La « vie quotidienne » : une analyse féministe, par Simona de Simoni, sur le site de Période.
Dans cet article issu d’une intervention au colloque Penser l’émancipation (Nanterre, février 2014), Simona de Simoni propose de mobiliser la catégorie de « vie quotidienne » dans une perspective féministe : envisagé sous l’angle des théories de la reproduction sociale et des revendications qu’elles ont pu alimenter (notamment celle du salaire domestique), le quotidien apparaît non seulement comme un espace de valorisation capitaliste, mais aussi comme un enjeu stratégique pour les luttes anticapitalistes et antisexistes contemporaines.
I. Introduction
Dans cet article, je voudrais proposer une lecture féministe de la « critique de la vie quotidienne », ou peut-être une effraction féministe dans la « critique de la vie quotidienne ». La formule, comme on le sait, fait référence à un projet d’analyse de grande envergure élaboré par Henri Lefebvre entre la fin des années 1940 et le début des années1980. L’expression « vie quotidienne », toutefois, ne constitue pas uniquement une référence lefebvrienne : elle revient régulièrement dans la pensée du XXe siècle. Comme l’a notamment montré John Roberts dans un ouvrage important intitulé Philosophizing the Everyday. Revolutionary Praxis and the Fate of Cultural Theory, le développement de la catégorie de « vie quotidienne » dessine une vaste fresque, qui comprend la politique culturelle léniniste, les philosophies de la praxis, la psychanalyse et les avant-gardes artistiques. Avant de connaître une énorme diffusion – mais souvent aussi une dépolitisation– au sein des cultural studies, la problématique de la vie quotidienne paraissait pourtant inséparable de la formulation d’un programme contre-culturel et d’un projet politique général et révolutionnaire. La suite par ici.