À Forcalquier du 8 au 24 février: Ragots, bobards et autres cancans

Demandez le programme !

C’est par ici: Rumeursprogramme

mais si vous préférez du bon vieux texte, en voilà:

Ça commence  par:

  • le 8 février – 20h au local associatif Place du Palais à ForcalquierGroupe de Parole Le conflit de loyauté

    Événement proposé par l’association NAISSANCES

    Quel lien entre rumeur et conflit de loyauté ? L’enfant, dépendant des adultes et de ses parents, peut parfois être amené à dire ou faire quelque chose sans que ceci lui soit explicitement demandé, et ce pour maintenir le lien et le soin de l’adulte sans lequel il ne peut se suffire. C’est à travers ce sujet que nous réfléchirons ensemble aux mécanismes de soumission que l’on peut imposer aux enfants et comment leur offrir davantage de liberté d’action et d’expression.

  • Ça continue comme ci…

  • Lundi 12 – 11hémission musicale Commune Oreille

    Commune Oreille s’en va arpenter les rumeurs qui se déclament en musique et sons en tous genres. Le tout, sous licence libre… en tout cas c’est ce que l’on dit… ou laisse entendre !

    Émission à réécouter et à télécharger sur : http://commune-oreille.blogspot.fr/ Rediffusion le 18.02 à 20h

  • … et comme ça:

  • Jeudi 15 – 18h30/5€ – Cinéma Le BourguetPanique – Julien Duvivier France / 1946

    Après la projection : apéro et repas à la salle Pierre Michel à partir de 20h30

Monsieur Hire est un homme que les villageois jugent comme bizarre et presque inquiétant. Lorsqu’un crime est commis, le vrai coupable cherche donc à faire porter le chapeau à ce coupable idéal. La rumeur prend puis s’emballe.

Avec Michel Simon, Viviane Romance, Paul Bernard, Charles Dorat, Max Dalban

  • Et aussi :

 

  • Et encore:

    • Samedi 17 – 15h30/17h30Atelier Parents/Enfants Écriture & arts plastiques

      Parce que la rumeur touche aussi les enfants, et que peu d’espaces sont proposés pour l’évoquer avec eux, cet atelier propose de traiter la question au travers d’un moment ludique et créatif. Autour du livre La rumeur de Venise de Germano Zullo aux éditions La Joie de lire. Atelier limité à 12 participant-e-s / A partir de 7 ans Renseignements et réservations : 06 60 08 31 37

  • Ce n’est pas fini… :

    • Jeudi 22 – Librairie La Carline – 18h30Rumeurs en livres

      Présentation suivie d’un débat autour d’un apéritif

      Un moment pour approcher la ou plutôt les rumeurs à travers des essais sociologiques, historiques et philosophiques, et peut-être aussi quelques œuvres de fiction.

      Rencontre proposée par Antiopées et l’Université Populaire Graines de savoirs avec le soutien de la librairie la Carline.

  • … et ça se termine en beauté:

    • Samedi 24 – Caves à Lulu – 18/20hThéâtre Forum

      Comment naît une rumeur ? Qui alimente la rumeur ? De quelle façon pouvons-nous contribuer à la nourrir ou au contraire à l’éteindre ? Qui est concerné par la rumeur ? Quels dégâts peut faire une rumeur ? Nous allons réfléchir ensemble à l’aide du théâtre forum. Une forme de théâtre où la salle est invitée à participer, à monter sur scène : il n’y aura pas de simples spectateurs mais des spect-(actrices)-acteurs, qui pourront modifier la suite de l’histoire à travers leurs idées, réflexions et questionnements.

      Proposition de l’association Interférence

    • 20-21h : Apéro/repas
    • 21h : Projection + débat accompagné L’école du soupçon (M.-M. Robin 52’ / 2007 )
    • Ce film pointe les dérives de la lutte contre la pédophilie. Sans atténuer la nécessité de combattre ce fléau et de démasquer les coupables, le dispositif de contrôle adopté par l’Etat -signalement systématique et imposé du moindre ”fait” suspect- a parfois des conséquences très néfastes. Marie Monique Robin enquête sur les mécaniques à l’origine de fausses accusations et de vies brisées. Elle montre comment cette situation mine l’ensemble du corps enseignant et menace l’équilibre même des enfants.

22H30 : Clôture festive et musicale !

En échos, du 06 au 26 février sur les ondes de Radio Zinzine, une programmation de reportages et de fictions radiophoniques ! Cf. programme complet, dans la rubrique programme sur le site de Radio Zinzine: Y a-t-il 1 exhibitionniste au village ? // Reportage de Arte Radio (14′) Le Couloir // Fiction de Arte Radio (14′) La Rumeur // Émission Tribu avec Pascal Froissard maître de conférence en science des communications et spécialiste de la rumeur (RTS / avril 2017 / 26′)

Nouveautés à la bibliothèque de Corps et Politique

Voici déjà un certain temps que nous rêvions de pouvoir créer un outil qui vous informerait des nouveaux livres que nous recevons à la Bibliothèque-infokiosk féministe de Forcalquier, chez Agate, armoise et salamandre – Corps et politique, car on en reçoit pas mal ! Et ça y est, on a réussi à le créer cet outil ! Ces livres sont pour la plupart des livres neufs, que soit, nous recevons à travers des éditeurs qui nous les envoient en service de presse ou alors, parfois ce sont des cadeaux  – oui oui, la mère Noël est passée par là ! – ou parfois nous les achetons si on trouve des bonnes occasion. Peut être d’en recevoir la liste pourra vous aider à faire plus souvent le petit détour par Forcalquier au 13, rue des Cordeliers, pour venir en emprunter ??? Certains de ces livres sont aussi plus longuement décrits ici-même.  Puis il y a aussi les revues, les brochures, (à acheter ou emprunter) et les CDs et les DVDs (à emprunter) !
Nous vous le rappelons, toute personne peut emprunter un ou plusieurs livres pour 1, maximum 2 mois, à condition d’adhérer (au prix libre!) à notre association. C’est simple ! En tout cas, n’hésitez-pas à venir nous voir, soit le lundi entre 10 h et 13 h ou le samedi entre 16 h et 19 h. A très vite!

Pour voir les 4 pages des nouveautés de janvier, c’est par ici: Liste-nouveautes-janvier2018

Les «frotteurs», un «non-évènement»? 13 de leurs victimes répondent

Des femmes ayant subi des agressions dans le métro répondent à la tribune du Monde.

Publié le 13 Janvier, 2018 à 3:46 p.m. sur Buzzfeed

 Dans une tribune publiée dans Le Monde, un collectif de 100 femmes a écrit :

«Surtout, nous sommes conscientes que la personne humaine n’est pas monolithe : une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une « salope » ni une vile complice du patriarcat. Elle peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement.»

Mais pour les victimes de frotteurs, ces agressions sont loin d’être un «non-événement». Voici leurs témoignages.

Mélanie, 29 ans, photographe/vidéaste

«La première fois que j’ai été confrontée à un frotteur a aussi été la plus traumatisante, puisque j’ai veillé ensuite à ce que ça n’arrive plus jamais. C’était en 2008, j’étais en première année de BTS, et je vivais à Paris depuis seulement six mois. Je n’étais du coup pas encore très au fait de ce genre de phénomène. Dans une rame de métro bondée, à 8 heures du matin, je me suis retrouvée le dos collé à un homme (la quarantaine, un physique affreusement normal) et j’ai juste senti son sexe glisser contre le haut de ma fesse. Mon premier réflexe a évidemment été de me dire que j’hallucinais et que ça devait être autre chose. Mais le temps que je me pose la question, il avait mis ses deux mains sur mes deux hanches pour ne pas que je me dégage. J’ai essayé de bouger, mais c’était ce genre de wagon où tout le monde est très serré. J’ai pris peur d’un coup et j’ai été pétrifiée. Je me suis sentie devenir livide et incapable de bouger, de parler. J’ai dû attendre la station suivante pour prendre le courage de profiter du mouvement des gens qui sortent du wagon pour me dégager et en sortir. Je suis restée 20 minutes sur le quai, totalement choquée et dégoûtée. J’ai pensé à rentrer chez moi et ne pas aller en cours, mais j’ai finalement décidé d’y aller. J’ai mis des mois à raconter cette histoire à quelqu’un.

Je n’ai jamais plus pris les transports en commun, seule ou accompagnée, en étant sereine. Qu’il y ait du monde ou non, je ne suis plus jamais tranquille, je fais toujours très attention.

À aucun moment ce n’est=t aux femmes de se soucier de la supposée « misère sexuelle » des hommes au point de se laisser tripoter si elles n’en ont pas envie. Libre à chacune de considérer ça comme grave ou non, mais les traumatismes que cela peut engendrer chez certaines personnes ne doivent pas être niés.

Je ne sais pas si « traumatisée » est le terme exact pour me désigner, mais étant donné que j’ai encore le souvenir impérissable de chacune des agressions que j’ai subies et que mon comportement a changé par rapport à celles-ci, on ne doit quand même pas en être loin…»

Fanny, 40 ans, directrice de la relation client

«Malheureusement, je ne compte plus les agressions dans le métro, depuis mon adolescence jusqu’à aujourd’hui. En pantalon, en jupe, maquillée, pas coiffée, peu importe, il n’y a pas de tenue pour repousser les frotteurs. Une fois qui m’a marquée, c’était il y a un an et demi. J’étais enceinte jusqu’aux dents, debout pour quelques stations, car pour une fois la ligne 13 était peu empruntée, et je me suis retournée sur le mec en lui hurlant dessus : « Plus près de moi là, c’est dans ma culotte ! Je t’invite à t’arrêter de suite. » Cette phrase a beaucoup fait rire mes collègues le lendemain, y compris les femmes… Comme si c’était normal de subir ce genre de comportement. Mes voisins de voiture ont incendié le mec, mettant en avant ma « condition ». Ce qui au fond était presque plus irritant, on me défendait car j’étais enceinte, finalement.

Les premières fois, je me sentais honteuse, essayant même de me persuader que ça n’était pas en train de se passer, que c’était dans ma tête, n’osant pas intervenir ou même faire en sorte que cela cesse, comme si je provoquais ce comportement malgré moi et que les gens autour se retourneraient contre moi. Je ne montais plus dans les rames blindées, je me mettais en tête de rame pour être près du conducteur et me coller à la paroi, au cas où. C’est triste quand j’y repense. J’avais fini par ne plus me sentir en sécurité nulle part, puisque à pieds, en métro ou même en taxi, les comportements des hommes étaient quelques fois déplacés, me mettaient mal à l’aise. On en revient à « c’est de ma faute », « ça n’arrive qu’à moi ». Finalement, quand le monde te crie que tu y es pour quelque chose, difficile de se l’enlever de la tête. Et puis en en parlant avec les autres femmes, tu te rends compte que cela arrive à tout le monde, tout le temps, et tu es révoltée qu’on se taise.

Les années passant, j’ai osé parler une fois, puis deux, et désormais je ne me tais plus et je confronte. Maintenant, je ne me sens plus coupable face à ces comportements, je sais que c’est la personne en face (ou plus souvent derrière moi) qui est en faute, donc je n’hésite plus. Et les frotteurs, c’est presque la partie pudique, je ne compte plus les « pénis-surprise » brandis au détour d’un couloir désert, dans des escaliers, ou parfois en pleine rame.

Je ne prends plus le métro entre autres pour minimiser les moments de promiscuité. Toutefois, l’une des dernières fois où je l’ai pris, j’ai été victime d’une main aux fesses d’un type qui sortait de la rame. Son grand sourire vainqueur ne laissait pas de doute sur la nature désirée du geste. Je me suis contentée d’un doigt d’honneur.»

Marie, 30 ans, travaille dans l’édition

«Une des mes premières expériences avec un frotteur, c’était dans le RER A, en 2003. J’avais 15-16 ans, c’était l’été de la canicule. Le RER était bondé, à heure de pointe, et il était bien plus petit et non climatisé à l’époque. J’étais pressée contre la porte d’un côté et j’avais un homme âgé (dans mes souvenirs je dirai 40-45 ans, ce qui me semblait très vieux quand j’avais 15 ans…) en costume-cravate qui était collé derrière moi. Au début, je n’ai pas très bien compris ce qu’il se passait. Je croyais simplement qu’à cause de tout ce monde, il était juste collé contre moi. On était d’ailleurs tous et toutes comme des sardines. Et puis, j’ai commencé à sentir sa main sur ma cuisse, derrière. J’étais en short. Encore une fois, je n’ai pas compris ce qu’il se passait, je pensais naïvement à une erreur. Et puis c’est devenu plus insistant. Il a enlevé sa main et j’ai senti son sexe, en érection bien sûr, entre mes fesses et il a commencé à bouger. J’ai été prise de panique. Je ne pouvais plus bouger. J’ai rien pu dire, rien pu faire. J’étais comme paralysée. Quand les portes se sont ouvertes pour l’arrêt, j’ai quand même eu assez d’esprit pour sortir vite du wagon. Vu que j’étais pressée contre la porte, c’était pas trop difficile. Ce n’était même pas mon arrêt mais je suis sortie. Je ne suis même pas allée où je devais aller. Je suis rentrée chez moi. Je me sentais vraiment sale et honteuse. Et coupable de n’avoir pas réagi. De m’être laissée faire. Je n’en ai parlé à personne sur le coup. J’étais bien trop embarrassée.

Les autres fois où j’ai eu à subir des mains sur la cuisse, sur les fesses, des hommes pressés derrière moi ou qui se pressent contre ma poitrine, je ne disais jamais rien et je n’ai jamais su comment réagir. À chaque fois, j’étais comme paralysée. J’avais peut-être peur. Je me sentais peut-être honteuse. Et puis, passé mes 25-27 ans, j’ai arrêté de me laisser faire. Maintenant, quand ça arrive, je le fais remarquer bien fort dans la rame de métro ou de RER, je menace bien fort de casser des doigts s’ils ne retirent pas immédiatement leur main, je marche sur les pieds des frotteurs par derrière. Depuis que je fais ce genre de choses, je reçois souvent des regards compatissants de la part des autres femmes du wagon, des hommes ou des femmes me proposent souvent de changer de place et l’homme frotteur en question sort assez rapidement de la rame après coup.

Ça ne m’a jamais vraiment empêché de reprendre les transports en commun parce que je n’ai pas d’autre choix. Mais je fais attention : je m’assois à côté de femmes, si possible, j’essaie de rester debout à côté de femmes également. J’utilise mon sac à main ou mon sac à dos comme une espèce de barrière, si je suis seule avec des hommes dans un wagon, je change de wagon.

Je ne sais pas si ça m’a traumatisée. Mais ça me rend méfiante de tout. Je regarde toujours autour de moi, je cherche les sorties possibles. C’est peut-être une forme de traumatisme d’ailleurs. De devoir faire attention à tout autour de soi, en vigilance constante. D’ailleurs, je ne pense pas qu’être traumatisée ou non soit vraiment la question. Ça change certainement le rapport qu’on a avec notre corps d’être sans cesse sexualisée et de ne pas se sentir à l’aise dans l’espace public. La vraie question, c’est d’arrêter de blâmer les femmes pour ce qu’elles subissent, et d’arrêter d’excuser sans cesse les hommes pour ce qu’ils font.»

Salomé, 21 ans, étudiante

«La première fois, c’était en prépa, j’avais 19 ans. Je n’ai pas réussi à réagir. C’était un vieux monsieur et le métro était plein. Je me disais que ce n’était pas de sa faute s’il me collait, et en même temps il avait de la place pour bouger. Je me suis renfermée sur moi en me disant que ça allait passer. Mais la rame se vidait et il ne bougeait pas. Au contraire, il se frottait de plus en plus contre moi. Quand il a fini par partir, j’ai fondu en larmes.

C’était la première fois que ça m’arrivait, je sortais du lycée, j’étais tétanisée. Ça a dû durer cinq arrêts, mais ça m’a semblé une éternité. J’en ai parlé à une amie juste après, et après plus jamais. C’était dur de réexpliquer, de le revivre. J’ai complètement nié ce qui s’était passé.

La deuxième fois, c’était à Paris, l’année dernière. Exactement la même chose : la rame était bondée, un homme en a profité. Mais la différence, c’est que j’avais appris entre-temps à me défendre. J’ai désormais toujours un petit couteau sur moi. C’est super triste à dire, mais c’est comme ça. Alors cette fois, j’ai ouvert le couteau dans ma poche et je lui ai piqué la jambe. Légèrement, sans chercher à le blesser. Je voulais juste qu’il comprenne. Il a reculé tout de suite et est descendu, ce qui prouve bien qu’il avait quelque chose à se reprocher, sinon il serait resté.

Maintenant je suis beaucoup plus méfiante quand je me déplace, je ne peux plus sortir sans cette minuscule arme dans ma poche et je dévisage constamment les gens avant de rentrer dans un métro.»

Aline, 32 ans, responsable communication

«Alors âgée de 19 ans, je suis dans le métro vers la station Ranelagh ou Jasmin, il est un peu tard (22 heures), je vais chez une amie. Le métro est assez vide et je rêvasse à moitié. Je suis assise sur un strapontin pour avoir de la place pour les jambes. Je sais qu’un homme est assis sur le strapontin en face de moi mais je lui prête pas vraiment attention. Puis je me rends compte qu’il me fixe, je le regarde dans les yeux, il me sourit, il est bien plus vieux. Et je vois que son bras droit est très agité. En baissant le regard, je constate qu’il se donne du plaisir (et qu’il en a…). Toujours ses yeux qui me fixent. Je ne sais pas trop quoi faire, jusqu’au moment où il s’apprête carrément à ouvrir son pantalon. Là je me lève et je descends. Ce n’est pas ma station du tout mais il m’a glacé le sang car je me suis dis que ça devait faire un moment qu’il me regardait en se caressant.

Ensuite, si j’ai pu reprendre le métro facilement, c’est parce que je n’ai pas eu le choix, j’en avais besoin pour aller en cours, puis maintenant pour aller travailler… Mais par contre, je me suis mise à regarder tout le monde. Systématiquement, si je dois m’asseoir, j’essaie de me mettre à côté d’une femme ou d’une famille pour me sentir plus en sécurité. Et j’évite de le prendre seule tard le soir.

Les femmes qui ont écrit la tribune publiée dans Le Monde n’ont jamais dû être confrontées à un frotteur, ou comme moi à un homme qui se donne du plaisir en vous prenant pour cible. Je ne me suis absolument pas sentie flattée, bien au contraire, c’est humiliant, dégradant, je me suis sentie salie. J’en ai rien à faire qu’il subisse une « misère sexuelle », c’est son problème, pas le mien, je n’avais pas à en subir les conséquences si tel était le cas d’ailleurs. Et il ne faut pas considérer ces agressions comme des non-événements. Si je me rappelle encore 13 ans plus tard de cette histoire, c’est que ça m’a marqué, donc c’est un événement. Pourquoi ce serait honteux de le dire ? Au contraire, ça l’a été pendant longtemps et maintenant que les femmes parlent, l’impunité des « frotteurs » est terminée et tant mieux. On n’est pas les réceptacles des fantasmes malsains de certains, de leurs « maladies » ou que sais-je.

Quant au fait qu’il faudrait que nous « [prenions] nos responsabilités« , qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne suis pas responsable de ce qu’il a fait. J’aurais dû crier ? Le baffer ? Et s’il réplique ? S’il cache un couteau, ou n’importe quoi, je suis bien avancée et je peux peut-être me faire doublement agresser. Personnellement, je suis restée sidérée et je n’ai réussi à me lever qu’au bout d’un moment. En ayant peur qu’il me suive. Ce n’est pas à moi de prendre de responsabilités alors que l’on m’a agressé.»

Sandrine, 38 ans, mère au foyer

«Je suis en fauteuil roulant, donc je n’ai jamais subi de mains aux fesses. On pourrait croire que ça évite une bonne part des tripoteurs en tous genres, et bien non, pas forcément ! C’est ainsi qu’assez tôt, j’ai découvert que des « frotteurs » pouvaient se frotter… contre mon fauteuil roulant.

Cela m’est arrivé plusieurs fois, mais il y en a une en particulier qui m’est restée en mémoire, vers 2003 : j’étais dans le RER et j’ai senti mon fauteuil roulant bouger légèrement, plusieurs fois. J’ai tourné la tête (en fauteuil roulant on est à la hauteur « idéale » pour profiter de la vue) et vu qu’un mec derrière moi me collait (il avait pourtant la place de ne pas le faire) et se frottait contre l’une des poignées du dossier de mon fauteuil roulant. Je connaissais bien cette ligne de RER et je savais qu’il y aurait dans peu de temps un virage. Lorsque le virage a créé l’élan nécessaire, j’ai envoyé la poignée de mon fauteuil roulant direct dans ses testicules. Vu sa tête, il a très bien compris pourquoi je l’avais fait et s’est éloigné sans demander son reste. Même si ça s’est bien fini, ça m’a suffisamment marquée pour que je colle le dos de mon fauteuil contre une paroi lorsque je prends les transports. Et même en soirée ou dehors, je reste vigilante vis-à-vis de ce qui se passe derrière moi.

Et si je dis “pas de mains au fesses”, j’aurais dû rajouter : la plupart du temps. Je suis en fauteuil roulant mais je peux me lever, avec appui. Lors d’un concert au début des années 1990, pour mieux voir la scène, je me suis mise debout sur mon fauteuil roulant, en appui sur deux hommes qui me tenaient. Un inconnu (un vieux d’après une copine qui a vu ce qui s’est passé) en a profité pour me tripoter les fesses. J’avais pourtant 13 ou 14 ans (!).»

Mathilde, 28 ans, rédactrice technique

«C’était en 2014. Dans la ligne 9 du métro parisien, en milieu de journée. Un mec s’est collé à moi. J’avais beau me décaler, il continuait à coller sa bite contre mon dos. Je suis sortie un arrêt plus tôt, en larmes.

Il y avait du monde, mais la rame n’était pas non plus ultra bondée. Je regrette de pas lui avoir collé mon poing dans la figure. Le seul truc que j’ai dit c’est : « ça va, je vous dérange pas ? »

J’ai repris le métro le lendemain car je devais bien aller bosser, mais hyper méfiante, toujours assise ou collée à une porte pour éviter quoi que ce soit

Je n’ai alerté personne de la RATP car je n’y ai pas du tout pensé sur le moment, je voulais juste rentrer chez moi.»

Céline, 35 ans, employée

«Un type, la quarantaine, en mai dernier, à Rome. Le métro n’était pas bondé du tout mais il y avait du monde. Avec ma mère et ma sœur, on faisait du tourisme. Je l’ai senti contre ma cuisse, aucune équivoque possible. Je l’ai fixé et je l’ai incendié en français. Ma mère et ma sœur n’ont pas compris sur le coup puisqu’elles n’étaient pas juste à côté. Les autres personnes n’ont pas réagi. Lui il a compris que j’avais pigé son manège et qu’il devait dégager vite fait. Il s’est tout de suite éloigné en regardant par terre et il est descendu dès qu’il a pu.

J’ai été très en colère, et le suis toujours, d’avoir été confondue avec un objet à la disposition d’un homme. Pas traumatisée non, mais très en colère. Dégoûtée.

Les femmes sont enfin entendues. La parole ne s’est pas libérée : les oreilles semblent leur prêter de l’attention. C’est aux hommes maintenant de prendre leurs responsabilités, faire un travail sur eux-mêmes, déconstruire les codes de la virilité surtout.»

Olga, 28 ans, journaliste web

«Le harcèlement dans les transports et la rue, c’est une réalité depuis mes 11-12 ans, j’ai des dizaines et des dizaines d’exemples. Mais la seule fois où j’ai eu affaire à un frotteur (du moins, en m’en rendant compte), c’était en 2014 dans la ligne 4 du métro parisien. J’ai mis du temps à réaliser, je montais en début de ligne et allais jusqu’au terminus. Assise, j’ai senti une pression derrière-moi, comme la rame était bondée, je ne me suis pas méfiée outre mesure, absorbée par une lecture. Mais à mesure que ma station approchait, j’ai compris que quelque chose n’allait pas : la rame s’était vidée mais je sentais toujours quelqu’un collé à moi. Je portais un décolleté, et cet homme était debout, collé à mon épaule, faisant de légers va-et-vient sur le côté en regardant ma poitrine, visiblement. Quand j’ai tilté que je sentais une érection contre mon corps, j’ai eu un geste de réflexe pour la repousser. Je n’ai pas osé me retourner complètement pour voir à quoi ressemblait mon agresseur, j’ai juste vu un costume et un attaché-case. J’étais tétanisée, et je me suis sentie sale toute la journée. Quand j’y repense, je rentre dans une véritable rage, car s’il y a bien quelqu’un de sale dans l’histoire, ce n’est pas moi mais ce prédateur. J’étais choquée et dégoûtée.

Je suis devenue beaucoup plus méfiante. J’ai perdu ce qu’il pouvait encore me rester de tranquillité d’esprit, à toujours essayer de repérer ce type de situations avant qu’elles ne se produisent (il n’y a pas que les frotteurs à craindre, quand on est une femme dans les transports), mais pour moi hors de question de céder du terrain, je n’ai pas évité les transports par la suite.

J’ai envie de hurler quand je lis la tribune publiée dans Le Monde. C’est quand même dommage de commencer par une affirmation pertinente pour en arriver à une conclusion qui pue autant le sexisme intériorisé. « Misère sexuelle » ? Sérieusement ? C’est l’argument type du violeur pour se justifier de brutaliser toute notion de consentement pour son plaisir physique, ou simplement son égo, en exerçant sa domination sur quelqu’un. Les femmes n’ont pas à supporter une prétendue « misère sexuelle » des hommes sous-prétexte qu’ils ne sauraient se contenir, ou autre stéréotype dangereux du même acabit. Pourquoi le ferait-on ? Au nom de quoi ? Nous ne sommes pas des objets, nous ne sommes pas des saintes. Si on devait donner un quelconque crédit à cette expression censée faire pleurer dans les chaumières pour excuser l’inexcusable, ce serait justement pour qualifier les nombreuses difficultés et déceptions qu’ont les femmes qui ont des relations avec des hommes au niveau sexuel et/ou affectif ! Le fait que les femmes lesbiennes ou bisexuelles – je le suis – ne se comportent pas de la sorte dans l’espace public ou professionnel lorsqu’une personne leur plaît, ou est simplement « à portée de main » (parce que c’est souvent ça, le harcèlement sexuel aussi, la question d’attirance est secondaire), en dit long sur l’origine du problème.

À titre personnel, je traîne un syndrome de stress post-traumatique dû à plusieurs agressions sexuelles et viols au cours de ma vie, et je mets cette expérience là sur le même plan. C’est une invasion de mon espace personnel très violente, une atteinte à mon consentement, à l’intégrité de mon corps, vraiment grave. Et rien ne justifie ni le harcèlement sexuel, ni les agressions sexuelles, ni les viols. RIEN. Ne pas mettre ces agressions au même niveau en disant que certaines seraient sérieuses et d’autres des « non-événements », c’est continuer d’entretenir la culture du viol si chère au patriarcat.»

Astrid, 30 ans, cheffe de projet

«Moi un matin, il y a trois ans dans la ligne 5 du métro parisien, blindée… J’avais mon casque audio et des sacs dans les deux mains. Je sens quelque chose me frotter (insistant) entre les fesses. Vu le monde qu’il y avait, je pensais (à tort) que c’était le sac ou la mallette de la personne derrière moi. J’ai essayé de bouger mais impossible et mon casque ne me permettait pas d’entendre ce qu’il se passait.

A la station d’après je me suis retournée et ai pu enlever mon casque. J’ai croisé le regard de l’homme derrière moi qui m’a fixée droit (regard de défi) dans les yeux tandis qu’il sortait du métro. Je n’ai rien fait et n’ai rien dit.

A l’époque je ne savais pas que cela pouvait être puni. Je regrette et agirai en conséquence si cela se reproduisait un jour. Maintenant, je ne porte plus mon casque (qui coupe le bruit autour) dans les transports.»

Juliette, 29 ans, gérante d’une boutique

«C’était sur la ligne 1 du métro parisien, il y a environ deux mois. L’acte était complètement assumé. Un type a posé sa main sur mon genoux comme sur un accoudoir pour s’installer à côté de moi. Il a râlé en minimisant quand j’ai moi même râlé. Je ne suis pas traumatisée du tout, je trouve juste que c’était très perfide comme approche.

Sur le moment j’étais énervée, toute rouge plusieurs heures quand même. J’ai eu l’impression de faire partie du mobilier urbain, puis cette manière de m’envoyer chier alors que le type m’agrippait le genoux, comme ça, comme si c’était tout naturel…

J’ai été un peu traumatisée par la suite de me souvenir que je faisais partie du mobilier pour beaucoup d’hommes, car cette mésaventure s’accumule à d’autres en dehors du métro. Chaque nouvel événement est un nouveau coup de poignard, une remise à ma place et à ma condition de femme objet.

J’ai du mal à cerner en quoi je dois “prendre mes responsabilités”, mais je suppose que ça veut dire que je ne dois pas me laisser faire. Je m’efforce de dire quelque chose malgré la terreur quand ça arrive, car je ne sais pas qui j’ai en face de moi. Si on est capable de me toucher de manière inapproprié en public, oserait-on m’agresser un degré au-dessus ? Jusqu’où et combien de temps peut durer la confrontation ? Et si personne n’avait le courage de me soutenir, comme cela m’est arrivé dans un magasin quand j’avais 14 ans quand un adulte m’a immobilisée pour m’embrasser et tenter de m’enlever au milieu de nombreux témoins ?

Des traumatismes comme ça, on en a toutes, et ça me révolte qu’on me parle de prendre mes responsabilités face au malheur. Pas un instant celles qui tiennent ce discours ne se soucient de la responsabilité des hommes de ne pas avoir de comportements gênants.»

Pauline, 26 ans, interne en médecine

«La première fois où un homme se collait à moi dans le métro 13, bondé comme à son habitude, je croyais sentir son sexe en érection contre moi mais je n’ai pas osé dire quoi que soit. Je cessais de me répéter que ce n’était pas possible, je devais inventer ou surinterpréter. J’avais peur de faire un scandale sur une invention de ma part. Puis, je me suis retournée et je l’ai vu faire. Je suis sortie en trombe du métro, en tremblant de rage et en pleurant un peu. En arrivant au travail, j’ai dit à mes collègues ce qui m’était arrivé et comme j’étais choquée. On m’a répondu que ce n’était pas cool et on est passé à autre chose. J’ai eu le sentiment qu’à leur yeux c’était un gros dégueulasse, mais que ça n’était pas si grave.

Une autre fois, ce n’était pas un frotteur à proprement parler mais un homme assis devant moi qui massait son sexe en érection à travers son pantalon (il se masturbait quoi) en me regardant droit dans les yeux et en léchant ou en mordant ses lèvres. Tout le monde le voyait faire, personne n’a rien dit, je suis sortie dès que possible. Encore une fois, à l’époque j’ai eu peur de me faire agresser si j’osais réagir.

J’ai continué à prendre les transports en commun (pas le choix) mais j’ai sans doute fait plus attention à ce que je portais (moins de robes et de jupes). Il y a eu des conséquences immédiates dans le sens où, pendant quelques jours après chacune de ces agressions, je me suis sentie salie et ça me faisait frissonner de dégoût.

J’ai fait une psychothérapie avec traitement par EMDR et nous avons abordé le sujet de la sexualité à un moment où je trouvais « sale » le désir qu’avait mon partenaire pour moi. J’en venais à voir son désir pour moi comme dégradant et pervers. Il n’a jamais été insistant, s’est toujours enquis de mon consentement et, après travail psychothérapeutique, je peux affirmer que ce n’est pas seulement ces deux agressions là mais toutes celles que j’ai subies, le regard libidineux des hommes sur mon corps (et ce je me rappelle depuis mes 13 ans !) qui a participé à ces problématiques.»

Hanna, 22 ans, étudiante

«Je n’avais jamais subi d’agression de la part de frotteurs. On m’avait déjà suivie dans la rue ou sifflé, mais la première agression de la part de frotteurs est arrivée il y a à peine quelques jours.

Je ne suis pas une habituée des transports en commun, je marche beaucoup ou prends mon vélo, mais ce lundi j’ai pris le métro pour aller au centre commercial. La rame était pleine, j’étais debout au milieu de la foule, je me suis accrochée à une barre, nous étions vraiment tous très serrés donc au début je n’avais pas fait attention. Je lisais un article sur mon téléphone, j’étais concentrée. Je sentais du mouvement derrière moi et je sentais que la personne derrière était collée à moi mais autant que j’étais collée à la personne devant moi, cela ne m’a pas paru suspect, puis la rame bougeait beaucoup donc les mouvements ne me paraissaient pas anormaux. Puis quand le métro s’est arrêté, j’ai remarqué que la personne derrière moi bougeait encore contre moi, je n’ai pas compris ce qu’il se passait au début. Au bout d’un moment, je me suis retournée. J’ai croisé le regard de l’homme qui se tenait derrière moi et j’ai vu de la gêne sur son visage. Il a paniqué et bousculé tout le monde pour sortir de la rame. Tout s’est passé très vite, je n’ai pas eu le temps ni de comprendre ni de réagir. Et là j’ai vu à travers la vitre, debout sur le quai : il avait une érection. J’ai compris ce qu’il s’était passé et, d’un coup, je me suis sentie horriblement sale. Je suis restée stoïque jusqu’à ce que j’arrive au centre commercial, et là, en descendant du bus, j’ai fondu en larmes. Je me sentais dégueulasse, c’est vraiment le mot, je me sentais souillée, je voulais rentrer chez moi pour me laver, me passer au karcher. Et j’avais aussi une grande colère contre moi-même : j’aurais dû comprendre plus tôt et réagir, j’aurais dû faire quelque chose, dire quelque chose.

Au centre commercial, je me suis assise sur un banc et j’ai pleuré pendant une bonne demi-heure. J’ai appelé une amie pour lui en parler, elle a essayé de me rassurer comme elle pouvait, mais cette sensation de dégoût, ce sentiment d’avoir été humiliée, sont restés un bon moment. Encore maintenant, j’éprouve un dégoût énorme et une très très forte colère en y repensant.

Je n’ai pas pu faire ce que je devais faire au centre commercial, il a fallu que je rentre chez moi pour enlever mes vêtements et me laver. J’ai dû reprendre le métro dans l’autre sens et j’ai ressenti une grande panique en y entrant. Je me suis frayée un chemin jusqu’à la porte fermée de l’autre côté et me suis collée dos à celle-ci pour avoir une vue sur tout ce qui se passait devant moi. J’ai regardé tous les hommes devant moi pour voir s’ils faisaient la même chose à d’autres femmes.

Je suis outrée qu’on puisse qualifier de non-événement un événement qu’une femme subit, sans son consentement, par un inconnu, un événement qui viole son espace privé, qui la dépossède de son corps. Aucune femme ayant subi une agression de la part de frotteurs en est sortie en se disant “C’est rien, les pauvres, ils sont dans une grande misère sexuelle, on peut bien leur accorder ça”. C’est de la folie, je suis vraiment outrée par ces propos. Cet événement m’a traumatisée. Je ne veux jamais revivre la sensation que j’ai vécue à ce moment-là. Je me suis sentie dépossédée de mon propre corps, à la merci de cet homme qui m’a souillée avec son geste.»

Forcalquier 19-20 janvier: rencontre autour des plantes en gynécologie

L’Association Agate armoise et salamandre – corps et politique organise une petite rencontre avec un groupe de meufs en tournée autour des questions des plantes en gynécologie, mais aussi sur notre rapport à la médecine, au soin, à notre corps. Leur séjour ici se déroulera comme suit:
Vendredi 19 janvier 2018émission sur Radio Zinzine, dans le cadre de l’émission féministe « Comme un poisson » à 12h30 sur le self-help, la naturopathie, l’autonomie-santé avec les copines venues de loin.
Le même jour, à 18 h, Place du Palais, chez Rainer, présentation de l’ouvrage autour de l’avortement et autres, avec un petit repas tiré du sac à 20 h, puis pour celles qui veulent, on peut continuer à discuter après, ou pas.
Le samedi 20 janvier, à partir de 15 h à la bibliothèque-infokiosk d’Agate, 13 rue des Cordeliers, à Forcalquier, poursuite des échanges de façon informelle.
Ce qui nous tient à coeur dans tout ça:
Mettre en partage des connaissances, se rassembler autour d’expériences de lutte ou de pratiques de soin pour enrichir nos savoirs et nos ressources. Car face aux pressions (et parfois violences) du pouvoir médical, du contrôle social et patriarcal, comment gagner en autonomie et confiance en nous, sortir de l’isolement, établir et élargir des liens d’entraide ?
Et voilà leur présentation à elles:
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N’hesitez-pas à nous demander des précisions, et à vous annoncer par retour de mail ou téléphone. Venez nombreuses – ça va être chouette – avec de quoi grignoter et ev. boire un coup. 
Cordialement, l’équipe d’Agate, armoise et salamandre – corps et politique (tél: 06 18 56 28 09)

L’année passée fut celle de la contestation de la domination masculine…et de son insidieuse négation

Réaction d’un technicien de cinéma et lecteur de lundimatin

paru dans lundimatin#128, le 8 janvier 2018

En 2017, l’affaire Weinstein et ses suites ont fait surgir avec aplomb quelques réactions hors-sol. Si on n’attend plus rien d’ Eric Zemmour ou des grosses têtes (en substance : de « c’est effrayant ce climat de délation » à « Est-ce que, quelque-part, un moment donné, on peut pas dire qu’elles l’ont bien cherché ? ») on peut s’étonner d’avoir vu fleurir un discours réactionnaire venu d’acteurs culturels, plus rare mais tout aussi droit dans ses bottes.

Dans l’émission par les temps qui courent (France Culture, 27/10) Catherine Millet, critique d’art, commissaire d’exposition, directrice de rédaction et écrivain.e décelait dans le #balancetonporc une « haine de la sexualité et une peur face à la sexualité ». Les femmes qui ont témoigné sur Twitter, par pur désamour de la chair, seraient donc passées à côté des promesses de félicité langoureuse, pourtant alléchantes, au sein des expériences suivantes : « Repas de fin de chantier, trente personnes, trois hommes me saisissent, m’entravent et me caressent en chantant. Tout le monde rit » ou « Un red chef, grande radio, petit couloir, m’attrapant par la gorge : un jour je vais te baiser que tu le veuilles ou non » (tweets de @IsaRaoul et @Giulia_Fois_ le 14/10). Mme Millet estime également que les femmes, « dans une grande partie de notre société », sont tout à fait libres de « parler, de s’exprimer ». Elle ne « voit pas ce qui les empêche (…) d’aller chercher de l’aide chez un voisin ou au commissariat de police »…euh…le trauma déjà ? la crainte d’être jugées par d’autres hommes ? la peur du déclassement ? La journaliste Marie Richeux qui l’interroge ce soir-là tente de nuancer (« ça demande à être débattu(…) la majorité des plaintes ne sont pas prises pour les agressions sexuelles, pour le harcèlement de rue, et parfois pour les viols puisqu’il y a nombre d’affaires classées sans suites »), Catherine Millet n’en démord pas : « Je trouve toute cette campagne (…) écoeurante(…) ce qui m’écoeure c’est l’effet de masse ». Raccourci peu scrupuleux pour disqualifier toute analyse du contenu même des tweets.

Un mois plus tard (le 25/11), des propos rapportés de l’acteur et metteur en scène Louis-Do de Lencquesaing par Guillemette Odicino dans Telerama (n°3541) ont cristallisé tous les travers de cette contre-offensive. Tentons une explication de (sous-)texte.

Se prémunissant contre toute attaque féministe (« j’ai partagé sur Facebook l’entretien du Monde avec l’anthropologue Françoise Héritier(…) ») l’acteur indique qu’il a aussi partagé « la vidéo de Mediapart où Frédéric Bonnaud, le directeur de la cinémathèque, explique pourquoi il a maintenu la rétrospective Roman Polanski, et pourquoi il déprogramme, à regret celle (…) sur Jean Claude Brisseau. Il est donc interdit, aujourd’hui d’aimer une œuvre si son créateur est moralement condamnable ? ». Voilà donc la première grande préoccupation des intellectuels : être privé des honneurs, des soirées spéciales et célébrations, redouter le grain de sable qui viendra gripper l’entre-soi. Rappelons juste qu’aimer et honorer sont deux choses différentes. Les films de Roman Polanski ont poussé nombre de mes collègues à graviter autour d’une caméra, l’œuvre de Brisseau est fragile et sensible. On peut revoir souvent ”the ghostwriter” car c’est une grande leçon de montage. On peut garder un souvenir ému de ”la fille de nulle-part” (1), avec ses apparitions fantomatiques et flippantes au sein d’une économie dérisoire. Il est donc possible d’admirer le génie tout en se passant d’une grande messe, je peux être cinéphile sans avoir besoin de totems. Cette manière d’hurler au scandale pour une déprogrammation confine un peu à la pleurnicherie bourgeoise. Lors de la soirée d’inauguration de la rétrospective Polanski, l’association osez le féminisme appelait à un rassemblement à la cinémathèque française. Entendu sur France Info  : un spectateur masculin, contrarié par cet inconfort, prétendait que les agressions sexuelles présumées perpétrées par le réalisateur, ça n’était « pas son problème ». On transmettra aux plaignantes.

A l’instar de Catherine Millet, il y a une autre grande problématique pour le gotha culturel, c’est l’épidémie des témoignages sur la Toile. Ailleurs, d’autres s’indignent : ’Est-ce qu’on ne va pas se retrouver comme en 39 ?’ (Joey Starr, France Inter le 23 novembre). « Le tribunal populaire », la « vindicte sans nuance » : l’inquiétude de Louis-Do de Lencquesaing fait référence aux milliers de femmes qui, après le scandale Weinstein, ont rapporté sur les réseaux sociaux le harcèlement et/ou les violences sexuelles dont elles ont été victimes. On peut aussi se dire qu’en termes de domination masculine, c’est comme en politique ou pour tout ce qui touche au climat : rien ne changera sans une forme de radicalité. On peut trouver la vague Twitter sulfureuse, primaire, maladroite. On doit aussi voir le # comme une émeute ; à ce titre, elle est la poussière qui déborde à force d’être accumulée sous un tapis. Si c’est un « tribunal », c’est que les injustices ont trop duré. S’il est « populaire » c’est que les élites ont trop confisqué la parole. « Il y a des tribunaux pour ça » : n’est-ce pas ce que disent les élus quand l’un.e d’eux.elles est pris.e la main dans le sac. Comme une manière de décourager toute investigation sur les mœurs d’une caste.

Vient ensuite un discours confus. Encadrée par des précautions rhétoriques (« Loin de moi l’idée d’absoudre… » et « …ce qui n’excuse rien bien sûr. »), l’ aisance avec laquelle le dérapage sexuel est justifié est étonnante. Que ce soient les « années 70 () années d’orgies sous LSD » ou les dérapages des « mecs en misère sexuelle » au festival de Cannes, les propos de l’acteur ont la même saveur âpre que les exposés de certains économistes sur le caractère inéluctable du libéralisme. Un ordre naturel des choses qu’il est impossible de questionner, une évolution irrépressible à laquelle on (enfin surtout les femmes) doit se soumettre.

« Une employée de magasin peut perdre son travail si elle résiste à un prédateur. Une jeune actrice (…) peut résister au harcèlement, elle n’y perdra qu’un rôle ». Appréciation tout aussi douteuse : opposer rôle et travail, entretenir un romantisme désuet autour de la figure de l’acteur.trice, dont l’énergie de la passion créatrice s’élèverait au-dessus du labeur du quidam. Un rôle est aussi très prosaïque. Une actrice qui joue un rôle reçoit des fiches de paie, cotise aux guichets sociaux, acquitte son loyer,… Ce n’est pas qu’un « métier-passion », c’est aussi une manière d’exister socialement. Pour la majorité des comédiennes – je pense aussi à celles abonnées des seconds rôles ou celles contraintes de figurer sous peine de ne plus bouffer – « perdre un rôle peut être un drame, le chômage un naufrage », comme me le confessait une jeune actrice à qui je faisais part de mon étonnement devant les dires de l’acteur.

L’étonnement s’est figé en stupéfaction quand on apprenait que « dans les années 70, (…) Caroline Champetier, qui n’était pas encore la grande chef opératrice qu’elle est devenue, subissait des plaisanteries misogynes, grasses des techniciens chevronnés ou des dragues lourdes de réalisateurs, mais elle a su les envoyer promener ! ». Vous voyez, chères consoeurs, c’est un peu votre faute aussi si ces blagues perdurent sur les plateaux. Si vous ne l’ouvrez jamais… Il suffit de survoler un précis de sociologie moderne pour retenir que la domination masculine s’exerce via une violence symbolique, silencieuse et porteuse d’un chantage intrinsèque (passer pour la relou jusqu’à la fin du tournage faute de s’esclaffer à chaque blague salace, au mieux). Cette domination entend désamorcer toute rébellion, parfois entraver toute promotion. M. de Lencquesaing se lamente enfin des attaques répétées à l’encontre du 7e art : « prendre le cinéma comme vitrine du harcèlement me paraît spécieux ». C’est, au contraire, de bonne guerre, je trouve. Puisque, lors des cérémonies et festivals, le cinéma passe son temps à s’auto-congratuler (en feignant l’humilité) de toutes les vertus qu’il prétend véhiculer (respect, humanisme, ouverture d’esprit…) il faut souvent lui rappeler ses propres contradictions. En termes de domination masculine, il est un piètre élève. Devant ET derrière la caméra. Où l’on préfèrera embaucher cette assistante au combo(2) parce que ses charmes sont appréciés plutôt que celle-là, un peu grande gueule et trop dreadeuse. Où les « perch womans » sont assez rares et où sur 139 membres de l’Association Française des directeurs de la photographie Cinématographique (AFC), 126 sont des hommes.

(1) Films de Roman Polanski (2010) et Jean-Claude Brisseau (2013)

(2) Dispositif de visionnage et relecture des prises sur un plateau de tournage.