Avortement, les croisés contre-attaquent

Avortement, les croisés contre-attaquent

Article repris du site Quartiers libres

Partout en Europe, de nouveaux militants, très organisés, mènent une redoutable croisade contre l’avortement et la liberté des femmes à disposer de leur corps. Une passionnante – et inquiétante – enquête dans ces réseaux d’influence. Plus de quatre décennies après la loi Veil (1975), le droit à l’avortement subit une offensive concertée en Europe, menée par une nouvelle génération de militants, maîtres en communication et en pétitions.Dans les pays de l’Est, de la Pologne à la Hongrie, il a reculé sous l’égide de gouvernements ultraconservateurs, tandis qu’en Italie, sous l’influence de l’Église, 70 % de gynécologues « objecteurs de conscience » refusent désormais de pratiquer l’IVG – légale depuis quarante ans –, privant les femmes de la liberté à disposer de leur corps. En France, une petite légion d’activistes pro-life, avec à sa tête un jeune publicitaire, porte le combat sur le terrain culturel auprès des 15-35 ans, au travers des médias et des réseaux sociaux. Entre séduction et désinformation, leur campagne mêle conservatisme et style pop, reprenant pour mieux les détourner la terminologie des féministes. Fédérés et remarquablement organisés, ces soldats antiavortement exercent en outre un puissant lobbying à Bruxelles. Qui se cachent derrière ces croisés modernes, qui mutualisent leurs pernicieuses méthodes de persuasion et invoquent les atteintes aux droits de l’homme et la liberté de choix (de vivre) dans leur guerre contre l’IVG ?
Au fil d’une rigoureuse investigation qui donne la parole à ces activistes comme aux femmes victimes de leur offensive, Alexandra Jousset et Andrea Rawlins-Gaston remontent ces réseaux pour dessiner une inquiétante carte d’Europe. Un état des lieux d’autant plus glaçant que ces croisés assument avec affabilité leur terrorisme psychologique, comme lors de cette séquence où des catholiques en Italie enterrent solennellement des fœtus collectés dans les hôpitaux. Le film met aussi au jour les circuits de financement de ces mouvements pro-life, très discrètement parrainés par de riches fondations américaines, liées à l’ultradroite et aux milieux évangélistes, comme par quelques oligarques russes, fondamentalistes orthodoxes. « Vous devrez rester vigilantes votre vie durant« , prophétisait Simone de Beauvoir, s’adressant aux femmes il y a 70 ans. Dont acte.

Un documentaire à voir sur YouTube

Documentaire d’Alexandra Jousset et Andrea Rawlins-Gaston (France, 2017, 1h30mn) ARTE F

Les musulmans, la France et la sexualisation de la culture nationale

« Sexagon » de Mehammed Amadeus Mack

Refusant de choisir entre la « libération » que la France veut leur imposer et la « répression » qui serait inhérente à leur religion, de nombreux musulmans inventent de nouvelles pratiques sexuelles et de genre.

Le 9 janvier, Le Monde publiait une série d’articles à propos de l’affaire Weinstein aux États-Unis — la révélation d’abus sexuels par le magnat du cinéma Harvey Weinstein et le torrent d’accusations contre d’autres hommes qui a suivi avec le mouvement #MeToo. Le politologue Olivier Roy, arguant que c’est la culture, et non la nature, qui explique le mauvais comportement des hommes, citait les événements de Cologne de 2016 pour rappeler à ses lecteurs qu’on était passé de l’agression sexuelle par des hommes musulmans à celle opérée par des « hommes occidentaux. »

Dans le même numéro du journal, un groupe d’une centaine de femmes éminentes défendait ces « hommes occidentaux », établissant une distinction entre le viol et la drague insistante ou la galanterie. « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle », écrivaient-elles, dénonçant comme « puritaine » et relevant de la « morale victorienne » l’idée que la drague, même « insistante ou maladroite » pourrait constituer un harcèlement indésirable. L’article ne tenait pas compte du fait que les questions liées à l’emploi sont souvent en jeu — l’exercice d’un pouvoir masculin qui force des employées à se soumettre à des rapports sexuels ou les humilie. Au lieu de cela, elles se sont précipitées pour défendre une opinion répandue qui fait de la séduction l’un des traits durables et (pour certains) attachants de l’identité nationale française.

Une « mission de civilisation sexuelle »

La défense d’« une liberté d’importuner » ne faisait pas directement référence aux agresseurs masculins de Cologne, mais c’était implicite. Derrière, la crainte que la « soumission » à l’autorité islamique ne menace la France. Ceux qui encensent la séduction et la galanterie opposent la liberté sexuelle française aux pratiques répressives supposées dictées par l’islam (la Galanterie française de Claude Habib, publié en 2006, en est un bon exemple). En fait, leur conception de la sexualité est devenu un test-clé de l’aptitude des Maghrébins et des ressortissants des pays d’Afrique de l’Ouest à s’intégrer à la nation française. Comme le note Mehammed Amadeus Mack dans Sexagon, « la sexualité est apparue comme un nouveau champ de bataille dans les débats publics quant à savoir si l’immigration d’après-guerre en provenance des anciennes colonies a érodé l’identité française. » (p. 2)

Mack partage l’idée que beaucoup d’entre nous se font de la façon dont ce contraste entre l’islam et « la France » obscurcit les complexités des deux côtés. Il présente de façon fascinante et détaillée des conceptions de la sexualité et des pratiques sexuelles qui demeurent cachées dans les représentations dominantes. Il analyse la façon dont « les minorités africaines et arabes en France se sont écartées ou ont dévié des visions normatives françaises de la sexualité, hétérosexuelle comme homosexuelle ». (p. 2) Il se concentre sur les habitants des « banlieues » et leurs manières de résister à ce qu’il appelle une « mission de civilisation sexuelle », par quoi il entend non seulement les injonctions dominantes de la séduction hétérosexuelle, mais aussi les idées émancipatrices des élites homosexuelles blanches françaises — le « communautarisme » qui définit leur conception universaliste de la libération sexuelle. Dans son livre, il retourne l’accusation habituelle de communautarisme portée contre les musulmans contre les vues normatives françaises.

Les sources de Mack sont nombreuses : le style « viril » adopté par les filles comme par les garçons dans les cités et la fluidité sexuelle qu’il produit ; des lectures alternatives de diagnostics psychanalytiques de « familles brisées » ; une fiction qui dépeint une vie érotique plus complexe dans les banlieues que celle dépeinte dans la presse française ; un cinéma « ethnique » qui s’accorde également à la complexité de manière différente de l’opinion majoritaire ; et la pornographie dans sa mise en scène du désir mêlé des Arabes et des Français : « il apparaît clairement que les forces qui divisent ces communautés sont aussi la clé de leur réconciliation érotique » (p. 267).

Sexagon présente de nombreuses objections intéressantes aux stéréotypes sur la sexualité musulmane. L’une d’entre elles est qu’il est faux de décrire ces communautés comme homophobes. Mack refuse aussi l’opposition modernité/tradition, et insiste au contraire sur le fait que ce qu’il décrit est la quintessence de la modernité : un combat contre des pratiques dominantes qui ne repose ni sur les diktats du Coran ni sur les enseignements des aînés, mais qui est une expression des réalités de la vie des minorités, de pratiques qui font sens dans un contexte de discrimination et de besoin de solidarité. Ainsi écrit-il que le choix des homosexuels musulmans/arabes de rester cachés n’est pas un compromis avec la répression religieuse, mais une forme de dissidence « non seulement de la culture visuelle gaie dominante et de l’impératif d’hyperexposition, mais aussi des accords entre les minorités et le courant dominant qui mettent la diversité sexuelle minoritaire sur la voie de l’homogénéisation et de la stabilisation… L’invisibilité, dans ce contexte, signifie rester un peu plus longtemps dans un espace non réglementé de la diversité sexuelle, libérateur ou pas » (p. 15). Et il n’ y a pas que cela : « Les clandestins immigrés et les clandestins sexuels peuvent se ressembler, dans la mesure où les uns comme les autres cherchent à échapper à la surveillance d’une autorité souvent critique, que ce soit celle de la police ou celle de la modernité sexuelle. » (p. 269)

Nouvelle vision des pratiques des immigrés

S’il y a des critiques à faire à ce livre, c’est qu’il est trop long, souvent répétitif et parfois déroutant, surtout lorsqu’il s’intéresse à ceux qui ont contribué aux stéréotypes de la vie dans les banlieues en ne décrivant que des familles dysfonctionnelles et des adolescents délinquants, et en prenant à tort des normes inconnues et des comportements dissidents pour de la pathologie. Au mieux, l’argumentation de Mack à leur propos est claire, mais parfois les lignes de désaccord sont floues. Dans le chapitre sur la psychanalyse, par exemple, il devient difficile de comprendre qui il critique et pourquoi, puisque certains de ceux avec qui il semble être en désaccord (par exemple la discussion de Tahar Ben Jelloun sur l’impuissance des hommes immigrés) corroborent certains de ses propos sur la nécessité de prendre en compte l’expérience sociale et économique. Dans ce chapitre également, les distinctions de Mack sont difficiles à suivre : est-ce la psychanalyse tout court qu’il condamne ou ce qu’il appelle alternativement et confusément la psychanalyse « conservatrice », « officialisée » ou « républicaine » ? Et on peut se demander quelle théorie psychanalytique a influencé ses propres lectures de l’érotisme, du désir, du fantasme et des possibilités politiques de la pornographie.

Ces objections mises à part, l’ouvrage est important parce qu’il se concentre non pas tant sur les raisons des fausses représentations françaises des populations « immigrées » — ce que beaucoup d’entre nous ont fait depuis longtemps —, mais sur les sexualités créatives, imaginatives et ingénieuses produites par ces populations, qui contribuent à « queeriser » (remettre en question) les paradigmes sexuels dominants, même ceux jugés transgressifs. Face à un discours déjà sexualisé à leur sujet, Mack démontre qu’ils ont « une sexualité liée de façon créative à la race, à la religion et à la classe d’une manière qui conserve leur intersectionnalité » (p. 269). Sexagon dévoile ainsi une nouvelle vision des sexualités musulmanes qui devrait clore définitivement la discussion sur « leur » répression versus « notre » libération. C’est cela, surtout, qui fait la grande valeur de ce livre.

Les Gracieuses : un film de Fatima Sissani en projection à Forcalquier

En collaboration avec Radio Zinzine, Agate, Armoise et Salamandre présente

Les Gracieuses, un film documentaire de Fatima Sissani

GRACIEUSES1au cinéma le Bourguet  
le vendredi 3 avril 2015 à 18h30
Prix : 5 euros
La projection sera suivie d’un débat en présence de la réalisatrice

Les Gracieuses
un film de Fatima Sissani / 79 minutes. Six jeunes femmes. Proches de la trentaine.Elles sont nées dans le même immeuble de la cité des Mordacs à Champigny Sur Marne,banlieue ouest. Elles ne se sont pas quittées depuis l’enfance. Une relation fusionnelle. Elles racontent, joyeuses et à toute vitesse, cette amitié presque amoureuse et aussi l’identité,les rapports de classe, la relégation spatiale, sociale….

Vade retro spermato, le site

Page d’accueil du site Vade retro spermato

Dès la fin des années 70, dans plusieurs villes de France, des hommes réagissent aux questions soulevées par le féminisme sur le rôle respectif des sexes dans la société, dans la famille et dans le couple. Plutôt jeunes, entre vingt et trente cinq ans pour la plupart, ces hommes issus de tous les milieux sociaux reprennent à leur compte dans leur vie quotidienne les remises en cause profondes des comportements traditionnels, notamment dans les rapports de sexes. Nombre d’entre eux vivent en couple et se posent la question de pouvoir assumer leur contraception.

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Constitués en groupes de paroles, ils en viennent à explorer concrètement les pistes d’une contraception masculine possible. La plupart des groupes s’orientent vers une contraception hormonale. Ils mettent au point, dans un contexte de suivi scientifique et médical rigoureux, une série de méthodes qui s’avèrent opérationnelles. Ces hommes utiliseront pendant plusieurs années ces méthodes qui préfigurent celles mises en place actuellement.

À Toulouse plus particulièrement, le groupe qui se forme orientera son travail collectif dans une direction inédite. Après quelques essais, ils s’intéressent à un domaine peu exploré, la contraception par la chaleur. Plusieurs d’entre eux vont au fil des ans utiliser, avec succès, la méthode qu’ils ont conçue.

Au-delà de la question de la contraception, les hommes de ces groupes, tous ceux qui ont participé à ce grand mouvement national, ont connu une expérience unique de liberté de paroles par rapport à eux-mêmes, brisant le silence spécifique de leur genre sur la sexualité, contribuant ainsi à changer fondamentalement leur rapport aux femmes et aux autres hommes.

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Mais la fin des années 80 est marquée par le non-renouvellement des forces militantes. Les groupes issus d’ARDECOM n’échappent pas à cette page qui se tourne.

Le silence est désormais retombé sur ces remises en question, dans une période d’appauvrissement et de nivellement idéologique sans précédent.

Le film, au delà du témoignage de ces hommes qui ont participé à une aventure méconnue et hors du commun, fait le point sur l’état actuel d’une contraception masculine qui existe, en fait, et qui est maintenue artificiellement à l’état expérimental, des différentes pistes dans ce domaine dégagées à l’époque aux pratiques actuelles qui fonctionnent, avec des andrologues qui ont suivi l’évolution de ces pratiques depuis trente ans.

Voir le site : vaderetrospermato.wordpress.com

Projection du Pendule de Costel – Jeudi 5 juin

Jeudi 5 juin, à partir de 19h00,

à la Salle Pierre Michel à Forcalquier

(mairie – place du Bourguet)

Projection du film documentaire

Le Pendule de Costel

de Pilar Arcila

Issus de la communauté Rom de Roumanie, Costel et sa famille élargie se déplacent entre la France, la Suisse et leur propre pays, à la recherche d’un moyen de gagner leur vie. Film de famille et archive poétique du présent, le documentaire se place à la croisée des regards et suit leur quotidien fait de débrouilles, de croyances et de survie.

Entre errance et migration économique, le parcours de Costel nous parle d’une Europe à économie variable mise à l’épreuve de ses rêves et de ses communautés les plus démunies.

Pendule 6

68 min, DV, SP8 N/B et couleur, 2013
Réalisation, Pilar Arcila
Production, Kamatomi Films et Ab Joy Productions.

Sélections : FID 2013, Lussas 2013, Douarnenez 2013, Sales Bobines, St Denis 2013, Écrans Documentaires d’Arcueil 2013, L’Alternativa, Barcelone 2013, Les Inattendus, Lyon 2014, Festival Filmer Le Travail, Poitiers 2014, Forum du Film Documentaire d’Intervention Sociale, Nantes 2014, Biennale des écritures du réel, Marseille 2014

La projection commencera à 20h30 et sera précédée d’un repas à prix libre et suivie d’une discussion avec la réalisatrice.

Nous présenterons aussi le projet d’échange interculturel « Etoiles, au-delà des frontières » qui aura lieu cet été à Belgrade. Il y aura une caisse de soutien pour ce projet.