Femmes exécutées : Günay, Dilek, Dilan, Şirin, Yeliz, Taybet… Sıla

Source: Kedistan

En Turquie, les exécutions de femmes par la police se poursuivent. Après Günay, Dilek, Dilan, Şirin, Yeliz, Taybet, c’est aujourd’hui celle de Sıla…

Aujourd’hui 6 mai, Sıla Abalay a été exécutée par la police dans le quartier Yeşilova, à Küçükçekmece, district d’Istanbul. Elle avait 18 ans. Deux personnes se trouvant dans la maison, ont été mises en garde-à-vue. La police a annoncé des “affrontements” et les médias alliés au régime, ont “informé” l’opinion publique, d’une voix unanime, sans qu’il n’y ait aucune enquête ni preuve, en produisant des manchettes comme “Une responsable importante de l’organisation illégale DHKP-C, tuée lors des affrontements”.

Ces pratiques d’exécution sans jugement se répètent sans cesse depuis deux ans. Günay Özarslan, Dilek Doğan, Şirin Öter, Yeliz Erbay, Dilan Kortak ont été tuées dans des quartiers différents d’Istanbul, et Taybet Canşin à Diyarbakır. Avec Sıla Abalay, le nombre de femmes exécutées est à ce jour de six. Malgré le fait que les proches, amiEs ou autres témoins apportent leur témoignages, expliquent qu’elles ont été tuées dans des conditions qui ne peuvent en aucun cas justifier leur mort, elles sont relayées par les médias au services du régime, toujours avec le même refrain. Ces jeunes militantes, deviennent dans les unes de ces médias, de “dangereuses dirigeantes d’organisation illégale et armée” donc des “terroristes” donc “à abattre”. Et ces exécutions ciblent particulièrement de jeunes militantes femmes.

Pas d’arrestation ni jugement, mais une exécution pure et simple

Le journal Şûjin, relaie les propos de d’Oya Aslan, avocate de l’association HHB, Halkın Hukuk Bürosu (L’Office du Droit du peuple). Oya souligne que la police tue les femmes sans qu’il y ait de circonstances qui justifient de les abattre, et que ces six massacres de femmes sont profondément politiques.
Oya exprime que les policiers préfèrent tirer et tuer ces femmes, alors qu’il était tout à fait possible de les “arrêter”, si telle était leur intention “Ils justifient ces pratiques avec l’état d’urgence. Pour Sıla, ils déclarent qu’elle aurait été armée et aurait utilisé son arme. ils avaient avancé les mêmes thèses pour les précédentes victimes. Ils essayent d’inventer des motifs pour justifier leurs exécutions et se donner des raisons pour tuer. Il s’agit d’actes et de choix politiques, terroriser les membres d’organisations opposantes. Pour Sıla, même si on n’a pas encore les détails du déroulement, nous savons que sa mort est survenue dans des circonstances analogues. Ces opérations sont effectués par des centaines de policiers des équipes spéciales, formés et entrainés. Leur champs d’actions devrait être ‘l’arrestation des suspects’, mais ils préfèrent tuer”. Oya ajoute que les détails ne sont pas encore révélés, mais que ces opérations se font dans la totale illégalité couverte aujourd’hui par l’état d’urgence.

Qui sont les 6 femmes exécutées ?

Günay Özarslan

Günay a été tuée par la police, le 24 juillet 2015, lors d’un raid, dans le cadre des opérations ciblant le DHKP-C. Elle avait 30 ans. Les médias ont “servi” l’information en présentant Günay comme “bombe humaine”.

Günay, avant sa mort, avait été inquiétée à plusieurs reprises, mise en garde-à-vue, avec un procès à son encontre. Son avocat Özgür Yılmaz déclarait après l’exécution de Günay, “La police s’est introduite dans la maison en cassant la porte et a tué Günay qui se trouvait dans une des pièces. Ses proches présents dans la maison, lors du raid, expriment qu’il s’agit d’une exécution”.

La dépouille de Günay, n’a pas pu être inhumée pendant des jours. Les funérailles au Cemevi (lieu de prière alévi) du quartier Gazi, ont été attaquée également par la police et plusieurs personnes on été arrêtées. Günay a pu être inhumée enfin, après 2 jours de tensions, et avec la médiation des députéEs du CHP et du HDP. Depuis 2015, deux ans sont écoulés et aucune preuve qui confirmerait la thèse de “bombe humaine” relayée par les médias alliés, n’a été trouvée.


Dilek Doğan

Dilek a été exécutée, le 18 octobre 2015, lors d’un raid à son domicile à Sarıyer, Istanbul. Elle a été reçu une balle tirée par les policiers qui s’introduisaient dans sa maison à qui elle a dit “Mettez des chaussons en plastique”. Dilek, gravement blessée, a succombé à l’hôpital, 8 jours plus tard, le 25 octobre. Sa mère déclarait après sa mort “Les policiers sont entrés dans la maison avec leur chaussures. Ma fille leur a dit de mettre des chaussons de protection et d’entrer après. Il y a eu une discussion, un bruit de tir, et ma fille s’est écroulée. Après le coup tiré, nous avons vécu un moment de bousculade avec les policiers. Puis, nous avons transporté ma fille à l’hôpital. Ma fille n’était pas une bombe humaine. Si c’était le cas, croyez-vous qu’elle dormirait à la maison ? Pourquoi  l’ont-ils tuée ?”

Le policier qui a tuée Dilek, Yüksel Moğoltay, a été jugé. Une peine de prison de 20 à 26,5 ans avait été demandé à son encontre pour “mort donnée intentionnellement” et “utilisation de matériel public pour le crime” (son arme de service). Le Tribunal d’Istanbul a condamné le policier une peine de prison de 6 ans 3 mois pour “mort causée par négligence.

Şirin Öter et Yeliz Erbay

Şirin et Yeliz ont été exécutées dans le quartier Gaziosmanpaşa le 23 décembre 2015. Elles ont été tuées, lors d’un raid dans leur maison. Leur exécution, afin d’être “légitimée”, a été “servie” par les médias alliés, comme “tuées lors d’une opération anti-terroriste”. La méthode avec laquelle Şirin et Yeliz on été tuées, est particulièrement préoccupante et se différencie des autres cas. Il s’agit de tirs à bout portant. Les rapports d’autopsie relèvent de nombreuses balles tirées à courte distance sur le corps de Yeliz. Quant à Şirin, 6 balles ont traversé sa poitrine, une balle son ventre et 2 balles son vagin.

Dilan Kortak

Dilan a été exécutée dans le quartier Sancaktepe lors d’une opération aux aurores le matin du 4 décembre 2015. Elle avait 19 ans. Son avocat exprime avoir constaté en personne, que Dilan avait été mitraillée par les policiers, par arme automatique. Dilan a été présentée dans les médias alliés, encore une fois comme “bombe humaine”. Son père İbrahim Kortak “Ce sont des exécutions effectuées par l’Etat. Je suis convaincu qua ma fille a été exécutée. Elle était seule à la maison. Il n’y a eu aucun affrontement. Les témoins l’expriment également.” Le procès de Dilan se poursuit, tant bien que mal, malgré les efforts d’obscurcissement des preuves.

Taybet Canşin

Taybet a été exécutée en octobre 2015, dans sa maison à Bağlar, localité de Diyarbakır. Les preuves ont été cachées par un incendie volontaire provoqué par les policiers.

Elle est seulement une des victimes d’éxécutions au Bakur. Nombreuses sont les villes du Bakur, comme Cizre, Diyarbakır, Nusaybin… mises en état de siège, qui ont été scènes d’opérations lors desquelles de nombreuses personnes ont été exécutées. Comme entre autres, Seve, Fatma, Pakize… tuées à Silopi

Et Sıla Abalay aujourd’hui…

Les avocats de la famille de sila expriment leur inquiétude sur une éventuelle dissimulation et travestissement des preuves. Et le collectif de femmes “Yeryüzü Kadınları” a protesté et dénoncé l’exécution de Sıla en accrochant une banderole à Kadıköy, sur le passage de Marmaray (Tunnel traversant le Bosphore).


Les tampons, une vraie poubelle chimique

A voir sur Télérama.fr, “Tampon, notre ennemi intime”, une enquête glaçante

 

Propos recueillis pour Télérama par Juliette Warlop

Qui prévient les femmes que l’utilisation de tampons peut s’avérer gravement toxique ? Pourquoi les marques s’exonèrent-elles de toute communication sur leur composition chimique ? L’enquête vertigineuse et glaçante d’Audrey Gloaguen lève le voile.

Avec Tampon, notre ennemi intime, diffusé sur France 5 mardi 25 avril à 20h50, Audrey Gloaguen livre une glaçante enquête. En s’intéressant à la composition des tampons, qui s’avèrent « une vraie poubelle chimique », elle signe le premier film documentaire sur le sujet, et exhume un véritable scandale sanitaire : risque de syndrome de choc toxique, incidences sur la fertilité… les conséquences peuvent être gravissimes. Comment se fait-il alors qu’un produit intravaginal puisse regorger d’éléments toxiques, sans que ses fabricants ne soient, légalement, obligés de communiquer sur sa composition ? Entretien avec la réalisatrice.

Qu’est-ce qui vous a poussée à aborder un tel sujet ?

J’avais vu se profiler pas mal d’interrogations sur les réseaux sociaux, quand Lauren Wasser, une mannequin américaine, a médiatisé, en 2015, son amputation d’une jambe suite à un syndrome de choc toxique (SCT), déclenché par l’utilisation de tampons. Depuis, une pétition sur Change.org a recueilli près de 260 000 signatures (une jeune Française, Mélanie Doerflinger, y demande qu’une marque de la multinationale Procter et Gamble rende visible la composition de ses tampons, ndlr). Je me suis demandé comment il était possible que les fabricants commercialisent un produit aussi sensible dans une telle opacité : aucune marque ne communique sur la composition des tampons, contrairement à des produits tels que les gels douche. C’est quand même ahurissant…

Au départ, je doutais pourtant de l’intérêt d’un tel sujet. Vous parlez, vous, de vos règles avec vos copines ? Et a-t-on le droit d’interroger la nature de ce produit qui a servi le féminisme, en libérant la femme des contraintes de la serviette hygiénique ? Ma réaction, je ne l’ai comprise que lorsque, aux Etats-Unis, j’ai rencontré Chris Bobel, une prof de genre qui étudie les menstruations. Elle explique que le tampon revêt une fonction particulièrement forte en ce sens qu’il cache nos règles, cette chose qui nous salit, qu’on ne maîtrise pas. On n’a pas envie de questionner ce qui touche à ces règles, et donc on s’accommode de l’absence de communication autour des tampons. Ce n’est d’ailleurs pas innocent que l’alerte soit lancée par des jeunes femmes : peut-être leur génération est-elle moins dans ce tabou.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées au fil de cette enquête ?

Je me suis vite aperçue qu’il n’y avait jamais eu d’étude d’impact de grande ampleur sur les tampons. Il n’existe que de petites études isolées, et débusquer des pistes, des interlocuteurs, a été un travail de fourmi. En France, je n’ai trouvé personne qui puisse me parler de ce sujet ! J’ai donc été obligée de me rendre aux quatre coins du monde. Les spécialistes étaient gênés par mes questions, comme si c’était mal de parler de règles, de vagin. J’ai chaque fois mesuré le poids du tabou.

Il était, en outre, assez incroyable de rencontrer des chercheurs qui travaillent sur les phtalates, les dioxines, l’endométriose, et qui n’avaient jamais songé à faire le lien avec le tampon : au début, la plupart me disaient que mon sujet n’avait rien à voir avec leur travail…

Vous jouez, avec cette enquête, un rôle de lanceur d’alerte…

J’essaie juste d’alarmer les gens. Ce qui était palpitant était de voir qu’à chaque fois, j’amenais un élément nouveau. Quand, par exemple, j’ai informé le Dr Carmen Messerlian (qui a mené au Canada, une étude sur l’impact des phtalates sur la fertilité) que les tampons contenaient des phtalates, elle a décidé de revoir son enquête, afin de mettre en relation le port de tampon avec le taux de phtalates mesuré chez chaque femme. Elle n’avait pas pensé à ce cas de figure. Pourtant, vous vous rendez compte, les phtalates sont en contact direct avec l’endroit où l’on fait des enfants !

A Los Angeles, le Dr Paulsen a prouvé qu’un cachet d’œstrogène est dix fois plus actif quand il est absorbé par voie vaginale plutôt que par voie orale. Quand je le rencontre pour lui demander si la dioxine (qui est un perturbateur endocrinien, et dont on retrouve la présence dans les tampons), peut être absorbée par le vagin, il vérifie sous mes yeux et me dit : « la réponse est oui ». Or, il n’y a encore aucune étude sur la dioxine et la perméabilité du vagin : avec le recul cela me semble dingue !

Pour la fiabilité de mon enquête, j’ai ressenti le besoin de disposer de mes propres analyses, émanant d’un laboratoire indépendant. Je n’ai pas pu intégrer dans le film tout ce qu’elles ont révélé, il a fallu faire des choix. Mais on a trouvé, notamment, un génotoxique. En terme de toxicité, c’est ce qu’il y a de plus grave : ça brise votre ADN… Le champ d’investigation reste énorme, il y aurait matière à un autre documentaire !

Lancement de la nouvelle revue Panthère Première

 

Illustration /// Amalia Cardoso /// pour Panthère Première

« Puisque notre chasse a couru les montagneuses forêts et pâturages d’Italie sans rencontrer la panthère que nous poursuivions, tâchons de relever ses voies à quelques marques plus raisonnables, afin de parvenir par soigneuse adresse à lier bel et bien de nos filets cette proie dont l’odeur se répand en tous lieux, mais qui nulle part ne se laisse voir. »

                                                                               Dante, De Vulgari Eloquentia, I, XVI (trad. par André Pézard)

 Soutenir un nouveau média indépendant

Panthère Première,c’est une nouvelle revue indépendante de critique sociale qui lance son premier numéro en septembre 2017 : une publication de cent pages, semestrielle, distribuée en librairies et dans les lieux amis (collectifs, militants, festivals…).

Panthère Première, c’est une revue d’enquêtes, de partage de réflexions, de récits qui explore les intersections entre sphères dites privées ou intimes (famille, enfance, souvenirs, habitat, corps, sexualité…) et phénomènes qui cherchent à faire système (État, industrie, travail, colonialisme, rapports de genre…) – partant du principe que les formes de domination et d’injustice se nourrissent, se pérennisent, se révèlent souvent dans ces plis.

Panthère Première, c’est une revue généraliste taillant la part belle à l’image, friande de formats courts, jouant avec les registres narratifs (bande-dessinée, témoignage, fiction…) et comportant un dossier thématique, différent à chaque numéro.

Comment s’organise Panthère Première ?

Panthère Première, c’est aussi un collectif d’édition exclusivement constitué de femmes investies dans des activités de recherche, d’écriture, de création, dont la plupart anime (ou a animé) d’autres médias indépendants (Revue Z,Jef Klak, CQFD, L’An 02, Art’Pi !, Article 11, Tada…).

Si le contenu de la revue sera mixte (alimenté par des contributeurs et des contributrices), nous avons en revanche opté pour une non-mixité éditoriale. Ce choix nous semble favoriser l’invention de formes de travail et de coopération plus égalitaires, et d’une prise de décision plus horizontale amenant davantage de femmes et/ou de personnes minorisées à être publiées.

Afin de faire de la transmission écrite une expérience accessible à toutes et tous, Panthère Première assure le compagnonnage des auteur.es qui le souhaitent dans les démarches d’enquête comme dans le travail d’écriture et d’édition, et aspire à rétribuer les contributions (textes, dessins, photos, graphisme). En effet, afin de ne pas réserver le journalisme critique et indépendant aux personnes à l’abri des besoins financiers, il nous semble fondamental de rompre avec le bénévolat et de prendre en compte les conditions matérielles nécessaires à un travail de qualité.

Les subventions publiques qui favorisaient la publication de nombre de médias indépendants ont pratiquement toutes disparu aujourd’hui. C’est pourquoi nous choisissons de faire appel à vous.

Dans le premier Panthère Première ?

Dans le premier numéro, on suivra des contrebandières dans les ressacs de la chute du bloc soviétique, on se plongera dans les minutes haletantes d’un procès inquisitorial, on pénétrera dans l’intimité joliment érotique d’une famille ariégeoise au XIXème siècle, on s’interrogera sur la caractère subversif de la démence sénile, on disséquera la fabrique des langages hors-normes, on accompagnera des prostituées chinoises dans le dédale institutionnel, on mangera des broussailles par la racine, on sortira des marins du grand bleu et de l’oubli, on reviendra sur les témoignages des récents massacres mexicains, on convoquera des artistes issu.es des diasporas de l’ex-Empire britannique, on s’attardera sur l’Iran des années 1980

À quoi servira l’argent récolté ?

*À faire exister Panthère Première !

*À aider le premier numéro à voir le jour !

*À enquêter, écrire, imprimer et diffuser la revue !

* À encourager l’indépendance de la presse !

  • Avec 3 500 euros : Panthère Première numéro 1 sort des rotatives – impression !
  • Avec 2 000 euros de plus : Panthère Premièredéfraie ses contributeur.ices dans leurs enquêtes et sur les routes (frais de transport, hébergement…).
  • Avec 5 000 euros de plus : Panthère Premièrerémunère (un peu) ses contributeur.ices !

Pour contribuer, c’est par ici.

Merci à toutes et à tous !

L’équipe de Panthère Première (Clara Alloing, Jeanne Bally, Marie-Noëlle Battaglia, Norah Benarrosh-Orsoni, Adèle Blazquez, Mathilde Blézat, Denia Chebli, Judith Chouraqui, Claire Feasson, Lucie Gerber, Laurène Le Cozanet, Sharmila Naudou, Claire Richard, Aël Théry, Delphine Thibon, Annabela Tournon, Aude Vidal, Julia Zortea).

Leur corps expliqué aux enfants

Article trouvé sur le blog Olympe et le plafond de verre.

L’une des polémiques du jour sur twitter concerne un livre qui vient d’être publié avec pour auteurs Laure Monloubou dessinatrice, et Michel Cymes  le docteur bien connu qui passe à la télé.

Les pages concernant les organes reproducteurs sont critiquées et je trouve qu’il y a de quoi. J’ai, sur ma page facebook, partagé un statut, qui décrit très bien le problème mais il a eu assez peu d’écho ; mystère des algorithmes. Je prends donc le temps d’en faire un vrai billet car je trouve qu’il y a de quoi, d’autant plus que sur twitter Michel Cymes lui-même a refusé d’aborder sérieusement la question traitant avec mépris celles qui l’interpellaient.

Je précise que j’ai repris les photos trouvée sur facebook et twitter n’ayant pas ce livre en ma possession (et pas l’intention de l’acheter)

Je rappelle que le titre de cet ouvrage est « Leur corps expliqué aux enfants »

En gros les filles n’ont pas d’organes reproducteurs puisque la zézette se réduit à la seule fonction urinaire. Il n’est même pas fait mention de l’utérus.

Voici la description qui figure en dessous de l’image du garçon.

Le zizi, ou pénis comme disent les adultes, ne se trouvent que chez les hommes, petits et grands. Il est relié aux testicules qui produisent les testicules qui serviront à faire des bébés plus tard. Les testicules ne supportant pas la chaleur sont placés en dehors du corps. Le pénis est aussi relié à la vessie qui est la poche contenant le pipi. Le pipi passe par un tuyau, l’urêtre, et sort par un petit trou situé au bout du gland. Certains glands sont recouvert par de la peau. C’est le prépuce. D’autres zizis n’ont plus cette peau. Avec ou sans cette peau le zizi fait pipi, c’est le plus important.
Parfois le zizi devient dur et pourtant il n’y a pas d’os., C’est parce qu’il se remplit de sang. C’est très bien cela prouve qu’on est en bonne santé.

Voici celle qui figure en dessous de l’image de la fille.

Quand on est un garçon on a un zizi et quand on est une fille on a une zézette, ou cocotte ou minou.

Remarquez déja qu’on ne sait pas comment les adultes nomme cette partie du corps.

C’est par là qu’on fait pipi. Personne ne doit toucher à la zézette d’une petite fille ou le zizi d’un petit garçon, sauf papa ou maman pour les laver si ils ne peuvent pas le faire tous seuls.

Et c’est tout !

Une petite fille qui aurait la curiosité de comprendre sa vulve avec cette description pourrait en conclure logiquement que le vagin sert à faire pipi puisque la sortie de l’urètre n’est guère perceptible.

Sur  la page suivante le sexe du petit garçon est détaillé, ce qui n’est pas le cas pour la fille a qui on explique qu’elle doit s’essuyer correctement les fesses pour ne pas attraper de maladies.

On en est donc encore là en 2017

Et c’est regrettable que cela provienne de l’ouvrage de quelqu’un d’influent.

Les garçons ont un pénis qui est décrit et expliqué. Les filles n’ont rien d’autre qu’un orifice qui sert à faire pipi. On croirait du Freud . Depuis quelques temps la description et le fonctionnement du clitoris ont fait l’objet de nombreux articles. Mais on s’aperçoit que, bien en amont, le mot vulve semble un gros mot et que la description de celle-ci est sans objet, puisque invisible.

Serai-je malade docteur Cyme ?

Mon accouchement, ce viol

Violences obstétricales. Les mots sont lâchés. J’ai compris. J’ai compris que je n’étais pas la seule. J’ai su qu’un mot existait pour définir ce que j’avais vécu. N’en déplaise à bien des gens, non, il ne définit pas des poules mouillées qui se plaignent de tout et de rien parce qu’elles n’ont pas reçu le traitement qu’elles espéraient en se rendant à la maternité.

(On peut aussi lire cet article sur ce site)

Bon nombre de pays tentent (enfin) d’en définir les termes. Pour faire court et concis, voici la définition qu’en donne Marie-Hélène Lahaye, dans son article du 9 mars 2016 :

« tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le personnel de santé, qui n’est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente. »

C’est vrai. Mais ça n’est pas que ça. C’est avant tout un viol. Non, je n’exagère pas. Je ne suis pas seule et j’invite toutes celles qui ont vécu la même chose à me contacter, à en parler et à dénoncer.

Pour ma part, et je me permets de parler de moi parce que c’est ce que j’ai vécu, ce viol obstétrical s’est déroulé en plusieurs étapes.

Je suis arrivée à la maternité vers 22h gonflée, la peau qui me démange. On me dit qu’on me garde, me demande de remplir quelques formulaires et on m’annonce que j’ai une cholestase. Personne, n’a pris le temps de me dire ce que c’était. Pour seule réponse, j’ai eu le droit à un « oh, on ne sait pas pourquoi, mais c’est par période que ça arrive. Il y a déjà 3 femmes à votre étage qui en ont une. » … Sans Internet à portée de mains, on s’en contentera. J’apprendrai par la suite que le diagnostic était faux et qu’il s’agissait d’un problème de vésicule biliaire. Tout ceci aurait donc pu être évité.

Jour 1 : je me réveille à 7h, et une sage-femme vient m’annoncer que « c’est aujourd’hui le grand jour ».

Mission déclenchement : « vous allez avoir des contractions grâce à un tampon » Très bien, alors allons-y ! Je serre les dents et hop, c’est fait ! Pas de repas aujourd’hui parce qu’ « on ne mange pas si on accouche, Madame »

Je pourrai me passer d’un repas, ce n’est pas bien grave…

4 heures plus tard, alors que les contractions sont belles et bien présentes, le tampon me démange. Il brûle et j’ai du mal à marcher. J’avertis les sages-femmes qui me répondent que « c’est normal ». Très vite, les gynécologues -qui ne se présentent pas- affluent et les monitorings dépassent l’entendement.

Ouverte à 1, mes contractions ne peuvent même plus être mesurées. Pas de panique, on m’a dit que c’était pour « aujourd’hui, M’dame ». Le soir, j’ai faim. Je suis toujours dans ma chambre, je veux bouger mais j’ai de plus en plus mal. Les monitorings sans bouger me fatiguent et me donnent des courbatures. J’ai faim. Et soif.

22h. « Bon ben on va voir où en est le travail ». Une sage-femme vient. Je lui explique calmement que j’ai l’impression que tous mes organes sont en train de descendre et j’exige qu’on me retire le tampon. Elle hurle, a décrété qu’on ne retirerait pas le tampon, ou seulement pour en remettre un autre.

J’appelle ma mère qui accourt et me soutient. La sage-femme me répète qu’elle commence à en avoir marre et retire enfin le tampon. L’effet est immédiat. Je vais mieux, je m’apaise. Elle reste là, 30 minutes à insister pour remettre un tampon. Je serre les jambes, totalement brûlée à l’intérieur et lui dis que non je ne veux pas. Je l’entends dire à ses collègues « elle commence à me faire chier celle-là ». J’ai gagné, mais pour une nuit seulement.

Jour 2 : « bon allez, cette fois-ci, c’est la bonne !! »

J’ai passé une nuit horrible, des monitorings toutes les 45 minutes et je commence à fatiguer. La sage-femme de la veille revient et me dit « alors, vous êtes calmée ? ».

Je lui dis que ça va un peu mieux. Ni une, ni deux, elle ressort un nouveau tampon et vérifie la dilatation du col. Toujours à un.

Elle me fait mal et en guise de lubrifiant, elle utilise du savon Anios. Ça me brûle de plus en plus. Je panique et elle me maintient les jambes écartées. Je ne veux pas que ce soit elle. Je suis, dans mon lit, assise. Elle n’a pas pris le temps de m’allonger pour m’examiner. Je me sens à vif, à l’intérieur.

Je lui explique et elle me rappelle qu’on ne va pas y passer des heures. J’essaie de me détendre, je lui demande un instant, lui demande si je peux lui tenir les mains. Je pleure, je suis paniquée, plus je dis non, plus elle insiste. Elle force pour m’ouvrir les jambes et me fait de plus en plus mal. Stop ! Je n’en peux plus.

Toute la nuit, toutes les 45 minutes, on vient me vérifier le col. Je suis déjà à plus de 15 touchers vaginaux dans une partie censée m’appartenir, et que je sens enflammer. Elle démissionne et me dit d’un ton menaçant que  puisque c’est comme ça, ce sera le gynécologue qui le fera. Je lui demande qui est de garde et, pour seule réponse, elle me balance que … « bah vous verrez bien ! ».

J’angoisse, ma maman revient.. Je suis appelée dans un bureau et cette fois-ci, je pleure. Il y a 3 sages-femmes et un gynécologue. Il m’explique ce qu’il va me faire et qu’il n’insistera pas. Lorsque je me sens prête, je lui dis. Il me tient la main et m’allonge. Ça y est, le deuxième tampon est en route.

24 heures de contractions. 24 heures sans manger ni boire. Le soir, je sors en douce pour me ruiner en monnaie au distributeur, pour avaler tout ce qui contient du sucre et respirer l’air frais de ce mois de décembre. Les contractions s’emballent et je n’ai plus que 30 secondes de répit entre chacune. J’imagine mon bébé descendre et ça m’aide. Je lui parle et ça m’adoucit.

Chaque heure du jour et de la nuit, on viendra vérifier mon col. J’en suis à près de 30 touchers. Ça me brûle de plus en plus. Je le dis, mais personne ne réagit. Toujours ce même savon « Anios » en guise de lubrifiant. J’ai mal mais je serre les dents.

Jour 3 : « Allez, ça y est, ce soir, vous aurez votre bébé dans les bras ».

Je commence  seulement à douter ! Voyez ma naïveté ! Je me lave mais n’ose pas toucher à la zone du tampon. Je ne peux plus aller aux toilettes, persuadée que toutes mes entrailles vont tomber.

Une gynécologue arrive pour m’ausculter. D’un air dégoûté, elle me demande depuis combien de temps je ne me suis pas lavée. J’avais pris une douche 1 heure avant son arrivée. C’est l’humiliation. Elle retire le tampon et alerte toutes les sages-femmes.

J’ai fait une réaction allergique, elles auraient dû s’en rendre compte. J’entends que ça commence à chauffer dans le couloir. Elle revient et me demande depuis quand je n’ai pas mangé. Elle hurle encore plus. Aujourd’hui, pas de tampon, rien ! C’est fini ! J’irai en salle d’accouchement et je vais pouvoir manger.

Salle d’accouchement…

Une sage-femme, une des seules en qui j’avais entièrement confiance me présente une étudiante. Elle me demande si la jeune fille peut me percer la poche des eaux. D’accord. Je respire, je prends une grande inspiration lorsque je vois l’engin arriver. Je n’ai plus de contractions du tout. L’étudiante a peur et je le vois. Je lui dis que tout va bien se passer.

Elle pense bien faire. Insère le crochet et là : je me mets à hurler, j’entends que ça se déchire à l’intérieur et je hurle de douleur. Le crochet n’était pas sur la poche des eaux mais sur l’utérus. C’est l’utérus qu’elle a arraché. Je vous passe la boucherie.

Je reste en salle d’accouchement seule, à pleurer, après que la jeune fille se soit confondue en  excuses. Je ne la reverrai plus jamais.

On m’oublie. Personne. J’ai mal, je sanglote mais je préfère ne rien dire plutôt qu’on ne me retrouve et qu’on m’arrache encore un bout de moi. Je ne veux plus qu’on me touche. Je n’en peux plus. J’ai l’impression de détester ma fille. Je sais que ce n’est pas de sa faute, mais je lui en veux. Je serai une mauvaise mère. Elle n’a pas le droit de sortir maintenant, pas quand sa maman est dans cet état-là. Je saigne mais me tais.

Jour 4 : le grand jour

C’est au tour de l’ocytocine. J’étais prévenue : il n’y a pas le choix, il faut que ma fille sorte le plus rapidement possible. Je ne peux plus faire marche arrière et je me dis que mon épuisement ne pourra pas tenir un jour de plus.

Trois  gynécologues de la maternité sont là et me disent que c’est la dernière journée de douleur. Je les crois. Je n’ai plus d’autres choix que de les croire. On me dit de manger, de boire et de marcher. Une sage-femme m’autorise même à aller fumer une cigarette avant de retourner en salle d’accouchement. Je fais le plein de forces, avertis ma mère que c’est le grand jour, c’est sûr. Je suis à 9h10 en salle d’accouchement. Re-ocytocine. Re-contractions. Re-douleurs.

J’ai de la chance, la sage-femme qui sait m’adoucir est là et elle me prévient qu’elle ne partira pas le temps que mon bébé ne sera pas là. Il est midi. Toutes les demi-heures, on vient vérifier ce col qui ne bouge pas. Toutes les heures on utilise du gel Anios. On met plus d’ocytocine. Les douleurs deviennent de moins en moins supportables. Les minutes sont longues … Très longues. Bientôt, elles seront trop longues.

On m’avertit que la sage-femme qui me suit depuis le début de ma grossesse est là. Je suis heureuse, je sais qu’elle est douce et bienveillante. Elle arrive, me dit qu’elle ne comprend pas ce qui se passe, que je ne dois pas m’inquiéter mais que ce n’est pas normal et qu’elle va appeler mon gynécologue pour qu’il fasse quelque chose.

Elle connaît ma situation, elle sait que je suis seule, qu’il n’y a pas de papa, que je vis cet accouchement seule. Mais elle m’explique qu’il faut que j’accepte d’accoucher, que je dois visualiser ma fille qui descend, qui veut sortir hors de moi, que mon corps est fort et qu’il peut y arriver. Je réponds que j’ai peur. Tout simplement peur.

16 heures. On vient m’annoncer qu’il va falloir percer la poche des eaux. Je me crispe. J’ai encore ce bruit qui résonne en moi, celui du moment où j’ai entendu un craquement. Celui de la chair qui se déchire. Le visage de la jeune étudiante qui comprend qu’elle a fait une erreur.

Je sais que je vais devoir y passer et je suis tellement fatiguée que j’en deviens docile. Je ne supporte plus la douleur et demande une péridurale avant de percer la poche des eaux.

L’anesthésiste arrive. La sage-femme m’explique que je vais devoir faire le dos rond. Elle me met en position et soudain, c’est la prise de conscience. Cet instant, si rare et si précieux, où l’on prend conscience des choses. Je fonds en larmes et demande un instant pour me reprendre. L’anesthésiste claque la porte en disant que « quand elle sera prête, on me fera signe ».

Je viens de réaliser que ma fille va sortir

Que je suis seule. Que je vais devoir assumer. Et si je n’aimais pas ce bébé ? Et si je n’y arrivais pas ? Et si ? Je flanche. L’anesthésiste revient et me pose la péridurale. Ma mère arrive dans la foulée. On perce la poche des eaux, on rit. On rit parce que je suis détendue. On rit parce que je perds tellement de liquide amniotique que les sages-femmes n’ont pas le temps de vider une bassine que la suivante est déjà pleine. Elles me disent que tout va aller mieux maintenant.

30 minutes. C’est le temps qu’aura été efficace la péridurale. L’anesthésiste est introuvable. Le travail est bien entamé. Je n’ai de contractions que dans le dos. La sage femme et moi cherchons toutes les positions possibles pour alléger la douleur alors que je ne peux pas sortir du lit. Elle me masse.

Et puis soudain, tout s’accélère. Il y a des bips partout. Il est 21 heures. Je ne sais pas ce qui se passe, j’entends, au loin, qu’on demande à ma mère de me tenir le masque à gaz. J’étouffe encore plus.

Je vois le gynécologue arriver, prendre une dernière fois les mesures d’un col qui n’a pas bougé. Je l’entends dire que ça suffit, qu’on m’a trop fait souffrir, on passe à la césarienne.
J’ai peur. On m’emmène au bloc et je ne pense plus à ma fille. La seule image qui me hante est celle de mon corps ouvert, les entrailles à l’air.

Il fait froid. Deux anesthésistes sont là, je comprends que ça devient grave. On me bétadine le ventre, je vois le gynéco s’installer. Je bouge. On me demande comment je fais pour bouger. Je hurle : le gynécologue est là, prêt, son scalpel à la main et je sens tout. On me dit que ce n’est pas possible. Dans un dernier élan, je tente de me relever, explique que je sens la différence entre la bétadine chaude et froide, je sens tout.

Je repose ma tête. Les derniers mots que j’entendrai sont ceux de l’anesthésiste à son collègue : « allez ! Elle va pas nous faire chier celle-là…  »

Noir. J’ai rêvé, je crois.

Je suis seule. Je ne sais pas ce qui s’est passé. C’est flou. Je lève le drap, je n’ai plus de ventre. Je ne suis pas encore capable de me souvenir de ce qui s’est passé.

Je tente de me soulever, de chercher mon ventre. Je suis à motié assise, je n’ai aucune douleur, simplement la sensation d’avoir été charcutée, ouverte. Il y a du sang partout, les draps en sont plein. Un homme arrive et me dit que tout va bien.

Mais tout va bien de quoi ? Où est mon bébé ?

On ne m’apportera ma fille que 20 minutes plus tard. Je n’ai pas eu le droit au peau à peau. On m’a volé mon accouchement. Je réalise que je suis la maman de ce petit être. Je compte ses doigts … Ça va, tout va bien. Les jours suivants, je reprends du poil de la bête. Je m’affirme et deviens une mère louve. Les humiliations se feront à répétition, comme je le raconte ici

On me dit que ma fille à l’air d’avoir la jaunisse … Je réponds que non : elle a la même couleur que son papa, qui est péruvien. L’aide soignante me demandera si je suis bien sûre de qui est le père.

Je me rétablis plus vite que prévu. On me fera remarquer que je n’ai pas de baby-blues et que ce n’est pas normal. On m’enverra une psy alors que mes parents sont présents pour me faire remarquer que je suis la mère et que je suis trop entourée, que je dois prendre ma place.

Je suis trop entourée. Ce sera la remarque de trop. C’est celle qui fera que je partirai de la maternité sans dire au revoir. C’est celle qui me fera comprendre que rien n’avait été normal dans cet accouchement.

J’ai subi un viol obstétrical. J’en fais encore des cauchemars. Je rêve, régulièrement que je n’ai jamais été enceinte. Que j’abandonne ma fille. J’ai été profondément atteinte dans ma dignité. J’ai passé deux ans sans oser effleurer la cicatrice de ma césarienne. Encore aujourd’hui, elle me fait mal. Je l’évite, mais ça va mieux.

 

Je n’ai jamais donné mon consentement. J’ai été infantilisée, déshumanisée. On m’a rappelé à longueur de journée que je ne savais pas ce qu’il y avait de mieux pour mon corps. Pourtant, la cholestase n’a jamais été reconnue. C’était simplement un problème de vésicule biliaire. La séparation mère-enfant ne devrait jamais avoir lieu. Toute personne ayant vécu la même chose ne sera plus jamais la même.

J’ai eu de la chance, beaucoup de chance. Celle d’avoir été correctement entourée et aimée par ma famille. Celle de puiser ma force en ma fille. Les conséquences de cet accouchement sont à voir sur le long terme. Toute séparation avec ma puce sera vécu comme un abandon. Pour bien des femmes, il faut des années de thérapie pour s’en sortir. Elles n’évoquent pas le sujet, mais je suis certaine que les cauchemars sont récurrents. L’angoisse.

Personne, depuis lors, n’a touché mon corps. Je refuse. Je ne peux pas. Je n’en veux pas au personnel.

C’est un tout.

J’en veux au manque de respect envers les femmes, j’en veux aux accouchements qui se doivent d’être rapides, express. J’en veux au manque de bienveillance, j’en veux aux réductions de personnel, j’en veux à la déshumanisation, à l’abandon, à l’infantilisation. Je condamne le manque de compétences médicales et humaines. Je rappelle que je suis une femme et que je suis maître de mon corps et qu’un praticien ne peut pas savoir mieux que moi ce que je ressens. Que lorsqu’une femme dit non, c’est non !

Subir des violences obstétricales, ce n’est pas un gros mot pour parler de femmes plus fragiles que d’autres.

Je sais. Je sais que vous vous demandez pourquoi je n’ai pas porté plainte. Pourquoi je n’ai rien dit. Tout ce que j’aurais comme réponse à vous apporter, c’est que je ne voulais plus en entendre parler. De rien. Des médecins, d’accouchement. Et aussi, parce que j’ai culpabilisé. Culpabilisé parce que je ne connaissais pas les violences obstétricales. Culpabilisé parce que je pensais que c’était normal. Mais ça ne l’est pas. Ça existe, il faut en prendre conscience, en parler et dénoncer !

Plein de paillettes à vous,

Miss Marple

En savoir plus sur https://paroledemamans.com/accouchement/maternites/mon-accouchement-ce-viol#YKPfuQih3qCgJlKe.99

Les bars «France 2 compatible» de Saint-Denis

Hier, lecture étrange. Un tweet de In Seine-Saint-Denis , met en avant un label bien singulier proposé aux bars et restaurants de Saint-Denis et ayant pour but la promotion de la mixité dans les troquets de la ville. Malaise.

Par Agnes Druel, un article trouvé ici.

Depuis le reportage de France 2 sur l’acceptation ou non des femmes dans certains bars de banlieues, notamment à Sevran, le débat a été relancé sur la place accordée aux femmes dans l’espace public, spécialement en banlieue, où il semblerait que la Femme ne puisse pas aller où elle veut, et que l’accès de quelques bars lui serait refusé.

Il y a alors eu des reportages, des plateaux télés où des experts en laïcité et féminisme se sont écharpés pour dénoncer l’islamisme grandissant en banlieue et le danger que cela représente,  la banlieue y est secouée et malmenée. Il y aura aussi une contre-enquête efficace du Bondy Blog, suivie d’une « contre » contre-enquête de Marianne, qui remplie de clichés réponds aux attentes et fantasmes de l’imaginaire collectif sur la banlieue.

Et puis, l’Observatoire de laïcité de Saint-Denis et le collectif « Sacamain » ont surenchérit en lançant une campagne destinée à promouvoir la place de la femme dans l’espace public dionysien en faisant signer une charte de la mixité aux commerçants volontaires, et en distribuant des petits autocollants que le propriétaire de bar colle sur sa porte et ou l’on y voit, sous forme de dessin, une femme fumant une cigarette assise à la même table qu’un homme. Parce que la femme libre et émancipée a les cheveux détachés et  fume des cigarettes en terrasse de Saint-Denis. Cela ne peut être autrement.

autocollant mixité © capture d'écran du site : saintdenismaville autocollant mixité © capture d’écran du site : saintdenismaville

Voilà, nous y sommes arrivés. La femme est acceptée dans tel ou tel bar au même titre que les tickets restaurants ou les animaux de compagnies. Un petit autocollant qui vient rappeler que la présence féminine est vivement souhaitée, et que le propriétaire s’engage, à travers la charte, à accueillir avec bienveillance le « sexe faible » dans son commerce.Ce n’est pas une maladresse. Ce n’est pas une erreur de communication. C’est simplement une suite logique d’heures de débats sur une réalité fantasmée en banlieue, de matraquage médiatique à l’encontre d’une partie de la population en raison de sa religion, l’Islam, qui se voudrait machiste et rétrograde. Une suite logique de débats politiques tronqués par la montée en puissance des idées racistes et islamophobes de Marine Le Pen qui voit dans le burquini l’ennemi de la République, et à qui l’on offre un boulevard médiatique pour qu’elle puisse répandre sa haine en toute tranquillité.

Des heures de pseudos débats,  de reportages construit uniquement sur des clichés tenaces et une haine de l’autre qui s’assume de plus en plus en facilement au pays des droits de l’homme, auront finalement aboutis à l’impression de petits autocollants annonçant « la bienveillance » d’un commerçant à l’égard des femmes.  Nous, femmes dionysiennes, sommes heureuses d’apprendre qu’au même titre que les chiens et les cartes bleues, que notre présence est maintenant autorisée et désirée dans certains bars de notre ville.

charte © imprim écran du site : saintdenismavilleouverte charte © imprim écran du site : saintdenismavilleouverte

Depuis que j’habite à Saint-Denis, l’entrée d’aucun établissement ne m’a été refusée. Je suis libre de circuler où il me plait, quand je le souhaite. C’est pourquoi je refuse cette campagne de la division menée par ces deux associations et que je ne me rendrais plus dans les 14 bars signataires de la charte pour aller boire des verres avec mes amis. J’irai ailleurs, là ou sous couvert d’une prétendue égalité homme-femme, les islamophobes et autres semeurs de haine, n’ont pas trouvé écho à leur message dangereux.

La charia catholique ou l’Etat dans l’Etat Par Christine Delphy

On peut aussi lire cet article sur le blog de Christine Delphy

Ni Mélenchon ni Macron ne savent ce qu’est la laïcité. Et les journalistes non plus. Ainsi Mélenchon croît que « l’école » est soumise à « la laïcité ». Non : les enseignants le sont parce qu’ils sont fonctionnaires, mais pas les usagers que sont les élèves. Ce pour quoi la loi de 2004 interdisant le foulard n’est pas conforme à la loi de 1905. Macron semble ignorer que le Conseil d’Etat a déclaré invalides les arrêtés « anti-burkini » pris par des maires l’été dernier ; il prétend que « certains de ces arrêtés sont justifiés »–parce qu’ils ne « visent pas une affaire cultuelle, mais une affaire  d’ordre public ». Quel « ordre public » ? Les femmes qui portent un burkini dérangent-elles l’ordre public ? Non. Ce sont ceux et celles qui les insultent qui dérangent l’ordre public : ce ne sont pas les victimes qu’il faut pénaliser.

Quant à Mélenchon, il trouve que le « voile » (il parle du foulard, mais qu’importe, on dira que c’est un « voile ») est « un symbole de soumission de LA femme ». Comme Valls. Ils connaissent LA femme, et veulent « l’émanciper ». Nous, non. Nous ne connaissons que DES femmes. Et nous ne parlons pas de symboles mais du sous-paiement des femmes, de leur sur-travail, des violences sexuelles, toutes choses qui ne sont pas du tout « symboliques », mais très matérielles et très physiques. Alors arrêtez Messieurs de prétendre que vous savez mieux que nous ce que nous voulons. Pas être « émancipées » par vous, mais nous libérer de votre pouvoir, notamment celui de parler à notre place.

Et nous ne voulons pas que vous utilisiez ce pouvoir pour opprimer les musulmanes. Vous multipliez depuis des années les lois, les décrets et les circulaires qui empêchent les femmes portant foulard de travailler dans les services publics, maintenant dans les entreprises privées, vous leur interdisez d’accompagner leurs enfants dans les sorties scolaires. Vous les dîtes « soumises », et vous prétendez les vouloir « libres ». Quelle hypocrisie ! C’est vous qui, en les obligeant à rester à la maison, en leur retirant les moyens de l’autonomie économique, vous qui les rendez dépendantes de leur conjoint. Aujourd’hui vous prétendez leur interdire l’université et même la rue ! Mais elles ont autant que vous le droit d’y être.

Ce sont nos compatriotes et nos sœurs à qui vous enlevez un par un tous les droits qui sont les leurs, au mépris de la Constitution, de la loi de 1905, des Conventions internationales, de la déclaration universelle des droits humains, qui garantissent le droit non seulement de penser ce qu’on veut—ce qui est toujours possible– mais surtout de dire ce qu’on pense. A quand l’interdiction de distribuer des tracts, de crier des slogans, ou tout simplement d’exprimer ses opinions politiques ? Ah oui, « mais le foulard, c’est religieux ». Faut-il rappeler que dans tous les textes fondateurs (cités plus haut), aucune différence n’est faite entre les opinions, qu’elles soient politiques, esthétiques, religieuses  ou autres ? Aucune. La liberté d’opinion, c’est la liberté de toutes les opinions.

 

La hiérarchie catholique : un Etat dans l’Etat

 

 

Fillon veut « fermer les mosquées salafistes ». Mais la loi de 1905 interdit toute ingérence de l’Etat dans les religions, comme l’inverse. Les cultes ne sont pas et ne doivent pas être gérés par l’Etat.  Ils sont séparés, un mot que vous avez du mal à entendre, parce qu’il est vrai que vous acceptez d’une religion ce que vous dénoncez chez les autres.

Vous acceptez l’ingérence de l’Eglise catholique dans les politiques de l’Etat, et singulièrement dans un domaine-clé : la protection des personnes contre les agressions sexuelles. Fillon veut combattre le « totalitarisme islamique » partout où il est et nous prédit une guerre de 20 ans, au Pakistan, en Afghanistan, au Moyen-Orient et au Sahel, (bien sûr, on y est déjà) et en France). Or, s’il est exact qu’aujourd’hui les tendances religieuses intégristes se développent, dans les pays à majorité musulmane mais aussi dans les pays à majorité chrétienne, juive, hindoue (et probablement d’autres que j’ignore). En Amérique du Nord, où Trump a bénéficié de l’appui des protestants évangélistes. En Europe, où en France, Fillon bénéficie de l’appui de Sens commun, cette organisation politique d’ intégristes, ceux qui ont organisé la « manif pour tous ». C’est par peur de cette frange traditionnaliste que le gouvernement de Hollande a supprimé les « abc de l’égalité ». Mais est-il juste de confondre ce mouvement mondial vers l’intégrisme religieux avec la « radicalisation » qui en France aujourd’hui, désigne la propension à commettre des attentats ?

Et, si l’on parle d’intégrisme, quelle est en France, la religion qui menace vraiment la séparation des Eglises et de l’Etat ? C’est la plus ancienne sur le sol français, la plus nombreuse, la plus organisée : l’Eglise catholique. On nous effraie depuis 2004 avec la menace d’un « islam conquérant » qui voudrait remplacer le droit commun par la charia : la loi de Dieu. Si des musulmans poursuivent vraiment ce but, ils sont loin d’en avoir les moyens. On nous dit, à la suite d’un sondage, que 20 ou 30 % des musulmans estiment que la loi de Dieu l’emporte sur la loi de l’Etat. Ce sondage laisse penser aux lecteurs qu’aucune autre religion ne fait ce choix. Et pourtant, chez les Témoins de Jéhovah, c’est une règle de leur église : la loi de Dieu avant la « loi de César ». Quant à l’Eglise catholique, elle continue de vouloir s’occuper non seulement des affaires religieuses, qui appartiennent à son domaine, mais des délits et crimes, qui n’appartiennent pas à son domaines, « à l’interne », et au mépris de la loi commune.

On le voit très bien dans son traitement des prêtres qui violent des enfants des deux sexes. La hiérarchie catholique refuse de les dénoncer à la justice, et elle les protège de mille façons. Cash investigations et Médiapart ont réalisé un documentaire accablant sur ce sujet. Voici donc toute une population de gens d’Eglise et d’enfants qui n’est pas soumise aux mêmes lois que le reste du pays : les victimes ne sont pas écoutées, et les criminels sont impunis. Et la hiérarchie catholique dit ouvertement  que la loi qu’elle applique n’est pas la loi de l’Etat mais la « loi canonique »–la loi du « canon », c’est-à-dire de la règle de l’Eglise. Mgr Barbarin, dont les propos ont été relatés par plusieurs médias, sans commentaires des journalistes, l’exprime candidement en 2016 : « « « Pourquoi je ne l’ai pas dénoncé ? Parce qu’il y avait prescription canonique. »Il ajoute un mensonge : « Il n’y avait pas non plus de plainte des victimes depuis ».

Cette loi de Dieu semble dicter à la hiérarchie catholique, non seulement de suivre les délais de prescription « canoniques » mais aussi d’exfiltrer les prêtres criminels en Afrique ou en Amérique du Sud, où ils pourront abuser d’autres enfants qui ont moins de valeur que les nôtres, au lieu de les châtier, puis de les laisser revenir en France.

En 2001 le pape de l’époque a fait obligation à tous les catholiques de dénoncer les crimes pédophiles à la justice—pas la justice de l’église, celle de l’Etat. Ce prononcement du pape est resté lettre morte, on le voit au nombre de scandales dénoncés par la presse.

Et face à cela, que fait l’Etat ? Rien. L’Etat, qui doit en principe protéger tous les enfants, n’applique pas le droit commun à tous : il laisse les enfants catholiques à la disposition de la charia catholique qui, il faut le dire, trouve que la pédophilie n’est pas un bien grand crime, et peut-être pas un crime du tout.

En d’autres termes, l’Etat, si jaloux de sa prééminence en d’autres matières, laisse l’Eglise catholique régler des questions qui relèvent des tribunaux, et lui accorde, de facto, un statut d’Etat dans l’Etat.

Tous égaux devant la médecine… Surtout les hommes

Un article de Martin Winckler pris dans Liberation

Penser le soin au féminin reste un progrès à mettre en œuvre. Les médicaments sont toujours testés sur les hommes, et donc pour eux, les affections touchant les femmes sont moins bien – ou pas du tout – étudiées.

La pensée médicale classique repose sur plusieurs présupposés dogmatiques : connaître la physiologie humaine (le «normal») permet de reconnaître la pathologie (les anomalies, les maladies) ; c’est au médecin seul qu’il appartient de dire ce qui est «normal» et ce qui ne l’est pas, afin de traiter le patient ; le médecin «sait», le patient est ignorant ; les progrès scientifiques permettront de prévenir et d’éradiquer les maladies.

Après la Seconde Guerre mondiale, la technologie a crû de manière exponentielle, et beaucoup de maladies sont aujourd’hui mieux traitées – dans les pays riches surtout. Mais les trente années qui viennent de s’écouler sont venues bousculer la donne. Aujourd’hui, l’éthique biomédicale ne tient plus pour «naturel» que les médecins décident pour les patients, mais milite pour l’autonomie de ces derniers. Récemment, de nombreux travaux scientifiques ont remis en question le dépistage précoce du cancer du sein ou celui de la prostate, en soulignant les risques de surdiagnostics et de traitements mutilants infligés à des patientes qui n’en ont pas besoin. Enfin, les frontières entre physiologie et maladie ne sont plus aussi tranchées qu’on l’a longtemps affirmé. Ainsi, les connaissances actuelles en biologie et en neurosciences attestent que le genre, l’identité et l’orientation sexuelles d’un individu ne se résument ni à son anatomie ni à ses chromosomes ; l’homosexualité, la bisexualité, l’asexualité et la transsexualité ne sont pas des «anomalies», mais autant de nuances sur la riche palette de la nature humaine. Et même en France, où l’on est encore très en retard sur ces questions, un récent rapport du Défenseur des droits énonce clairement qu’il est hors de question d’imposer une intervention «correctrice» à un enfant intersexe avant qu’il ou elle ait atteint l’âge suffisant pour exprimer son sentiment et ses désirs à ce sujet.

Bien sûr, il y a encore du chemin à faire. La lutte contre les préjugés demande beaucoup de temps. Mais tant qu’à abattre les vieilles idoles, le temps est venu de s’attaquer au «principe» le plus archaïque de la pensée médicale – à savoir son ancrage au corps masculin.

Aujourd’hui, tout médecin apprend le normal et le pathologique à partir du corps des hommes. Or, comme le rappelle Peggy Sastre dans un ouvrage récent (le Sexe des maladies, éd. Favre, 2016), l’invisibilité des particularités féminines a de nombreuses conséquences délétères : les médicaments sont toujours testés sur des hommes, et donc pour eux ; les affections touchant spécifiquement les femmes sont moins bien – ou pas du tout – étudiées ; les symptômes évoqués par les femmes sont très souvent minimisés, ignorés, méprisés, voire attribués à leur «inconscient». Autrement dit, les médecins d’aujourd’hui apprennent à ne soigner qu’une moitié de l’humanité. L’autre moitié est au mieux confinée à une spécialité ghetto (la gynécologie obstétrique) qui appréhende ses organes reproducteurs de manière autoritaire, comme en atteste la surmédicalisation de la grossesse et de l’accouchement ; au pire, elle est passée complètement sous silence : dans les facultés de médecine françaises, on n’enseigne pas la physiologie sexuelle ; on n’enseigne que les maladies, les «troubles» et les «dysfonctionnements» des organes sexuels, et d’abord ceux des femmes, puisque, c’est bien connu, les hommes ne se plaignent pas, tandis que les femmes «s’inventent» tout le temps quelque chose.

Il ne suffira pas, cependant, de dénoncer le sexisme ancestral dans lequel s’est momifiée la pensée médicale. Il est urgent, en toute bonne logique scientifique, de prendre pour repères et pour normes de l’enseignement médical la physiologie et le corps féminins. Ce changement de paradigme, simple mais radical, aurait des conséquences bénéfiques considérables.

Le corps féminin est beaucoup plus complexe, plus varié et plus subtil dans sa physiologie que le corps masculin. Il traverse, tout au long de la vie, des changements et des transformations dont nous avons tout à apprendre, à commencer par les différences entre maladie et souffrance. Ainsi, les règles sont un phénomène physiologique ; avoir mal ne l’est pas. Quand une femme dit souffrir de ses règles, beaucoup de médecins répondent «c’est normal !» ou «c’est comme ça» parce qu’elle n’est pas «malade». Quand une femme consulte pour des douleurs chroniques diffuses, elle s’entend souvent dire «c’est dans la tête». Beaucoup de médecins ne voient que les maladies, et non la personne qui souffre. On leur a appris à traiter (les hommes), on ne leur a jamais enseigné à soigner (les femmes) ! On leur a appris à tout voir sous le prisme de la maladie, jamais sous celui de la vie à accompagner.

Sur dix patients, sept sont des femmes. Il n’est pas tolérable, d’un point de vue éthique, social et scientifique, que les médecins reçoivent peu ou pas d’enseignement sur des affections chroniques fréquentes frappant exclusivement ou majoritairement des femmes, telles l’endométriose, la migraine, le syndrome du côlon irritable, les troubles du comportement alimentaire, l’obésité, l’asthme, le syndrome prémenstruel, la broncho-pneumopathie obstructive, les maladies auto-immunes et les syndromes douloureux diffus (fibromyalgie, entre autres).

De plus, la santé d’un individu découle directement de son statut socio-économique. A statut équivalent, les femmes sont moins bien soignées parce que leurs symptômes sont souvent négligés. Penser la médecine au féminin, c’est œuvrer pour l’équité et la justice sociale.

Enfin, les femmes ne consultent pas seulement pour elles, mais aussi pour leurs enfants, parents et conjoints. Et elles ne se privent pas de communiquer et de partager ce qu’elles ont observé avec les médecins qui veulent bien les écouter. Centrer l’enseignement de la médecine sur la vie des femmes et leurs perceptions de la santé permettrait de mieux soigner tout le monde. Alors, au lieu de passer du temps à leur «expliquer» de quoi elles souffrent ou non, la profession médicale gagnerait beaucoup à écouter ce que les femmes ont à dire de leur vie – et à en tirer les leçons.

Martin Winckler

 

Les pieds dans les étriers

La vulve bien ouverte

Par Mado

« Je lui racontai les étriers, je lui dis que je me servais de moi parce que je m’avais sous la main, mais que je voulais nous écrire, nous-femmes, nous-filles, “Et puis tu as de l’expérience en la matière”, ça, on rigole tous les deux, et je lui dis mes amies proches, je ne lui raconte rien de qui, je lui dis, je fais la liste et ça m’enrage, je lui dis, ce texte il est là pour nous, pour moi-nous, parce que je ne supporte plus de nous voir serrer les dents… »

Ce texte est le premier d’une série de six articles issus du no 3 de Jef Klak, « Selle de ch’val », et publiés à l’occasion de la sortie prochaine du no 4, « Ch’val de course », sur les jeux et le risque.

On peut lire (en ligne ou en PDF0 cet article par ici.

JUSTICE, VOUS AVEZ DIT JUSTICE ? À propos du verdict scandaleux de la cour d’assise de Nanterre du 17 mars 2017

 Dre Muriel Salmona, 20 mars 2017
À propos du verdict scandaleux de la cour d’assise de Nanterre du 17 mars 2017 qui a acquitté 7 jeunes accusés d’un viol en réunion d’une adolescente de 14 ans
Pétition à signer ICI pour que le parquet fasse appel

http://www.mesopinions.com/petition/justice/acquittement-scandaleux-7-jeunes-accuses-viol/29114

 Le verdict scandaleux de la cour d’assise des mineurs des Hauts de Seine rendu le 17 mars 2017, jette une lumière crue sur la réalité catastrophique du traitement judiciaire des viols, et sur le déni et la culture du viol qui sont trop souvent à l’oeuvre au sein de la justice. 
Les sept garçons (mineurs pour 6 d’entre eux) accusés de viol en réunion en 2011 sur une adolescente de 14 ans ont été acquittés. Pourtant deux autres garçons impliqués eux aussi, mais âgés de moins de 16 ans, ont été déclarés coupables de viol en réunion et condamnés à 3 ans de réclusion criminelle avec sursis par le tribunal des enfants.
Le Parisien relate ainsi les faits : «La nuit de cauchemar de l’adolescente remonte à septembre 2011. Cette jeune fille déjà grandement éprouvée par les viols incestueux qu’elle a subis de son père – celui-ci a d’ailleurs été condamné à huit ans de prison pour viol sur mineur par ascendant – ouvre la porte à un jeune homme lui demandant si son père est là. Le père était gardien d’immeuble dans cette grande cité d’Antony. L’homme est alors au travail, le jeune homme qui vient de sonner s’en va. Une demi-heure plus tard, nouveau coup de sonnette. Elle croit que le visiteur revient. Mais c’est un groupe de jeunes qui s’engouffre dans l’appartement. Certains se cachent en partie le visage, ils évitent de s’appeler par leurs noms… En quelques instants, l’adolescente est assaillie dans la salle de bains et dans la chambre de ses parents, où elle ne trouve pas d’autre issue que celle de se soumettre à ses agresseurs. Qui ne l’épargnent pas. Le calvaire a duré environ trois heures.» On apprend qu’un des neuf garçons faisait le guet pendant ce temps là. 
Ce qui est décrit ressemble à s’y méprendre à un viol en réunion prémédité, un crime extrêmement  traumatisant qui entraîne chez la victime une sidération qui la paralyse, un stress extrême et une dissociation traumatique de sauvegarde avec une anesthésie émotionnelle qui la met sous emprise et  dans l’incapacité de se défendre et de réagir.
Pourtant, la cour d’assise des mineurs des Hauts de Seine a considéré qu’ils n’avaient pas usé de violence, menace, contrainte ou surprise pour la pénétrer à tour de rôle, et qu’ils n’avaient pas eu conscience d’un défaut de consentement de la plaignante, et qu’il n’y avait donc pas eu viol (1).
De fait la cour considère qu’une fille de 14 ans peut être consentante à être pénétrée à tour de rôle par huit garçons de 15 à 20 ans qu’elle ne connaissait pas à l’exception d’un seul, et que ceux-ci n’ont eu ni l’intention ni la conscience de la violer !
Donc circulez il n’y a rien à voir ! Ils ont juste profité d’une occasion qu’ils ont eux-même provoquée, d’une «fille facile», sans se poser de question sur l’horreur de ce qu’ils faisaient, sans se poser de question sur les raisons pour lesquelles une adolescente semblait «accepter» et «supporter» des pénétrations sexuelles par 8 garçons, sans qu’aucun d’entre eux ne se dise à un moment : «ce n’est pas possible on ne peut pas faire ça à une fille quand bien même elle parait ne pas s’y opposer, ce n’est pas possible on a pas le droit de faire ça à un être humain, pas le droit de l’utiliser, de le dégrader ainsi». Il faut partager à neuf un mépris inconcevable pour l’adolescente à qui ils font cela, il faut être excité par la transgression, l’humiliation et le rapport de domination, il leur était impossible de ne pas en être conscient. Ce n’est pas parce qu’une personne ne s’oppose pas, voir même accepte de subir des actes violents, dégradants et portant atteinte à sa dignité que cela autorise autrui à les commettre. Ce n’est pas parce qu’une personne accepte d’être tuée ou mutilée que celui qui la tue ou la mutile n’est pas considéré comme un criminel.
De fait, la cour entérine un scénario pédo-pornographique entre une fille de 14 ans et neuf garçons de 15 à 20 ans, et elle le considère comme normal…
Or, ce qui s’est passé n’est rien d’autre qu’une torture sexuelle, un acte inhumain aux conséquences psychotraumatiques gravissimes. Comment est-il possible qu’il n’ait pas été reconnu comme un crime sexuel aggravé par la cour d’assise ? Comme je l’écrivais dans un billet récemment à propos de plusieurs traitements judiciaires particulièrement inhumains : «Ils n’ont pas peur !…»
L’adolescente était déjà en détresse, gravement traumatisée par des viols incestueux commis par son père quand elle avait 12 ans, ce qui explique d’autant plus qu’elle ait pu sembler tolérer l’intolérable. Les neuf jeunes ont donc pu profiter d’un état traumatique et d’une grande vulnérabilité.  Elle présentait, comme tout enfant victime de viol incestueux exposé à son agresseur, une dissociation traumatique de survie l’anesthésiant émotionnellement et physiquement et la mettant dans l’incapacité de se défendre, et une mémoire traumatique lui faisant revivre sans cesse les viols et les mises en scène que son père lui imposait. Comme tout enfant victime de viol, elle ne pouvait se voir que comme bonne qu’à ça, n’ayant aucune valeur, aucun droit… avec comme le rapporte l’article du Parisien un «sentiment de salissure et de dégoût d’elle-même», qui l’ont rendue «vulnérable et fragile», selon l’expert psychologue. Ses agresseurs ont donc rajouté du traumatisme au traumatisme, de l’horreur à l’horreur.
Ce verdict incompréhensible est pour elle d’une très grande violence, il lui signifie qu’effectivement, elle n’est bonne qu’à  être pénétrée, humiliée, dégradée, salie, et que les neuf garçons avaient le droit de lui faire ça, que ce n’est pas un crime. Que peut-elle penser ? Qu’elle n’a aucune valeur, aucun droit, qu’on ne lui reconnait aucune dignité, qu’ils peuvent recommencer, qu’elle ne sera pas protégée ? Que la sexualité c’est cela, subir l’horreur ?
Il s’agit d’un verdict inacceptable, qui démontre une complicité avec les agresseurs, qui leur assure une totale impunité, et qui entérine un monde de domination masculine, un monde sexiste où les femmes et les filles sont considérées comme des objets sexuels. Un monde où la sexualité masculine se décline en termes de privilèges, de jeux cruels et de prédation, et celle des femmes en termes d’instrumentalisation, de soumission et d’assimilation à des proies. 
Un monde où sexualité et violences sont souvent confondues, où des mises en scène sexuelles de rapport de force, de haine, d’humiliation et d’atteintes à la dignité humaine et à l’intégrité physique et psychologique des femmes sont tolérées et même considérées comme excitantes. Un monde où les femmes sont supposées aimer être prises de force, être injuriées, malmenées, dégradées. 
Un monde enfin, où la sexualité est présentée comme une zone de non-droit où la transgression fait partie des règles, où exercer les pires violences peut se faire sous couvert de jeux sado-masochistes, où les femmes et les filles peuvent être considérées comme des objets à consommer à la chaîne. 
Dans ce monde de prédation, la menace de subir des violences sexuelles est omniprésente pour les femmes et les filles dès leur plus jeune âge, et c’est intolérable. Une fille sur cinq, un garçon sur 13 ont subi des violences sexuelles, une femme sur 6 a subi des viols et des tentatives de viols au cours de sa vie, et chaque année 83000 femmes, 14000 hommes, 120000 filles et 30000 garçons subissent des vols et des tentatives de viols (3). Les filles sont les principales victimes de violences sexuelles, rappelons que notre enquête de 2015 Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte a montré que 81% des violences sexuelles démarrent avant 18 ans, 51% avant 11 ans, et 21% avant 6 ans (2).
Et dans ce monde particulièrement injuste et cruel, règnent le déni et la culture du viol, c’est à dire la culture des dominants : les violences sexuelles sont niées ou banalisées et minimisées, leurs conséquences ne sont pas reconnues mais intégrées comme des traits de caractères dits féminins ou comme des pathologies névrotiques ou psychotiques, les victimes de violences sexuelles sont considérés comme a priori consentantes à leur destruction, coupables ou responsables de ce qui leur arrive, soupçonnées d’avoir aimé être dégradées. Tandis que les violeurs bénéficient presque toujours d’une grande tolérance, voire d’une complicité, et d’une quasi totale impunité (sur les 10% de plaintes pour viols 60 à 70% sont classées sans suites, 10 % seulement aboutiront à une condamnation, soit 1% de l’ensemble des viols) (3). 
Les agresseurs sont tranquilles, leurs stratégies et leur intentionnalité de détruire, de dégrader, d’humilier, de soumettre, d’instrumentaliser et d’en jouir ne sont presque jamais reconnues comme telles, la victime qui les a vécues n’est pas entendue, ni crue, et l’intensité de son traumatisme qui en fait foi n’est presque jamais pris en compte. La grande majorité des victimes sont abandonnées, elles sont 83% à témoigner n’avoir jamais été ni reconnues, ni protégées (2). Personne, ou presque n’a peur pour elles et pour de futures victimes. Ce monde où nous vivons manque cruellement de solidarité pour les victimes, c’est elles qui sont considérées comme coupables, et les agresseurs qui bénéficient de soutien et de protection. Le monde à l’envers.
Les agresseurs sexuels peuvent donc se considérer dans leur droit : ils ont bien le droit de se défouler, de s’amuser, de jouir sans entrave de leurs violences (4). Les femmes et les filles sont faites pour ça, peu leur importe ce qu’elles veulent, ce qu’elles ressentent, leur douleur, leur souffrance, leur détresse, leurs traumatismes qui auront de graves conséquences à long termes sur leur vie et leur santé mentale et physique, peu leur importe le risque élevé de suicides. Ils ne s’en sentent pas responsables. Les femmes, les filles, à leurs yeux n’ont pas les mêmes droits, ce sont des esclaves domestiques et sexuelles.
Dans un monde à l’endroit, un monde juste, égalitaire, solidaire et protecteur, un monde respectueux des droits de chaque personne à ne subir aucune atteinte à sa dignité et à son intégrité :
  • avant tout cette adolescence aurait été protégée de son père incestueur, et aurait bénéficié de soins, et à 14 ans elle n’aurait pas été dans cet état de dissociation traumatique de survie qui l’a rendue très vulnérable, sa mémoire traumatique aurait été traitée, et elle aurait eu la capacité de s’opposer et aurait été consciente de sa valeur et de ses droits ;
  • cette adolescente de 14 ans aurait été reconnue victime de viol en réunion, et les agresseurs reconnus coupables et condamnés. Elle aurait eu droit à des réparations pour les préjudices subis, et elle aurait été protégée des agresseurs et prise en charge. Les agresseurs auraient été suivis, soignés et surveillés pour qu’ils n’agressent pas à nouveau ;
  • elle n’aurait pas pu être présumée consentante à des actes sexuels commis en réunion par neuf jeunes, une contrainte morale aurait été reconnue, ainsi qu’une vulnérabilité liée à de graves troubles psychotraumatiques dont un état dissociatif avec anesthésie émotionnelle entraînant une incapacité à exprimer sa volonté et un consentement libre et éclairé ;
  • dans un monde à l’endroit, le consentement à des actes de pénétration ne devrait en aucun cas être pris en compte par la loi en dessous de 15 ans. Le viol devrait être qualifié sans avoir à prouver «la violence, la contrainte, la menace,  ou la surprise. Non seulement un enfant ne saurait avoir la capacité, ni la maturité émotionnelle et affective à consentir à un acte sexuel, et surtout il doit être absolument protégé d’actes qui du fait de son jeune âge portent atteintes à son intégrité physique et psychique, et à son développement affectif ;
  • de même, le consentement à des actes dégradants, humiliants, portant atteinte à la dignité humaine ne devrait en aucun cas être considéré comme valide quel que soit l’âge de la victime, et ne saurait dédouaner ceux qui les commettent.
Dans un monde à l’endroit, un tel verdict est inconcevable ! Nous espérons que le parquet fasse appel de cette décision inique.
Pas de Justice, pas de Paix !
Mobilisons-nous pour que ces injustices cessent ! 
Exigeons que justice soit enfin rendue aux victimes de viol  !Exigeons que les agresseurs ne bénéficient plus d’une  tolérance coupable et d’une impunité scandaleuse !
Exigeons des procédures judiciaires justes, respectueuses des droits et protectrices pour les victimes !
Soyons solidaires des victimes de violences sexuelles, et luttons pour que soient respectés les droits de chaque victime à être protégée, reconnue, soignée, et à accéder à une justice digne de ce nom !
Dre Muriel Salmona
psychiatre
présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie