public, s’inscrivant dans le projet plus large du nouveau Président d’introduire « 10 000 policiers de proximité ». Avant même de songer à la verbalisation des insultes sexistes, cette déclaration a de quoi faire frémir tous ceux qui sont conscients que le renforcement des dispositifs policiers est annonciateur de plus de violences policières, et donc aussi de crimes policiers, en particulier contre les hommes arabes et noirs vivant dans les quartiers populaires. Car en effet, ce n’est certainement pas dans le 16e arrondissement parisien que les effectifs policiers seront gonflés. De plus, les contrôles au faciès étant déjà largement prouvés, ce ne sont certainement pas tous les hommes qui seront concernés par cette accentuation de l’activité policière. » Et voici ce que nous apprenons aujourd’hui par Médiapart:

« Un article sorti dans le Parisien en fin de semaine affirme qu’une partie du quartier La Chapelle serait interdite aux femmes par la présence de trop nombreux hommes dans la rue, pour ne pas parler des réfugiés. L’article est immédiatement repris par les médias, comme RTL, France Info… Et vendredi 19 mai 2017 le collectif SOS La Chapelle, des élus LR et Valérie Pécresse se réunissent aux pieds du métro La Chapelle pour en appeler à l’intervention immédiate du nouveau gouvernement. Valérie Pécresse propose aussi une aide à la sécurité à tous ceux qui ont peur. Un budget sorti tout droit des caisses du Conseil régional d’Ile de France et dont la Mairie de Paris ne voudrait pas selon Mme Pécresse. Bref, le feu aux poudres. »

Contre ces tentatives de semer la panique, Médiapart donne la parole aux habitantes du quartier de La Chapelle. Cette vidéo est à voir ici. Ça vaut la peine de prendre les quelques huit minutes qu’elle dure pour comprendre de quoi il retourne.

Femmes exécutées : Günay, Dilek, Dilan, Şirin, Yeliz, Taybet… Sıla

Source: Kedistan

En Turquie, les exécutions de femmes par la police se poursuivent. Après Günay, Dilek, Dilan, Şirin, Yeliz, Taybet, c’est aujourd’hui celle de Sıla…

Aujourd’hui 6 mai, Sıla Abalay a été exécutée par la police dans le quartier Yeşilova, à Küçükçekmece, district d’Istanbul. Elle avait 18 ans. Deux personnes se trouvant dans la maison, ont été mises en garde-à-vue. La police a annoncé des “affrontements” et les médias alliés au régime, ont “informé” l’opinion publique, d’une voix unanime, sans qu’il n’y ait aucune enquête ni preuve, en produisant des manchettes comme “Une responsable importante de l’organisation illégale DHKP-C, tuée lors des affrontements”.

Ces pratiques d’exécution sans jugement se répètent sans cesse depuis deux ans. Günay Özarslan, Dilek Doğan, Şirin Öter, Yeliz Erbay, Dilan Kortak ont été tuées dans des quartiers différents d’Istanbul, et Taybet Canşin à Diyarbakır. Avec Sıla Abalay, le nombre de femmes exécutées est à ce jour de six. Malgré le fait que les proches, amiEs ou autres témoins apportent leur témoignages, expliquent qu’elles ont été tuées dans des conditions qui ne peuvent en aucun cas justifier leur mort, elles sont relayées par les médias au services du régime, toujours avec le même refrain. Ces jeunes militantes, deviennent dans les unes de ces médias, de “dangereuses dirigeantes d’organisation illégale et armée” donc des “terroristes” donc “à abattre”. Et ces exécutions ciblent particulièrement de jeunes militantes femmes.

Pas d’arrestation ni jugement, mais une exécution pure et simple

Le journal Şûjin, relaie les propos de d’Oya Aslan, avocate de l’association HHB, Halkın Hukuk Bürosu (L’Office du Droit du peuple). Oya souligne que la police tue les femmes sans qu’il y ait de circonstances qui justifient de les abattre, et que ces six massacres de femmes sont profondément politiques.
Oya exprime que les policiers préfèrent tirer et tuer ces femmes, alors qu’il était tout à fait possible de les “arrêter”, si telle était leur intention “Ils justifient ces pratiques avec l’état d’urgence. Pour Sıla, ils déclarent qu’elle aurait été armée et aurait utilisé son arme. ils avaient avancé les mêmes thèses pour les précédentes victimes. Ils essayent d’inventer des motifs pour justifier leurs exécutions et se donner des raisons pour tuer. Il s’agit d’actes et de choix politiques, terroriser les membres d’organisations opposantes. Pour Sıla, même si on n’a pas encore les détails du déroulement, nous savons que sa mort est survenue dans des circonstances analogues. Ces opérations sont effectués par des centaines de policiers des équipes spéciales, formés et entrainés. Leur champs d’actions devrait être ‘l’arrestation des suspects’, mais ils préfèrent tuer”. Oya ajoute que les détails ne sont pas encore révélés, mais que ces opérations se font dans la totale illégalité couverte aujourd’hui par l’état d’urgence.

Qui sont les 6 femmes exécutées ?

Günay Özarslan

Günay a été tuée par la police, le 24 juillet 2015, lors d’un raid, dans le cadre des opérations ciblant le DHKP-C. Elle avait 30 ans. Les médias ont “servi” l’information en présentant Günay comme “bombe humaine”.

Günay, avant sa mort, avait été inquiétée à plusieurs reprises, mise en garde-à-vue, avec un procès à son encontre. Son avocat Özgür Yılmaz déclarait après l’exécution de Günay, “La police s’est introduite dans la maison en cassant la porte et a tué Günay qui se trouvait dans une des pièces. Ses proches présents dans la maison, lors du raid, expriment qu’il s’agit d’une exécution”.

La dépouille de Günay, n’a pas pu être inhumée pendant des jours. Les funérailles au Cemevi (lieu de prière alévi) du quartier Gazi, ont été attaquée également par la police et plusieurs personnes on été arrêtées. Günay a pu être inhumée enfin, après 2 jours de tensions, et avec la médiation des députéEs du CHP et du HDP. Depuis 2015, deux ans sont écoulés et aucune preuve qui confirmerait la thèse de “bombe humaine” relayée par les médias alliés, n’a été trouvée.


Dilek Doğan

Dilek a été exécutée, le 18 octobre 2015, lors d’un raid à son domicile à Sarıyer, Istanbul. Elle a été reçu une balle tirée par les policiers qui s’introduisaient dans sa maison à qui elle a dit “Mettez des chaussons en plastique”. Dilek, gravement blessée, a succombé à l’hôpital, 8 jours plus tard, le 25 octobre. Sa mère déclarait après sa mort “Les policiers sont entrés dans la maison avec leur chaussures. Ma fille leur a dit de mettre des chaussons de protection et d’entrer après. Il y a eu une discussion, un bruit de tir, et ma fille s’est écroulée. Après le coup tiré, nous avons vécu un moment de bousculade avec les policiers. Puis, nous avons transporté ma fille à l’hôpital. Ma fille n’était pas une bombe humaine. Si c’était le cas, croyez-vous qu’elle dormirait à la maison ? Pourquoi  l’ont-ils tuée ?”

Le policier qui a tuée Dilek, Yüksel Moğoltay, a été jugé. Une peine de prison de 20 à 26,5 ans avait été demandé à son encontre pour “mort donnée intentionnellement” et “utilisation de matériel public pour le crime” (son arme de service). Le Tribunal d’Istanbul a condamné le policier une peine de prison de 6 ans 3 mois pour “mort causée par négligence.

Şirin Öter et Yeliz Erbay

Şirin et Yeliz ont été exécutées dans le quartier Gaziosmanpaşa le 23 décembre 2015. Elles ont été tuées, lors d’un raid dans leur maison. Leur exécution, afin d’être “légitimée”, a été “servie” par les médias alliés, comme “tuées lors d’une opération anti-terroriste”. La méthode avec laquelle Şirin et Yeliz on été tuées, est particulièrement préoccupante et se différencie des autres cas. Il s’agit de tirs à bout portant. Les rapports d’autopsie relèvent de nombreuses balles tirées à courte distance sur le corps de Yeliz. Quant à Şirin, 6 balles ont traversé sa poitrine, une balle son ventre et 2 balles son vagin.

Dilan Kortak

Dilan a été exécutée dans le quartier Sancaktepe lors d’une opération aux aurores le matin du 4 décembre 2015. Elle avait 19 ans. Son avocat exprime avoir constaté en personne, que Dilan avait été mitraillée par les policiers, par arme automatique. Dilan a été présentée dans les médias alliés, encore une fois comme “bombe humaine”. Son père İbrahim Kortak “Ce sont des exécutions effectuées par l’Etat. Je suis convaincu qua ma fille a été exécutée. Elle était seule à la maison. Il n’y a eu aucun affrontement. Les témoins l’expriment également.” Le procès de Dilan se poursuit, tant bien que mal, malgré les efforts d’obscurcissement des preuves.

Taybet Canşin

Taybet a été exécutée en octobre 2015, dans sa maison à Bağlar, localité de Diyarbakır. Les preuves ont été cachées par un incendie volontaire provoqué par les policiers.

Elle est seulement une des victimes d’éxécutions au Bakur. Nombreuses sont les villes du Bakur, comme Cizre, Diyarbakır, Nusaybin… mises en état de siège, qui ont été scènes d’opérations lors desquelles de nombreuses personnes ont été exécutées. Comme entre autres, Seve, Fatma, Pakize… tuées à Silopi

Et Sıla Abalay aujourd’hui…

Les avocats de la famille de sila expriment leur inquiétude sur une éventuelle dissimulation et travestissement des preuves. Et le collectif de femmes “Yeryüzü Kadınları” a protesté et dénoncé l’exécution de Sıla en accrochant une banderole à Kadıköy, sur le passage de Marmaray (Tunnel traversant le Bosphore).


Mon accouchement, ce viol

Violences obstétricales. Les mots sont lâchés. J’ai compris. J’ai compris que je n’étais pas la seule. J’ai su qu’un mot existait pour définir ce que j’avais vécu. N’en déplaise à bien des gens, non, il ne définit pas des poules mouillées qui se plaignent de tout et de rien parce qu’elles n’ont pas reçu le traitement qu’elles espéraient en se rendant à la maternité.

(On peut aussi lire cet article sur ce site)

Bon nombre de pays tentent (enfin) d’en définir les termes. Pour faire court et concis, voici la définition qu’en donne Marie-Hélène Lahaye, dans son article du 9 mars 2016 :

« tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le personnel de santé, qui n’est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente. »

C’est vrai. Mais ça n’est pas que ça. C’est avant tout un viol. Non, je n’exagère pas. Je ne suis pas seule et j’invite toutes celles qui ont vécu la même chose à me contacter, à en parler et à dénoncer.

Pour ma part, et je me permets de parler de moi parce que c’est ce que j’ai vécu, ce viol obstétrical s’est déroulé en plusieurs étapes.

Je suis arrivée à la maternité vers 22h gonflée, la peau qui me démange. On me dit qu’on me garde, me demande de remplir quelques formulaires et on m’annonce que j’ai une cholestase. Personne, n’a pris le temps de me dire ce que c’était. Pour seule réponse, j’ai eu le droit à un « oh, on ne sait pas pourquoi, mais c’est par période que ça arrive. Il y a déjà 3 femmes à votre étage qui en ont une. » … Sans Internet à portée de mains, on s’en contentera. J’apprendrai par la suite que le diagnostic était faux et qu’il s’agissait d’un problème de vésicule biliaire. Tout ceci aurait donc pu être évité.

Jour 1 : je me réveille à 7h, et une sage-femme vient m’annoncer que « c’est aujourd’hui le grand jour ».

Mission déclenchement : « vous allez avoir des contractions grâce à un tampon » Très bien, alors allons-y ! Je serre les dents et hop, c’est fait ! Pas de repas aujourd’hui parce qu’ « on ne mange pas si on accouche, Madame »

Je pourrai me passer d’un repas, ce n’est pas bien grave…

4 heures plus tard, alors que les contractions sont belles et bien présentes, le tampon me démange. Il brûle et j’ai du mal à marcher. J’avertis les sages-femmes qui me répondent que « c’est normal ». Très vite, les gynécologues -qui ne se présentent pas- affluent et les monitorings dépassent l’entendement.

Ouverte à 1, mes contractions ne peuvent même plus être mesurées. Pas de panique, on m’a dit que c’était pour « aujourd’hui, M’dame ». Le soir, j’ai faim. Je suis toujours dans ma chambre, je veux bouger mais j’ai de plus en plus mal. Les monitorings sans bouger me fatiguent et me donnent des courbatures. J’ai faim. Et soif.

22h. « Bon ben on va voir où en est le travail ». Une sage-femme vient. Je lui explique calmement que j’ai l’impression que tous mes organes sont en train de descendre et j’exige qu’on me retire le tampon. Elle hurle, a décrété qu’on ne retirerait pas le tampon, ou seulement pour en remettre un autre.

J’appelle ma mère qui accourt et me soutient. La sage-femme me répète qu’elle commence à en avoir marre et retire enfin le tampon. L’effet est immédiat. Je vais mieux, je m’apaise. Elle reste là, 30 minutes à insister pour remettre un tampon. Je serre les jambes, totalement brûlée à l’intérieur et lui dis que non je ne veux pas. Je l’entends dire à ses collègues « elle commence à me faire chier celle-là ». J’ai gagné, mais pour une nuit seulement.

Jour 2 : « bon allez, cette fois-ci, c’est la bonne !! »

J’ai passé une nuit horrible, des monitorings toutes les 45 minutes et je commence à fatiguer. La sage-femme de la veille revient et me dit « alors, vous êtes calmée ? ».

Je lui dis que ça va un peu mieux. Ni une, ni deux, elle ressort un nouveau tampon et vérifie la dilatation du col. Toujours à un.

Elle me fait mal et en guise de lubrifiant, elle utilise du savon Anios. Ça me brûle de plus en plus. Je panique et elle me maintient les jambes écartées. Je ne veux pas que ce soit elle. Je suis, dans mon lit, assise. Elle n’a pas pris le temps de m’allonger pour m’examiner. Je me sens à vif, à l’intérieur.

Je lui explique et elle me rappelle qu’on ne va pas y passer des heures. J’essaie de me détendre, je lui demande un instant, lui demande si je peux lui tenir les mains. Je pleure, je suis paniquée, plus je dis non, plus elle insiste. Elle force pour m’ouvrir les jambes et me fait de plus en plus mal. Stop ! Je n’en peux plus.

Toute la nuit, toutes les 45 minutes, on vient me vérifier le col. Je suis déjà à plus de 15 touchers vaginaux dans une partie censée m’appartenir, et que je sens enflammer. Elle démissionne et me dit d’un ton menaçant que  puisque c’est comme ça, ce sera le gynécologue qui le fera. Je lui demande qui est de garde et, pour seule réponse, elle me balance que … « bah vous verrez bien ! ».

J’angoisse, ma maman revient.. Je suis appelée dans un bureau et cette fois-ci, je pleure. Il y a 3 sages-femmes et un gynécologue. Il m’explique ce qu’il va me faire et qu’il n’insistera pas. Lorsque je me sens prête, je lui dis. Il me tient la main et m’allonge. Ça y est, le deuxième tampon est en route.

24 heures de contractions. 24 heures sans manger ni boire. Le soir, je sors en douce pour me ruiner en monnaie au distributeur, pour avaler tout ce qui contient du sucre et respirer l’air frais de ce mois de décembre. Les contractions s’emballent et je n’ai plus que 30 secondes de répit entre chacune. J’imagine mon bébé descendre et ça m’aide. Je lui parle et ça m’adoucit.

Chaque heure du jour et de la nuit, on viendra vérifier mon col. J’en suis à près de 30 touchers. Ça me brûle de plus en plus. Je le dis, mais personne ne réagit. Toujours ce même savon « Anios » en guise de lubrifiant. J’ai mal mais je serre les dents.

Jour 3 : « Allez, ça y est, ce soir, vous aurez votre bébé dans les bras ».

Je commence  seulement à douter ! Voyez ma naïveté ! Je me lave mais n’ose pas toucher à la zone du tampon. Je ne peux plus aller aux toilettes, persuadée que toutes mes entrailles vont tomber.

Une gynécologue arrive pour m’ausculter. D’un air dégoûté, elle me demande depuis combien de temps je ne me suis pas lavée. J’avais pris une douche 1 heure avant son arrivée. C’est l’humiliation. Elle retire le tampon et alerte toutes les sages-femmes.

J’ai fait une réaction allergique, elles auraient dû s’en rendre compte. J’entends que ça commence à chauffer dans le couloir. Elle revient et me demande depuis quand je n’ai pas mangé. Elle hurle encore plus. Aujourd’hui, pas de tampon, rien ! C’est fini ! J’irai en salle d’accouchement et je vais pouvoir manger.

Salle d’accouchement…

Une sage-femme, une des seules en qui j’avais entièrement confiance me présente une étudiante. Elle me demande si la jeune fille peut me percer la poche des eaux. D’accord. Je respire, je prends une grande inspiration lorsque je vois l’engin arriver. Je n’ai plus de contractions du tout. L’étudiante a peur et je le vois. Je lui dis que tout va bien se passer.

Elle pense bien faire. Insère le crochet et là : je me mets à hurler, j’entends que ça se déchire à l’intérieur et je hurle de douleur. Le crochet n’était pas sur la poche des eaux mais sur l’utérus. C’est l’utérus qu’elle a arraché. Je vous passe la boucherie.

Je reste en salle d’accouchement seule, à pleurer, après que la jeune fille se soit confondue en  excuses. Je ne la reverrai plus jamais.

On m’oublie. Personne. J’ai mal, je sanglote mais je préfère ne rien dire plutôt qu’on ne me retrouve et qu’on m’arrache encore un bout de moi. Je ne veux plus qu’on me touche. Je n’en peux plus. J’ai l’impression de détester ma fille. Je sais que ce n’est pas de sa faute, mais je lui en veux. Je serai une mauvaise mère. Elle n’a pas le droit de sortir maintenant, pas quand sa maman est dans cet état-là. Je saigne mais me tais.

Jour 4 : le grand jour

C’est au tour de l’ocytocine. J’étais prévenue : il n’y a pas le choix, il faut que ma fille sorte le plus rapidement possible. Je ne peux plus faire marche arrière et je me dis que mon épuisement ne pourra pas tenir un jour de plus.

Trois  gynécologues de la maternité sont là et me disent que c’est la dernière journée de douleur. Je les crois. Je n’ai plus d’autres choix que de les croire. On me dit de manger, de boire et de marcher. Une sage-femme m’autorise même à aller fumer une cigarette avant de retourner en salle d’accouchement. Je fais le plein de forces, avertis ma mère que c’est le grand jour, c’est sûr. Je suis à 9h10 en salle d’accouchement. Re-ocytocine. Re-contractions. Re-douleurs.

J’ai de la chance, la sage-femme qui sait m’adoucir est là et elle me prévient qu’elle ne partira pas le temps que mon bébé ne sera pas là. Il est midi. Toutes les demi-heures, on vient vérifier ce col qui ne bouge pas. Toutes les heures on utilise du gel Anios. On met plus d’ocytocine. Les douleurs deviennent de moins en moins supportables. Les minutes sont longues … Très longues. Bientôt, elles seront trop longues.

On m’avertit que la sage-femme qui me suit depuis le début de ma grossesse est là. Je suis heureuse, je sais qu’elle est douce et bienveillante. Elle arrive, me dit qu’elle ne comprend pas ce qui se passe, que je ne dois pas m’inquiéter mais que ce n’est pas normal et qu’elle va appeler mon gynécologue pour qu’il fasse quelque chose.

Elle connaît ma situation, elle sait que je suis seule, qu’il n’y a pas de papa, que je vis cet accouchement seule. Mais elle m’explique qu’il faut que j’accepte d’accoucher, que je dois visualiser ma fille qui descend, qui veut sortir hors de moi, que mon corps est fort et qu’il peut y arriver. Je réponds que j’ai peur. Tout simplement peur.

16 heures. On vient m’annoncer qu’il va falloir percer la poche des eaux. Je me crispe. J’ai encore ce bruit qui résonne en moi, celui du moment où j’ai entendu un craquement. Celui de la chair qui se déchire. Le visage de la jeune étudiante qui comprend qu’elle a fait une erreur.

Je sais que je vais devoir y passer et je suis tellement fatiguée que j’en deviens docile. Je ne supporte plus la douleur et demande une péridurale avant de percer la poche des eaux.

L’anesthésiste arrive. La sage-femme m’explique que je vais devoir faire le dos rond. Elle me met en position et soudain, c’est la prise de conscience. Cet instant, si rare et si précieux, où l’on prend conscience des choses. Je fonds en larmes et demande un instant pour me reprendre. L’anesthésiste claque la porte en disant que « quand elle sera prête, on me fera signe ».

Je viens de réaliser que ma fille va sortir

Que je suis seule. Que je vais devoir assumer. Et si je n’aimais pas ce bébé ? Et si je n’y arrivais pas ? Et si ? Je flanche. L’anesthésiste revient et me pose la péridurale. Ma mère arrive dans la foulée. On perce la poche des eaux, on rit. On rit parce que je suis détendue. On rit parce que je perds tellement de liquide amniotique que les sages-femmes n’ont pas le temps de vider une bassine que la suivante est déjà pleine. Elles me disent que tout va aller mieux maintenant.

30 minutes. C’est le temps qu’aura été efficace la péridurale. L’anesthésiste est introuvable. Le travail est bien entamé. Je n’ai de contractions que dans le dos. La sage femme et moi cherchons toutes les positions possibles pour alléger la douleur alors que je ne peux pas sortir du lit. Elle me masse.

Et puis soudain, tout s’accélère. Il y a des bips partout. Il est 21 heures. Je ne sais pas ce qui se passe, j’entends, au loin, qu’on demande à ma mère de me tenir le masque à gaz. J’étouffe encore plus.

Je vois le gynécologue arriver, prendre une dernière fois les mesures d’un col qui n’a pas bougé. Je l’entends dire que ça suffit, qu’on m’a trop fait souffrir, on passe à la césarienne.
J’ai peur. On m’emmène au bloc et je ne pense plus à ma fille. La seule image qui me hante est celle de mon corps ouvert, les entrailles à l’air.

Il fait froid. Deux anesthésistes sont là, je comprends que ça devient grave. On me bétadine le ventre, je vois le gynéco s’installer. Je bouge. On me demande comment je fais pour bouger. Je hurle : le gynécologue est là, prêt, son scalpel à la main et je sens tout. On me dit que ce n’est pas possible. Dans un dernier élan, je tente de me relever, explique que je sens la différence entre la bétadine chaude et froide, je sens tout.

Je repose ma tête. Les derniers mots que j’entendrai sont ceux de l’anesthésiste à son collègue : « allez ! Elle va pas nous faire chier celle-là…  »

Noir. J’ai rêvé, je crois.

Je suis seule. Je ne sais pas ce qui s’est passé. C’est flou. Je lève le drap, je n’ai plus de ventre. Je ne suis pas encore capable de me souvenir de ce qui s’est passé.

Je tente de me soulever, de chercher mon ventre. Je suis à motié assise, je n’ai aucune douleur, simplement la sensation d’avoir été charcutée, ouverte. Il y a du sang partout, les draps en sont plein. Un homme arrive et me dit que tout va bien.

Mais tout va bien de quoi ? Où est mon bébé ?

On ne m’apportera ma fille que 20 minutes plus tard. Je n’ai pas eu le droit au peau à peau. On m’a volé mon accouchement. Je réalise que je suis la maman de ce petit être. Je compte ses doigts … Ça va, tout va bien. Les jours suivants, je reprends du poil de la bête. Je m’affirme et deviens une mère louve. Les humiliations se feront à répétition, comme je le raconte ici

On me dit que ma fille à l’air d’avoir la jaunisse … Je réponds que non : elle a la même couleur que son papa, qui est péruvien. L’aide soignante me demandera si je suis bien sûre de qui est le père.

Je me rétablis plus vite que prévu. On me fera remarquer que je n’ai pas de baby-blues et que ce n’est pas normal. On m’enverra une psy alors que mes parents sont présents pour me faire remarquer que je suis la mère et que je suis trop entourée, que je dois prendre ma place.

Je suis trop entourée. Ce sera la remarque de trop. C’est celle qui fera que je partirai de la maternité sans dire au revoir. C’est celle qui me fera comprendre que rien n’avait été normal dans cet accouchement.

J’ai subi un viol obstétrical. J’en fais encore des cauchemars. Je rêve, régulièrement que je n’ai jamais été enceinte. Que j’abandonne ma fille. J’ai été profondément atteinte dans ma dignité. J’ai passé deux ans sans oser effleurer la cicatrice de ma césarienne. Encore aujourd’hui, elle me fait mal. Je l’évite, mais ça va mieux.

 

Je n’ai jamais donné mon consentement. J’ai été infantilisée, déshumanisée. On m’a rappelé à longueur de journée que je ne savais pas ce qu’il y avait de mieux pour mon corps. Pourtant, la cholestase n’a jamais été reconnue. C’était simplement un problème de vésicule biliaire. La séparation mère-enfant ne devrait jamais avoir lieu. Toute personne ayant vécu la même chose ne sera plus jamais la même.

J’ai eu de la chance, beaucoup de chance. Celle d’avoir été correctement entourée et aimée par ma famille. Celle de puiser ma force en ma fille. Les conséquences de cet accouchement sont à voir sur le long terme. Toute séparation avec ma puce sera vécu comme un abandon. Pour bien des femmes, il faut des années de thérapie pour s’en sortir. Elles n’évoquent pas le sujet, mais je suis certaine que les cauchemars sont récurrents. L’angoisse.

Personne, depuis lors, n’a touché mon corps. Je refuse. Je ne peux pas. Je n’en veux pas au personnel.

C’est un tout.

J’en veux au manque de respect envers les femmes, j’en veux aux accouchements qui se doivent d’être rapides, express. J’en veux au manque de bienveillance, j’en veux aux réductions de personnel, j’en veux à la déshumanisation, à l’abandon, à l’infantilisation. Je condamne le manque de compétences médicales et humaines. Je rappelle que je suis une femme et que je suis maître de mon corps et qu’un praticien ne peut pas savoir mieux que moi ce que je ressens. Que lorsqu’une femme dit non, c’est non !

Subir des violences obstétricales, ce n’est pas un gros mot pour parler de femmes plus fragiles que d’autres.

Je sais. Je sais que vous vous demandez pourquoi je n’ai pas porté plainte. Pourquoi je n’ai rien dit. Tout ce que j’aurais comme réponse à vous apporter, c’est que je ne voulais plus en entendre parler. De rien. Des médecins, d’accouchement. Et aussi, parce que j’ai culpabilisé. Culpabilisé parce que je ne connaissais pas les violences obstétricales. Culpabilisé parce que je pensais que c’était normal. Mais ça ne l’est pas. Ça existe, il faut en prendre conscience, en parler et dénoncer !

Plein de paillettes à vous,

Miss Marple

En savoir plus sur https://paroledemamans.com/accouchement/maternites/mon-accouchement-ce-viol#YKPfuQih3qCgJlKe.99

Les pieds dans les étriers

La vulve bien ouverte

Par Mado

« Je lui racontai les étriers, je lui dis que je me servais de moi parce que je m’avais sous la main, mais que je voulais nous écrire, nous-femmes, nous-filles, “Et puis tu as de l’expérience en la matière”, ça, on rigole tous les deux, et je lui dis mes amies proches, je ne lui raconte rien de qui, je lui dis, je fais la liste et ça m’enrage, je lui dis, ce texte il est là pour nous, pour moi-nous, parce que je ne supporte plus de nous voir serrer les dents… »

Ce texte est le premier d’une série de six articles issus du no 3 de Jef Klak, « Selle de ch’val », et publiés à l’occasion de la sortie prochaine du no 4, « Ch’val de course », sur les jeux et le risque.

On peut lire (en ligne ou en PDF0 cet article par ici.

JUSTICE, VOUS AVEZ DIT JUSTICE ? À propos du verdict scandaleux de la cour d’assise de Nanterre du 17 mars 2017

 Dre Muriel Salmona, 20 mars 2017
À propos du verdict scandaleux de la cour d’assise de Nanterre du 17 mars 2017 qui a acquitté 7 jeunes accusés d’un viol en réunion d’une adolescente de 14 ans
Pétition à signer ICI pour que le parquet fasse appel

http://www.mesopinions.com/petition/justice/acquittement-scandaleux-7-jeunes-accuses-viol/29114

 Le verdict scandaleux de la cour d’assise des mineurs des Hauts de Seine rendu le 17 mars 2017, jette une lumière crue sur la réalité catastrophique du traitement judiciaire des viols, et sur le déni et la culture du viol qui sont trop souvent à l’oeuvre au sein de la justice. 
Les sept garçons (mineurs pour 6 d’entre eux) accusés de viol en réunion en 2011 sur une adolescente de 14 ans ont été acquittés. Pourtant deux autres garçons impliqués eux aussi, mais âgés de moins de 16 ans, ont été déclarés coupables de viol en réunion et condamnés à 3 ans de réclusion criminelle avec sursis par le tribunal des enfants.
Le Parisien relate ainsi les faits : «La nuit de cauchemar de l’adolescente remonte à septembre 2011. Cette jeune fille déjà grandement éprouvée par les viols incestueux qu’elle a subis de son père – celui-ci a d’ailleurs été condamné à huit ans de prison pour viol sur mineur par ascendant – ouvre la porte à un jeune homme lui demandant si son père est là. Le père était gardien d’immeuble dans cette grande cité d’Antony. L’homme est alors au travail, le jeune homme qui vient de sonner s’en va. Une demi-heure plus tard, nouveau coup de sonnette. Elle croit que le visiteur revient. Mais c’est un groupe de jeunes qui s’engouffre dans l’appartement. Certains se cachent en partie le visage, ils évitent de s’appeler par leurs noms… En quelques instants, l’adolescente est assaillie dans la salle de bains et dans la chambre de ses parents, où elle ne trouve pas d’autre issue que celle de se soumettre à ses agresseurs. Qui ne l’épargnent pas. Le calvaire a duré environ trois heures.» On apprend qu’un des neuf garçons faisait le guet pendant ce temps là. 
Ce qui est décrit ressemble à s’y méprendre à un viol en réunion prémédité, un crime extrêmement  traumatisant qui entraîne chez la victime une sidération qui la paralyse, un stress extrême et une dissociation traumatique de sauvegarde avec une anesthésie émotionnelle qui la met sous emprise et  dans l’incapacité de se défendre et de réagir.
Pourtant, la cour d’assise des mineurs des Hauts de Seine a considéré qu’ils n’avaient pas usé de violence, menace, contrainte ou surprise pour la pénétrer à tour de rôle, et qu’ils n’avaient pas eu conscience d’un défaut de consentement de la plaignante, et qu’il n’y avait donc pas eu viol (1).
De fait la cour considère qu’une fille de 14 ans peut être consentante à être pénétrée à tour de rôle par huit garçons de 15 à 20 ans qu’elle ne connaissait pas à l’exception d’un seul, et que ceux-ci n’ont eu ni l’intention ni la conscience de la violer !
Donc circulez il n’y a rien à voir ! Ils ont juste profité d’une occasion qu’ils ont eux-même provoquée, d’une «fille facile», sans se poser de question sur l’horreur de ce qu’ils faisaient, sans se poser de question sur les raisons pour lesquelles une adolescente semblait «accepter» et «supporter» des pénétrations sexuelles par 8 garçons, sans qu’aucun d’entre eux ne se dise à un moment : «ce n’est pas possible on ne peut pas faire ça à une fille quand bien même elle parait ne pas s’y opposer, ce n’est pas possible on a pas le droit de faire ça à un être humain, pas le droit de l’utiliser, de le dégrader ainsi». Il faut partager à neuf un mépris inconcevable pour l’adolescente à qui ils font cela, il faut être excité par la transgression, l’humiliation et le rapport de domination, il leur était impossible de ne pas en être conscient. Ce n’est pas parce qu’une personne ne s’oppose pas, voir même accepte de subir des actes violents, dégradants et portant atteinte à sa dignité que cela autorise autrui à les commettre. Ce n’est pas parce qu’une personne accepte d’être tuée ou mutilée que celui qui la tue ou la mutile n’est pas considéré comme un criminel.
De fait, la cour entérine un scénario pédo-pornographique entre une fille de 14 ans et neuf garçons de 15 à 20 ans, et elle le considère comme normal…
Or, ce qui s’est passé n’est rien d’autre qu’une torture sexuelle, un acte inhumain aux conséquences psychotraumatiques gravissimes. Comment est-il possible qu’il n’ait pas été reconnu comme un crime sexuel aggravé par la cour d’assise ? Comme je l’écrivais dans un billet récemment à propos de plusieurs traitements judiciaires particulièrement inhumains : «Ils n’ont pas peur !…»
L’adolescente était déjà en détresse, gravement traumatisée par des viols incestueux commis par son père quand elle avait 12 ans, ce qui explique d’autant plus qu’elle ait pu sembler tolérer l’intolérable. Les neuf jeunes ont donc pu profiter d’un état traumatique et d’une grande vulnérabilité.  Elle présentait, comme tout enfant victime de viol incestueux exposé à son agresseur, une dissociation traumatique de survie l’anesthésiant émotionnellement et physiquement et la mettant dans l’incapacité de se défendre, et une mémoire traumatique lui faisant revivre sans cesse les viols et les mises en scène que son père lui imposait. Comme tout enfant victime de viol, elle ne pouvait se voir que comme bonne qu’à ça, n’ayant aucune valeur, aucun droit… avec comme le rapporte l’article du Parisien un «sentiment de salissure et de dégoût d’elle-même», qui l’ont rendue «vulnérable et fragile», selon l’expert psychologue. Ses agresseurs ont donc rajouté du traumatisme au traumatisme, de l’horreur à l’horreur.
Ce verdict incompréhensible est pour elle d’une très grande violence, il lui signifie qu’effectivement, elle n’est bonne qu’à  être pénétrée, humiliée, dégradée, salie, et que les neuf garçons avaient le droit de lui faire ça, que ce n’est pas un crime. Que peut-elle penser ? Qu’elle n’a aucune valeur, aucun droit, qu’on ne lui reconnait aucune dignité, qu’ils peuvent recommencer, qu’elle ne sera pas protégée ? Que la sexualité c’est cela, subir l’horreur ?
Il s’agit d’un verdict inacceptable, qui démontre une complicité avec les agresseurs, qui leur assure une totale impunité, et qui entérine un monde de domination masculine, un monde sexiste où les femmes et les filles sont considérées comme des objets sexuels. Un monde où la sexualité masculine se décline en termes de privilèges, de jeux cruels et de prédation, et celle des femmes en termes d’instrumentalisation, de soumission et d’assimilation à des proies. 
Un monde où sexualité et violences sont souvent confondues, où des mises en scène sexuelles de rapport de force, de haine, d’humiliation et d’atteintes à la dignité humaine et à l’intégrité physique et psychologique des femmes sont tolérées et même considérées comme excitantes. Un monde où les femmes sont supposées aimer être prises de force, être injuriées, malmenées, dégradées. 
Un monde enfin, où la sexualité est présentée comme une zone de non-droit où la transgression fait partie des règles, où exercer les pires violences peut se faire sous couvert de jeux sado-masochistes, où les femmes et les filles peuvent être considérées comme des objets à consommer à la chaîne. 
Dans ce monde de prédation, la menace de subir des violences sexuelles est omniprésente pour les femmes et les filles dès leur plus jeune âge, et c’est intolérable. Une fille sur cinq, un garçon sur 13 ont subi des violences sexuelles, une femme sur 6 a subi des viols et des tentatives de viols au cours de sa vie, et chaque année 83000 femmes, 14000 hommes, 120000 filles et 30000 garçons subissent des vols et des tentatives de viols (3). Les filles sont les principales victimes de violences sexuelles, rappelons que notre enquête de 2015 Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte a montré que 81% des violences sexuelles démarrent avant 18 ans, 51% avant 11 ans, et 21% avant 6 ans (2).
Et dans ce monde particulièrement injuste et cruel, règnent le déni et la culture du viol, c’est à dire la culture des dominants : les violences sexuelles sont niées ou banalisées et minimisées, leurs conséquences ne sont pas reconnues mais intégrées comme des traits de caractères dits féminins ou comme des pathologies névrotiques ou psychotiques, les victimes de violences sexuelles sont considérés comme a priori consentantes à leur destruction, coupables ou responsables de ce qui leur arrive, soupçonnées d’avoir aimé être dégradées. Tandis que les violeurs bénéficient presque toujours d’une grande tolérance, voire d’une complicité, et d’une quasi totale impunité (sur les 10% de plaintes pour viols 60 à 70% sont classées sans suites, 10 % seulement aboutiront à une condamnation, soit 1% de l’ensemble des viols) (3). 
Les agresseurs sont tranquilles, leurs stratégies et leur intentionnalité de détruire, de dégrader, d’humilier, de soumettre, d’instrumentaliser et d’en jouir ne sont presque jamais reconnues comme telles, la victime qui les a vécues n’est pas entendue, ni crue, et l’intensité de son traumatisme qui en fait foi n’est presque jamais pris en compte. La grande majorité des victimes sont abandonnées, elles sont 83% à témoigner n’avoir jamais été ni reconnues, ni protégées (2). Personne, ou presque n’a peur pour elles et pour de futures victimes. Ce monde où nous vivons manque cruellement de solidarité pour les victimes, c’est elles qui sont considérées comme coupables, et les agresseurs qui bénéficient de soutien et de protection. Le monde à l’envers.
Les agresseurs sexuels peuvent donc se considérer dans leur droit : ils ont bien le droit de se défouler, de s’amuser, de jouir sans entrave de leurs violences (4). Les femmes et les filles sont faites pour ça, peu leur importe ce qu’elles veulent, ce qu’elles ressentent, leur douleur, leur souffrance, leur détresse, leurs traumatismes qui auront de graves conséquences à long termes sur leur vie et leur santé mentale et physique, peu leur importe le risque élevé de suicides. Ils ne s’en sentent pas responsables. Les femmes, les filles, à leurs yeux n’ont pas les mêmes droits, ce sont des esclaves domestiques et sexuelles.
Dans un monde à l’endroit, un monde juste, égalitaire, solidaire et protecteur, un monde respectueux des droits de chaque personne à ne subir aucune atteinte à sa dignité et à son intégrité :
  • avant tout cette adolescence aurait été protégée de son père incestueur, et aurait bénéficié de soins, et à 14 ans elle n’aurait pas été dans cet état de dissociation traumatique de survie qui l’a rendue très vulnérable, sa mémoire traumatique aurait été traitée, et elle aurait eu la capacité de s’opposer et aurait été consciente de sa valeur et de ses droits ;
  • cette adolescente de 14 ans aurait été reconnue victime de viol en réunion, et les agresseurs reconnus coupables et condamnés. Elle aurait eu droit à des réparations pour les préjudices subis, et elle aurait été protégée des agresseurs et prise en charge. Les agresseurs auraient été suivis, soignés et surveillés pour qu’ils n’agressent pas à nouveau ;
  • elle n’aurait pas pu être présumée consentante à des actes sexuels commis en réunion par neuf jeunes, une contrainte morale aurait été reconnue, ainsi qu’une vulnérabilité liée à de graves troubles psychotraumatiques dont un état dissociatif avec anesthésie émotionnelle entraînant une incapacité à exprimer sa volonté et un consentement libre et éclairé ;
  • dans un monde à l’endroit, le consentement à des actes de pénétration ne devrait en aucun cas être pris en compte par la loi en dessous de 15 ans. Le viol devrait être qualifié sans avoir à prouver «la violence, la contrainte, la menace,  ou la surprise. Non seulement un enfant ne saurait avoir la capacité, ni la maturité émotionnelle et affective à consentir à un acte sexuel, et surtout il doit être absolument protégé d’actes qui du fait de son jeune âge portent atteintes à son intégrité physique et psychique, et à son développement affectif ;
  • de même, le consentement à des actes dégradants, humiliants, portant atteinte à la dignité humaine ne devrait en aucun cas être considéré comme valide quel que soit l’âge de la victime, et ne saurait dédouaner ceux qui les commettent.
Dans un monde à l’endroit, un tel verdict est inconcevable ! Nous espérons que le parquet fasse appel de cette décision inique.
Pas de Justice, pas de Paix !
Mobilisons-nous pour que ces injustices cessent ! 
Exigeons que justice soit enfin rendue aux victimes de viol  !Exigeons que les agresseurs ne bénéficient plus d’une  tolérance coupable et d’une impunité scandaleuse !
Exigeons des procédures judiciaires justes, respectueuses des droits et protectrices pour les victimes !
Soyons solidaires des victimes de violences sexuelles, et luttons pour que soient respectés les droits de chaque victime à être protégée, reconnue, soignée, et à accéder à une justice digne de ce nom !
Dre Muriel Salmona
psychiatre
présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie