Aurélie Leroy : « Croire en une conscience féministe unique est dépassé »

Un article à lire sur le site de la revue Ballast

Une frange du mouvement féministe occidental continue de penser que ses mots d’ordre et ses méthodes d’action valent, sans distinctions ni nuances, pour l’ensemble des continents — au point que la notion même de « féminisme » soit parfois perçue, dans « le Sud », comme une énième tentative d’intrusion du « Nord ». A paru à la fin de l’année 2015 l’ouvrage collectif État des résistances dans le Sud — Mouvements de femmes, coédité par le Centre Tricontinental et Syllepses. L’historienne Aurélie Leroy en est la coordinatrice. « Les féminismes s’inventent, se pratiquent, mais ne se ressemblent pas », avance cet ouvrage qui conduit ses lecteurs du Sénégal au Sri Lanka, en passant par le Chili, l’Irak, le Mexique et la Chine. De quelle manière ces pensées et ces pratiques, peu connues dans nos pays, permettent-elles de secouer les angles morts, de sortir des pistes dominantes et d’œuvrer, au final, à l’émancipation de toutes les femmes?

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L’impuissance comme idéal de beauté des femmes – figures de la laideur féminine – Sexisme et Sciences humaines – Féminisme

Partie 1 : Introduction Partie 2 : Un beau corps féminin est un corps qui n’occupe pas trop d’espace Partie 3 : Un beau corps féminin se déplace avec difficulté Partie 4 : Un beau corps féminin est…

Source: L’impuissance comme idéal de beauté des femmes – figures de la laideur féminine – Sexisme et Sciences humaines – Féminisme

Cologne et la question des violences sexuelles dans le débat politique allemand : renforcement du sexisme et du racisme, invisibilisation des femmes réfugiées

L’Allemagne, un pays soudainement « féministe » ? Dans ce texte, Emeline Fourment met en perspective le
traitement public des agressions sexuelles de Cologne en revenant sur la reconnaissance juridique précaire
des violences sexuelles dans ce pays, avant de mettre en lumière les points aveugles des discours dominants
sur le sujet, conditions nécessaires à l’expression d’un discours féministe digne de ce nom.

Une excellente analyse à lire sur le site de la revue en ligne Contretemps.

Une femme géante dans Istanbul

8-mars-istanbulImaginez une boule de neige qui dévale une colline, et qui devient une avalanche. Là, c’était une boule de feu, une boule d’énergie qui devenait une « vague humaine » comme vous dites en France. Une vraie celle-ci ! Des femmes de tous âges, toutes de belles personnes y mettant leurs tripes. Un cri qu’aucune oppression, aucune menace, ne peut museler. Un défi d’une force inouïe, une force indomptable par aucun pouvoir liberticide. Allez-voir la suite par ici, ça vaut le détour!

Une manifestante féministe arrêtée pour le port d’un T-shirt BDS

Manifestation du 6 mars 2016 – Paris : Puissance féministe et répression politique

manif 6 mars

manif-6-marsPlusieurs milliers de manifestantEs ont défilé ce dimanche 6 mars, de Belleville à l’Hôtel de Ville, affirmant ce que les femmes et minorités de genre sont : des putains de féministes !

Autodéfense collective contre les violences de l’État et des hommes*, solidarité féministe entre touTEs, égalité des droits… Les slogans contre le sexisme, la transphobie, la lesbophobie, le racisme, l’islamophobie, la guerre et l’État d’urgence, ont résonné tout le long du parcours.

Une collecte y a également été faite afin de financer le festival (récoltant plus de 600€) mais, aussi, les frais de justice du Collectif 8 Mars pour TouTEs, attaqué pour diffamation par la Maire du XXeme Frédérique Calandra, pour avoir osé soutenir Rokhaya Diallo.

Au cours de cette manifestation la police s’est attaquée à cette force collective qui se déployait dans les rues parisiennes. A l’angle de la rue Réaumur et de la rue Saint Martin, des policiers en civil et en uniforme ont arrêté une manifestante dans son cortège. Pourquoi ? Parce qu’elle arborait un T-shirt de la campagne Boycott Désinvestissement Sanction contre l’apartheid israélien : « Boycott Israel Apartheid ».

La manifestation a stoppé sa progression pendant une heure, rassembléEs en masse devant le commissariat pour exiger sa libération : cette stratégie a payé, la manifestation a obtenu sa libération.

La manifestante est maintenant convoquée au commissariat du 3eme, lundi 14 mars à 14h pour répondre d’ « incitation à la haine en raison de l’origine par écrit« .

Le soutien des manifestantEs a été sans faille dans la rue et ne s’arrêtera pas là.

La campagne BDS France a déjà été contactée et la mobilisation de solidarité s’organise pour assurer le soutien politique et militant nécessaire à la manifestante.

Le Collectif 8 mars Pour TouTEs tient également à alerter l’ensemble du mouvement social et militant : cette arrestation en pleine manifestation est des plus inquiétantes quant à la politique de criminalisation des luttes politiques. A travers cette arrestation, la police montre encore une fois qu’elle se sent en toute confiance sous l’autorité de ce gouvernement. L’État policier, la répression politique et raciste ne cessera que par un rapport de force offensif et intraitable : notre solidarité doit être sans faille, nous y appelons aujourd’hui plus que jamais.

Playlist de la #ManifBelleville

Le Collectif 8 mars Pour TouTEs, lundi 7 mars 2016, Paris

* Nous nous référons ici aux hommes cisgenres, c’est à dire assignés garçons à la naissance et qui se définissent toujours ainsi (comme « homme »)

Tout ça pour ça

Tout ça pour ça.
Publié le 6 février 2016

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Il n’est pas mon habitude de mettre des selfies ici. Encore moins d’une autre partie du corps que le visage. C’est un peu intime, quoi. Et je parle très peu de moi sur ce blog, d’habitude. Mais ce matin, j’ai pensé que je pouvais faire exception à ma réserve habituelle. Car ce matin je me suis regardée dans la glace et j’ai vu ça.

Oui, regardez bien. A droite. Cette chose inconnue. Regardez mieux. On voit trois poils et demi qui se battent en duel. Vous les voyez? Ah mais je vous entends d’ici demander « d’habitude, elle parle de sujets de société, de militantisme, de lutte, de changer le monde, et tout ça, enfin de trucs importants quoi, et voilà qu’elle vient nous rebattre les oreilles avec ses 3 poils d’aisselle, ça y est on a perdu l’elfe ».

La suite est à lire ici.

Dessine-moi un éléphant

Reblogué depuis le site Un mug

Dessine-moi un éléphant

« Faut dire, elle est chiante aussi »

« Écoute, on a essayé hein, si elle y retourne, c’est qu’elle le veut bien »

« Elle le cherche, c’est pas possible »

« Je vais dire un truc horrible, mais elle le mérite franchement »

« Moi, je comprendrai jamais »

Je comprendrai jamais.

Évidemment qu’on ne comprend pas. Comment comprendre alors qu’on regarde l’éléphant dans le salon.

Les anglophones ont une expression délicieuse : « the elephant in the living room », l’éléphant dans le salon. Elle désigne cet étrange phénomène de truc énorme en train de se passer dans notre vie, mais sans que jamais ce ne soit dit, sans même qu’on s’en aperçoive. On tourne autour de l’éléphant dans le salon, on fait comme s’il n’était pas là.

Les invités, eux, en repartant, ou ceux qui passent devant la fenêtre, se font la réflexion entre eux : « Mais bordel ! Comment c’est possible de ne pas voir ce putain d’éléphant ?! »

L’incompréhension qui entoure les violences conjugales tient avant tout à ce qu’on les croit uniquement physiques. C’est faux, elles sont en premier lieu verbales, psychologiques. Ce sont les violences psychologiques qui entraînent l’aliénation, l’emprise et laissent le champ libre aux violences physiques, sexuelles, faute de quoi elles seraient immédiatement dénoncées – « dénoncées » dans le sens : vues comme inacceptables, refusées.

L’aliénation, la dépossession de soi. Évidemment que si vous êtes, je ne sais pas, dans la salle d’attente de votre dentiste, et qu’un parfait inconnu vous crache soudain dessus, vous allez vous lever et lui dire « Non mais qu’est-ce qui te prend, connard ?! » (version plus ou moins modulable dans le langage et dans les gestes selon le tempérament de la personne agressée) Évidemment. C’est si facile.

L’incompréhension générée par les violences conjugales se base sur deux fausses idées :

– les agresseurs (valable au sens large, quelle que soit l’agression) sont des monstres, inhumains et qui surgissent dans la vie d’une victime au détour d’une ruelle sombre, sans qu’elle ne l’ait jamais vu auparavant.

– un éléphant, ça fait 3 mètres de haut et pèse 7 tonnes dès sa naissance.

La première de ces fausses croyances s’appuie sur des mythes, ancrés socialement. Pour faire court : personne n’aime être responsable.

Pour développer : d’une part, il est plus rassurant que croire que les responsables de violences conjugales sont des êtres un peu anormaux, des personnes dénuées de tout sentiment, des bêtes, des sauvages, des pas-comme-nous. C’est rassurant sur notre propre nature d’être humain – nous, êtres humains, nous ne sommes pas capables de faire de telles choses, ça non. C’est rassurant sur notre nature d’homme – moi, homme, je ne suis pas capable de faire de telles choses, ça non. Ils ont eu des problèmes dans leur vie, leur enfance, cela a dû briser leurs repères ; c’est rassurant pour notre propre nature d’être humain avec des repères – moi, je ne suis pas capable de faire de telles choses, ça non ; c’est rassurant pour notre propre nature de parents – mes enfants, que j’élève avec brio, ne pourront pas faire de telles choses, ça non.

Ce mythe des gens bons d’un côté et des méchants de l’autre, abreuvé en permanence et depuis l’enfance par les dessins animés, les livres, les contes, les films, les mots des parents « Attention, ne parle pas aux inconnus, certains sont méchants » « Pourquoi il va en prison, lui ? — Parce qu’il est méchant », ce mythe rassure la société qui continue à tourner avec ses gens bons qui regardent dans les coins s’il n’y aurait pas quelques méchants.

D’autre part, il est beaucoup plus pratique de tourner sur ce manège-là plutôt que d’arrêter tous les poneys d’un coup pour se dire : Hey ? Mais ce sont nos enfants qui deviennent ces maltraitants, comment faire pour que ça ne se reproduise plus ? — Non mais c’est de la faute de leurs parents !! — Si c’est le cas, ces parents, ils ont été enfants aussi, je répète : comment faire pour que ça ne se reproduise plus ? Peut-on réellement prendre le temps de se pencher sur la question, de donner enfin les moyens, financiers, humains, matériels, à l’éducation, l’aide à l’enfance, aux parents, à la justice des mineurs, aux associations qui œuvrent en ce sens, plutôt que de mettre des pansements sur les plaies une fois faites ? — Euh… Pffff, allez viens, on fait repartir les poneys !!

La deuxième fausse croyance tient à ce qu’un éléphant, on le voit vachement mieux dans le salon d’un autre que dans le sien.

Une victime de violences conjugales peut rarement parler de ce qu’elle vit ou de ce qu’elle a vécu. Car elle doit affronter une autre forme de violence alors, celle du jugement. Quels que soient les interlocuteurs, rares sont ceux qui savent écouter.

Doutes, remises en cause du récit, accusations, engueulades, culpabilisations, fuites, mises en perspective déplacées, tout y passe. En tête de liste, l’incompréhension. « Mais je comprends pas… » Qu’est-ce qui n’est pas compris ? Pourquoi elle reste. Pourquoi elle ne part pas. Pourquoi elle n’a pas porté plainte. Pourquoi elle a retiré sa plainte. Pourquoi elle est retournée vivre avec lui. Pourquoi elle est tombée enceinte. Pourquoi, pourquoi, pourquoi.

En seconde place dans le top 50, l’amour. Si la victime de violences conjugales parle d’amour, l’interlocuteur ouvre de grands yeux, lève les sourcils, soupire, secoue la tête, dit « N’importe quoi putain ! », se tape sur les cuisses, fait des salto arrière, mange un oreiller. Parce que lui, il sait ce qu’est l’amour, et l’amour ce n’est pas ça.

Alors, fatalement, c’est qu’elle le veut bien. C’est qu’elle cherche ce qui lui arrive. C’est qu’elle aime ça. Qu’elle est perverse.

Vous avez déjà construit une maquette ? Un vaisseau Lego ? Une maison Playmobil ? Une cabane en rondins ? Un igloo avec des carrés de neige ?

On se souvient toujours de la première pièce. Le premier élément qu’on a placé. Les inaugurations de bâtiments se font en fanfare sur la première pierre. Personne ne vient voir ce qui se passe quand les ouvriers en sont au troisième étage à installer des milieux de fenêtres. Personne ne se souvient des éléments microscopiques de sa maquette d’avion, ceux qui allaient à l’intérieur et qu’on ne voit même plus. On se rappelle le commencement.

Une victime de violences conjugales se souvient toujours de la première fois. La première fois où elle s’est dit « Wow, c’est bizarre. » Une première dispute, bizarre, pour une raison bizarre, dans un lieu bizarre, sur un ton bizarre. Est-ce qu’on quitte quelqu’un qu’on aime parce qu’une dispute est bizarre ? Non, ce n’est pas suffisant. On avance avec, on fait une concession, c’est le principe du couple. Sur le premier élément, tordu, on en pose un deuxième, joli, coloré.

La première fois où elle a été gênée par ses propos, devant ses amis, sa famille, ses collègues. Elle lui en a parlé ensuite, il a reconnu que c’était déplacé, ça arrive à tout le monde, discussion de couple. On monte les éléments les uns sur les autres.

Le temps passe, éléments stables, éléments moins stables, l’ensemble monte. « Y a des hauts et des bas », c’est le principe du couple. Il y a surtout des moments forts. Il la place au-dessus de tout et de tout le monde, il lui dit des choses qu’elle n’a jamais entendues, qu’elle a besoin d’entendre, qu’il a besoin de dire ; elle est son unique amour, il ne vit que pour elle, elle est irremplaçable, il sera toujours là pour elle, s’opposera à quiconque lui voudra du mal, la défend envers et contre tout. Elle l’aime tout autant, elle seule sait qu’il est fragile malgré les apparences. Dans leur bulle, ils ressentent ce qu’ils avaient toujours eu besoin de ressentir. Sur les fragilités antérieures de l’un et de l’autre, le ciment prend, solide. Il coule sur les premières bases et amalgame l’ensemble dans un bloc compact. Impossible désormais de discerner quelle pièce provenait d’elle et laquelle venait de lui ; il n’y a que des éléments uniformes bétonnés. Les prochains seront préalablement trempés dans l’enduit « couple » avant même d’être mis en place.

La première fois qu’il sort vraiment de ses gonds. Qu’il hurle sur elle. Ces horreurs qui sortent de sa bouche, ces mots qui la sèchent sur place, qu’elle ne comprend pas ; la colère, l’indignation en elle, mais la question de savoir s’il l’aime encore alors, malgré tout ce qu’il a dit ; la culpabilité, car il l’a accusée de choses terribles. Le retour au calme, à la sérénité ; l’amour est toujours là, plus fort que tout, le bloc est toujours là, il s’en veut, il est désolé, elle est désolée aussi, oublions tout, le bloc est toujours là, c’est ça l’important, c’est ça l’important. Les nouvelles pièces posées dessus, qu’elle enfonce quand même, un goût amer dans la bouche. Ne pas donner raison à ceux qui lui ont dit qu’il était bizarre, pas fait pour elle.

Il la bouscule une première fois. Il la secoue. Il la gifle. Il était en colère, maintenant les colères elle les connaît, elles font partie du bloc bétonné, mais en voilà une nouvelle, plus forte, plus haute. « Y a des hauts, y a des bas » Elle pleure, elle dit que ça suffit, cette fois c’est trop, quelque chose en elle dit que c’est trop, elle part chez des proches et il pleure aussi, il a tout perdu, l’amour de sa vie, son unique amour, il s’en veut tellement, il ne comprend pas comment c’est arrivé, la faute au boulot, au stress, au manque d’argent, aux enfants, aux voisins, à l’hiver, à la crise, à l’alcool, au shit, au sommeil, aux jeux vidéo, la faute à pas de chance, il jure, il jure, il lui montre le bloc, c’est leur amour depuis tout ce temps, elle n’en a jamais eu d’autre comme ça, il ne sait pas vivre sans elle, il se sent mourir, il sait qu’il ne le refera plus, elle ne l’a jamais entendu aussi sincère, il lui manque ; le bloc lui manque, ailleurs elle ne sait pas quoi faire d’elle-même avec ses petits éléments pleins de béton qui ne s’encastrent nulle part. Elle revient. La construction s’élève, les pièces seront désormais rentrées en force.

Le temps a passé. La peur a tout envahi. Un seul objectif : la sérénité, sa sérénité à lui. Elle n’a plus aucune existence propre. Elle attend toujours que reviennent les hauts du début, les moments forts, ils étaient là, ils vont revenir, il suffit pour cela qu’il aille bien et ça reviendra. Sans qu’elle s’en aperçoive, tout s’est inversé, c’est elle désormais qui le protège lui, qui met tout en oeuvre pour le protéger. Que rien ne le contrarie, pour que la paix règne. Illusoire, elle est toujours brisée, il y a toujours quelque chose qui ne va pas, mais elle lutte pour la maintenir, elle n’a que ça en tête, c’est son seul et unique objectif, chaque jour, du moment où elle ouvre les yeux – avant lui – au moment où elle les ferme – après lui. En veille constante. Tout prévoir, tout anticiper. Penser à chaque phrase, chaque mot qu’elle dira, susceptible de lui déplaire. Pire encore : prévoir chaque mot que les autres pourraient dire, éviter ceux qui pourraient le déprimer, l’énerver, le rendre jaloux, éviter donc les personnes dont elle détecte qu’elles sont des déclencheurs, des dangers en paroles, en actes. Restreindre les interactions amicales, familiales, professionnelles, sociales ; tout restreindre pour avoir le moins de gens et de choses à surveiller, à anticiper. Tout devient pour elle l’objet d’une surveillance ; cercle vicieux sans fin : dans le but d’être tranquille, chaque moment est un sujet d’intranquillité. Un trajet en voiture : un lieu peut lui rappeler un souvenir dérangeant, elle lui parle pendant qu’ils passent devant, occupe son attention ; il zappe sur la télévision : une émission est susceptible de le déprimer, elle serre les dents en espérant que le présentateur ne dira pas des mots qu’il ne faut pas dire. Elle surveille son téléphone constamment ; s’il n’est pas là, elle tient le téléphone tout à côté d’elle et répond dès qu’il appelle pour qu’il n’ait pas à se poser de question, car il peut appeler dix fois, vingt fois de suite sinon. S’ils sont ensemble, elle ne sait plus quoi faire de son téléphone, est effrayée à l’idée qu’il sonne, elle ne donne plus son numéro à personne pour éviter qu’il trouve que qui que ce soit appelle trop. Elle gère toutes les sources de stress potentielles qui le font monter en pression : bruits des enfants, qu’elle berce, fait taire, emmène dans d’autres pièces, « Chuuuut, papa est fatigué » ; manque d’argent, elle cache les courriers de relance, elle ment, elle vole de l’argent ; repas prêts à l’heure et bonne cuisine, maison nettoyée, vêtements repassés, silence à table, que va-t-il vouloir ensuite, que pourra-t-elle faire pour être tranquille, elle veut juste être tranquille. Elle pense à autre chose quand elle lui donne ce qu’il veut, sexuellement. Accusée de le tromper, de mentir, d’être calculatrice, voleuse, responsable de ce qu’elle vit, de leur malheur, de celui de leurs enfants, elle sait, elle sait que ce n’est pas vrai, que c’est lui qui est responsable de tout ça… mais quand même, c’est vrai qu’elle lui ment, qu’elle calcule tout, qu’elle ne l’aime plus comme avant, alors oui elle est sans doute responsable, oui, sans doute… mais non ! ou peut-être… elle ne sait plus, elle veut juste être tranquille, tranquille, tout se passera bien si elle anticipe. Quand il est calme, tout se passe bien. Anticiper. En veille permanente.

Au milieu du salon, l’éléphant, flamboyant.

Ceux qui le voient de loin ouvrent de grands yeux hallucinés et s’exclament : « Mais pourquoi elle ne le voit pas ?!? »

Ceux qui le voient de près disent : « C’est pas évident de faire quelque chose… »

Si seulement c’était un inconnu, un monstre surgi tout à coup de nulle part dans la brume, elle pourrait le voir.

Mais comment voir ce qui est à côté d’elle ? Ce à quoi elle a consenti, pas à pas, au fil du temps ? Elle a dit oui, au début, elle a aimé, passionnément, elle se sent responsable, il n’arrête pas de le lui rappeler constamment, elle l’a voulu ce couple, elle l’a défendu, elle l’a construit, comment pourrait-elle voir ce qui n’était qu’une pièce, puis deux, puis trois et qui aujourd’hui est un putain d’éléphant dans son salon ?

Comme il est facile pour les autres de le voir maintenant qu’il est bien intégralement constitué.

On se souvient toujours de la première pièce. Mais on se souvient aussi toujours de la dernière. Le cockpit du vaisseau Star Wars, la porte qu’on découpe dans l’igloo, les jardinières de géranium aux balcons de la maison Playmobil.

Le moment où elle se dit « Non. C’est trop. C’est fini. »

Une énième humiliation. Une énième nuit sans dormir. Voir les larmes de ses enfants. Un coup plus fort qu’un autre, plus lâche qu’un autre. Les mots d’un proche, qui prennent du sens. Mille et une raisons.

C’est le début d’un autre chemin pour se retrouver.

Retrouver ses libertés, ses proches, ses goûts et dégoûts, ses envies, ses espoirs et ambitions, ses désirs, ses rêves… Et apprendre à vivre sans peur et sans culpabilité.

Au bout de ce chemin, tout au bout, il y aura une prise de conscience. Incarnée par une phrase de Stephen King – oui, l’auteur, comme quoi hein, tout peut arriver.

« Des gens qui observent depuis l’extérieur vont parfois demander : “Mais comment tu peux avoir laissé faire ça pendant aussi longtemps ?? Tu n’avais pas vu qu’il y avait un éléphant dans le salon ?!” Il est bien difficile pour une personne vivant dans une situation normale de comprendre la réponse la plus proche de la vérité : “Désolée mais il était là quand j’ai emménagé. Je ne savais pas que c’était un éléphant, je pensais qu’il faisait partie des meubles.” »

Jeunes, moins jeunes, qui êtes ou allez être en couple : faites attention à vos constructions. Arrêtez-vous de temps en temps, prenez le temps de réfléchir. Retournez-vous. Regardez votre salon.

Est-ce qu’il n’y aurait pas un putain d’éléphant dedans ?

Vous avez un doute sur ce que vous vivez ? Voici un dépliant qui pourra vous apporter des réponses : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/IMG/pdf/depliant_violences_web-3.pdf

Il y a des associations près de chez vous pour vous écouter, vous aider, en voici une liste (cliquez sur la carte, ou à gauche sur votre région) : http://stop-violences-femmes.gouv.fr/-Les-associations-pres-de-chez-vous-.html

Collectif féministe La Rage: appel à affiches

La Rage, collectif de féministes, englobe un projet qui vise à rassembler des affiches féministes et lesbiennes, faites par des femmes, des gouines, des trans, dans le monde entier ; et les diffuser sous plusieurs formats.

Nous souhaitons donner de la visibilité aux combats des femmes féministes et des lesbiennes, pour en inspirer d’autres et explorer l’outil graphique que sont les affiches.
Tout cela s’inscrivant dans un souci de créativité, d’inventivité, de diversité culturelle et de liberté de partage.

Nous collectons donc des affiches tous azimuts depuis juin 2015 et  avons lancé un appel à contribution en ce sens: POUR PARTICIPER C’EST PAR ICI !

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La Plaga

2015 — Lima (Perou)

Collectif Espacio Abierto

Créé en 2014, le collectif vise à développer des façons alternatives de communiquer en favorisant l’éducation populaire et la déconstruction des modèles normatifs de vie. Il a un souci particulier pour la protection de la planète.

contexte

L’affiche fait partie du projet chilien La Plaga, pour lequel des affiches ont été réalisées à l’occasion du 8 mars. Le sujet était : que célèbre-t-on quand on fête le 8 mars ?

traduction

Femmes luttant pour des corps et des territoires libres

en savoir plus

www.facebook.com/espacioabierto.rmr
www.facebook.com/LaPlaga