Moi aussi

Trouvé sur le net (l’original est ici) parmi beaucoup d’autres…

J’ai d’abord pensé que je ferais partie de celles qui assisteraient silencieusement au mouvement de libération de la parole à propos du harcèlement sexuel.
J’ai milité plusieurs années dans une association de lutte contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur, CLASCHES. Et je me pensais suffisamment forte et distanciée vis à vis de ce sujet, capable d’en parler, y compris de situations personnelles.
Mais devant la vague des révélations, l’ampleur de la participation au fil des jours, la présence quotidienne de ce sujet dans les medias, et face à la nécessité de décider de ma prise de parole, j’ai réalisé que ce n’était pas si simple.
J’ai pris le temps d’observer ce que cet événement provoquait en moi. A côté de la satisfaction à voir cette parole se libérer, à assister à des débuts de prise de conscience, à côté de l’admiration, de l’empathie et de la reconnaissance pour celles qui osaient se manifester et dénoncer, je ressentais un vrai malaise, des sentiments beaucoup plus négatifs, de la colère, le besoin dans un premier temps de rester à l’écart du choeur des révélations.
J’ai fini par admettre que cela me fragilisait, au point que j’ai cessé assez rapidement de lire les témoignages et les dénonciations.
Tous ces récits, détaillés ou non, venaient réveiller des souvenirs désagréables voire douloureux – ce qui ne remet nullement en cause leur légitimité.

La stratégie du tri 

Mais surtout, j’ai compris qu’ils me confrontaient à mon déni, à la façon dont je gérais intérieurement mon histoire et les violences sexuelles en général.
Alors que je me pensais capable de les repérer, de les admettre et de les verbaliser, au moins pour moi-même, j’ai réalisé que je les triais.
Ce tri s’opère selon une figure concentrique :
vers l’extérieur du cercle, se situent les situations qui peuvent émerger clairement à ma conscience, que je peux évoquer et dénoncer (même si je n’ai jamais porté plainte contre personne). Plus on se rapproche du centre du cercle, plus il s’agit de situations difficiles à verbaliser, voire à me représenter, des situations que j’ai pu en partie refouler/oublier, dont je n’ai pas parlé pendant très longtemps, et que je continue à ne pas évoquer pour certaines.
En essayant de lister pour moi-même ces situations, en les observant revenir à ma mémoire, j’ai réalisé que le critère de ce tri n’était pas fonction de la gravité des agressions subies, ni de leur impact plus ou moins traumatique. Le critère majeur tient en premier lieu à la personne agresseuse : plus celle-ci est proche et connue, plus la situation est difficile à évoquer, voire même à qualifier d’agression ou de violence.

 Au plus loin, la rue

Ainsi, les situations que j’ai l’habitude d’évoquer sont des agressions commises par des hommes inconnus, dans des lieux publics, extérieurs, collectifs. Ce sont des agressions ponctuelles : je n’ai jamais recroisé mon agresseur par la suite. Il s’agit, par exemple, d’une agression sexuelle dans le hall de mon immeuble, quand j’avais 16 ans, par un homme qui m’avait suivie dans la rue alors que je rentrais chez moi. Ou encore d’un homme croisé dans un parc qui se masturbait en public. De toutes les agressions verbales (aussi bien sexistes que lesbophobes) subies dans la rue au fil des années, malheureusement bien trop fréquentes pour être dénombrées.
Pendant assez longtemps, je me suis raconté que mon expérience des violences sexuelles se limitait à ça. Ce n’était pas seulement que je triais sciemment ce que je racontais : le tri s’opérait aussi dans ma conscience, par un phénomène plus ou moins intense de refoulement. Et je parvenais à peu près à me convaincre moi-même que je n’avais pas d’autres choses à dénoncer. Ces situations que je situe dans la partie externe de mon schéma de tri, je peux les mettre à distance de moi, d’une certaine façon, et j’ai pu sans difficulté les qualifier d’agressions : même si elles m’ont impactée, en particulier cette agression dans mon immeuble qui a été traumatique et dont je n’ai pu parler à personne à l’époque, j’avais d’emblée conscience que je n’étais en rien responsable, que le problème se situait chez cet homme, pas chez moi. Et j’ai pu ressentir de la colère et de l’indignation, contre lui et contre le fonctionnement de cette société. Par ailleurs, je ne l’ai jamais revu. Et même si j’ai eu peur de le recroiser pendant une période, je n’ai jamais été confronté à nouveau à mon agresseur.
En fait, ces situations rentraient dans mon cadre de pensée, celui que l’on m’avait transmis et que l’on partage globalement dans mon milieu social, et dans l’ensemble de la société : il existe des hommes violents, qui agressent les femmes, et le monde extérieur peut être dangereux quand on est une jeune fille ou une femme seule. Ça arrive. En quelque sorte, on m’y avait préparée.

Entre deux, au travail et au lycée

Mais il y a bien d’autres situations qui ne rentrent pas complètement dans ce cadre, voire pas du tout. Et plus elles s’en éloignent, plus il devient difficile de les évoquer, de se les représenter.

En-dessous de cette première strate de situations que je peux relater sans problème, il y en a une seconde, déjà un peu plus délicate, qui concerne les situations de harcèlement vécues dans des lycées : l’une en tant que salariée, l’autre en tant qu’élève. Dans les deux cas, il s’agissait d’hommes adultes, un proviseur et un prof. Ces deux situations étaient plus diluées dans le temps, plus sournoises aussi, et caractérisées par un déni massif de l’entourage professionnel (infirmière scolaire, direction, CPE, Rectorat) qui pourtant savait, sans aucun doute possible (plusieurs plaintes avaient été prononcées).

Ces deux situations étaient plus difficiles à dénoncer, parce qu’il n’y a pas eu envers moi d’actes, pas d’agression physique, pas d’insultes : il s’agissait de propos malveillants, de regards déplacés, de manipulations, de remarques sur le physique, de l’instauration d’un climat hostile… C’était, par exemple, de la part du proviseur, le fait de venir s’installer dans mon bureau en l’absence de ma collègue (alors qu’il avait un bureau à lui où il était sensé travailler) et de mettre de la musique (sans me demander mon avis bien sûr), en l’occurrence uniquement des chansons contenant des propos sexuellement explicites. Ceci s’inscrivant dans un comportement quotidien, récurrent : une accumulation de « petites » choses qui font se sentir vulnérable.
Dans les deux cas, j’ai alerté et cherché de l’aide, pas tant pour moi-même que pour des collègues qui m’avaient rapporté des situations d’agressions sexuelles de la part de ces hommes : dans les deux cas, j’ai été ridiculisée et confrontée à la minimisation et la dénégation. Je précise qu’à chaque fois, les personnes vers qui je me suis tournée étaient des femmes. Et je crois que leurs réactions ont été presque plus difficiles à encaisser pour moi que le comportement de ces harceleurs.

Dans ces deux situations de harcèlement caractérisé, qui concernaient plusieurs victimes, et se perpétuaient dans le temps, je me suis confrontée aussi à l’image du lycée comme un lieu nécessairement sain et sécure, un lieu d’apprentissage et de savoir dont la violence serait par définition exclue. Un lieu où l’on pouvait, en tout cas, être protégé-e en cas de problème, à partir du moment où ce problème était signalé.

Cette seconde « strate » m’a donc posé plus de difficulté, bien que ces deux situations aient eu en elles-mêmes moins de conséquences sur moi que les agressions dans la rue : ce qui en a eu, c’est le constat que se plaindre n’était pas forcément efficace, et que la solidarité n’était pas du tout évidente, y compris entre femmes. Le mépris affiché par la gestionnaire du rectorat et l’infirmière scolaire est resté gravé dans ma mémoire : mais qu’en faire ?
Ces deux hommes sont restés à leur poste, et ont continué à nuire. Contrairement aux situations de la 1ere « strate », celles-ci m’ont confrontée à la culpabilité et à une forme de désarroi : n’aurais-je pas du aller plus loin dans mes dénonciations, insister, n’avaisje pas une responsabilité envers les autres personnes déjà victimes ou qui pouvaient le devenir ?

J’ai travaillé successivement dans 6 établissements, avec 6 proviseurs ou principaux différents : 4 sur 6 avaient des comportements de harcèlement (moral uniquement pour la plupart) envers leurs collègues directs (intendant-e, proviseur adjoint, secrétaire…). La violence entre élèves était palpable et quotidienne dans ces établissements. En fait, la violence en général était palpable dans ces établissements, à tous les niveaux, entre adultes, entre enfants, entre adultes et enfants : des atmosphères particulièrement pénibles.

Plus près, les agressions entre pair-es, au collège et entre ami-es

La violence entre élèves inclut aussi le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles. Bien que j’en ai conscience depuis très longtemps, évoquer les situations auxquelles j’ai été moi-même confrontée en tant qu’élève/enfant est encore très compliqué. Et je dois admettre que je n’en ai jamais parlé. Là encore, parce que cette violence est terriblement taboue.

L’idée que des enfants ou de jeunes adolescent-e-s puissent s’agresser sexuellement entre eux heurte en général nos représentations.
Je pense que ma grande difficulté à évoquer ces situations tient aussi au fait qu’elles impliquaient des personnes plus proches affectivement : des élèves de ma classe, qui est restée la même du CE1 à la 3ème. Certains de nos parents étaient amis. Nous allions parfois les un-e-s chez les autres, nous nous voyions en-dehors de l’école.
Il est représentatif que pendant très longtemps, la seule situation dont je me sois souvenue était la suivante : un garçon d’une autre classe, en 5ème-4ème, qui me suivait aux toilettes, m’attendait devant la porte, essayait de me toucher (ce qu’il faisait avec d’autres filles). Ce garçon, je le connaissais à peine (je ne me rappelle pas son prénom), il n’évoluait pas dans mon cercle de connaissances, et en-dehors de ces rares épisodes je n’ai eu aucun contact avec lui.

Mais il y a eu d’autres situations que j’ai refoulées pendant très longtemps :
• l’une impliquant un garçon faisant partie de mes « amis », qui me poursuivait de ses ardeurs malgré mes refus répétés, et est allé jusqu’à me montrer son sexe (pensant sûrement que ça me ferait changer d’avis…!) ;
• l’autre, le harcèlement subi par un groupe de filles, que j’ai mis des années à qualifier de harcèlement sexuel, alors que c’en était : et pas le moins acharné. Insultes, images pornographiques, « petits mots » transmis pendant les cours me mettant en scène dans des situations sexuelles, etc.

Comment dénoncer de tels faits commis par des filles de 13 à 15 ans ?
Voilà une situation à laquelle on ne m’avait pas du tout préparée.

Pourtant le comportement de ces filles a eu sur moi un impact bien plus grave que celui des deux garçons cités précédemment. Parce que plus haineux, plus durable, avec une intention marquée d’humilier. Et parce que ce n’était pas pour moi représentable d’être agressée sexuellement par des filles de mon âge, et qu’il était inimaginable d’en parler à qui que ce soit. Ce n’était pas des filles « masculines », ni considérées comme rebelles, agressives : des filles de familles plutôt aisées, féminines voire très féminines, ne posant aucun problème aux adultes ni à l’institution scolaire.

Je ne suis pas la seule, les situations de harcèlement et d’agressions sexuelles entre filles à l’adolescence sont certainement plus fréquentes qu’on ne le croit. En y repensant, je me confronte à cette interrogation : où ont-elles appris cette violence ? Qu’ont-elles reproduit ? Et je m’aperçois que j’ai plus de difficulté à me poser la question concernant les garçons et les hommes, comme s’il était plus « naturel » ou « attendu » qu’ils soient violents.

Beaucoup plus près : la violence des adultes envers les enfants, les proches, la famille

Une partie de l’explication se situe peut-être dans une autre situation, plus ancienne, et plus difficile encore à admettre : la prof de sport en CE1 qui fait des remarques humiliantes sur le physique des enfants. Qui fait des « plaisanteries » ambiguës lorsqu’elle nous fait faire de la lutte, ou lorsqu’on va à la piscine. Elle me met systématiquement en binôme avec un petit garçon qui fait le même poids et la même taille que moi (nous sommes les plus petits et les plus menus), et elle s’amuse beaucoup à se moquer de nous, à suggérer des attitudes sexuelles – ce que, à 7 ans, nous ne sommes pas tout à fait en mesure de comprendre, et que nous saisissons pourtant.
Tout le monde rit, j’ai le souvenir aigü de l’humiliation que je ressentais, je me souviens du sentiment d’intrusion que provoquaient ses remarques sur mon corps. Je n’ai jamais oublié cet épisode, bien que je l’ai longtemps enfoui.

Malgré tout, là aussi, j’ai mis très longtemps à admettre le caractère sexuel de ses propos et de son attitude, le fait que ce comportement rentrait dans le cadre du harcèlement. Encore aujourd’hui, j’ai du mal à intégrer qu’une femme adulte puisse humilier sexuellement des enfants de 7 ans, mais je sais d’expérience pourtant que c’est possible.

La violence sexuelle des adultes envers les enfants des deux sexes est aussi répandue que taboue…
Evoquer le harcèlement et les agressions qui se produisent dans les familles, dans les cercles d’ami-e-s reste particulièrement difficile.

Dénoncer une personne proche, avec laquelle on a des liens affectifs, est une épreuve qui est souvent risquée, et peut s’avérer insurmontable.

Admettre également la violence exercée par les femmes, en particulier par les femmes envers d’autres femmes, que ce soient dans un couple, dans une famille, dans le cadre d’une relation éducative, vient heurter nos représentations encore très ancrées d’une supposée « non-violence » féminine naturelle, et des relations forcément protectrices des adultes envers les enfants dont ils ont la responsabilité.

Visibiliser la violence sexuelle des hommes entre eux, sans doute beaucoup plus répandue qu’on ne le croit – je connais plusieurs personnes de mon entourage plus ou moins proches qui l’ont subie.

Toutes ces situations se situent, je crois, au centre du cercle, et il nous faudra encore du temps pour pouvoir les aborder et les affronter, dans une perspective féministe, sans craindre de minimiser la domination masculine et les violences faites aux femmes. Parce que ça ne s’oppose pas.

De la réalité complexe des violences sexuelles

En listant toutes ces situations, j’ai compris que la violence sexuelle, si elle s’inscrit dans la domination masculine, ne se limite pas au genre/sexe.
La violence sexuelle n’est pas tant une question de sexualité que de pouvoir : cela peut arriver dans toute situation où il y a rapport de domination. Entre un-e adulte et un-e mineur-e, entre un-e parent-e et un-e enfant, entre un groupe et un individu fragilisé/dominé, etc.
Plusieurs types d’oppressions peuvent être en jeu, qui sont toutes liées : homophobie, transphobie, domination adulte, racisme, validisme, etc… Il ne s’agit pas de désir ou de pulsion sexuelle, mais de l’expression et de l’exercice d’un pouvoir sur l’autre, qui vise à le soumettre.
A ce titre, l’éducation sexuelle n’est pas une solution suffisante : il faut travailler sur les rapports de pouvoir et de domination.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, malgré mon féminisme, mon engagement sur ces sujets, mes prises de positions, je continuais à minimiser, à masquer, à me protéger de cette réalité.
Je ne prétends pas avoir épuisé toutes les situations que j’ai rencontrées dans ma vie : depuis le début de ce mouvement #MeToo, et l’écriture de cet article, des souvenirs me reviennent régulièrement en mémoire. J’ai l’impression que ça n’a pas de fin, et c’est effrayant.

Cette multiplication de témoignages nous place toutes et tous face à une réalité très éprouvante psychiquement : admettre que les situations de violence sexuelle jalonnent nos existences depuis des années, c’est faire face à une image de soi et du monde qu’on préfèrerait ignorer. Et pourtant, c’est une première étape essentielle pour que demain ces situations ne se reproduisent plus.

Les Inrockuptibles et Cantat ; de l’impunité face aux féminicides

Les Inrockuptibles et Cantat ; de l’impunité face aux féminicides

 On me dit que Cantat a « payé sa dette ». Ce sont des termes qui me sont étrangers ; je ne considère pas que la justice est là pour « faire payer les gens ». Je considère que chacun-e, en revanche, doit se questionner sur ses actes et leurs symboles.

On me dit qu’il faut dissocier l’homme de l’artiste ; expliquez moi comment vous faites cela. Vous l’applaudissez une fois sur deux ? Vous applaudissez en hurlant « j’admire l’artiste mais pas l’homme » ?
On me dit que cela fait 14 ans.
Le meurtre de Marie Trintignant par Cantat a été un séisme pour la jeune féministe que j’étais.
J’ai découvert, comme tant d’autres, ce que beaucoup de gens pouvaient penser des victimes de violences conjugales.
J’ai découvert que certain-es abruti-es se berçaient de l’illusion du poète déchu qui a tant et mal aimé, pour excuser Cantat.
Les réactions à ce féminicide ont été – comme furent ensuite celles aux « affaires » DSK, Polanski, Baupin, Sapin etc – un parfait révélateur de l’état désastreux de la société française en matière de violences faites aux femmes. Marie Trintignant a été traînée dans la boue de la pire des façons ; ce qui a été dit à l’époque illustre vraiment à quel point nous sommes dans la posture quand il s’agit de violences conjugales. C’était une pute, une salope, une droguée, une hystérique et une alcoolique et il semblait bien à une partie de la population françaises qu’être cela en tout ou partie justifie qu’on vous massacre à mains nues. Nous trouvons toujours des excuses, des bonnes raisons pour que des femmes meurent: une pâte à crêpe pleine de grumeaux, des nuggets trop chers, une femme hystérique, un chanteur à fleur de peau.

Oh les hommes français, qu’ils soient de gauche ou de droite, aiment à corner qu’ils aiment les femmes en grands poètes de l’amour courtois qu’ils sont.
Les femmes françaises se bercent de cette douce illusion et chacun de croire que c’est de l’amour si typiquement français que d’infliger tant de coups que le visage devient violet, que le nez éclate, qu’on finisse dans le coma, qu’on meure.
Chacun finit par croire à la fable de l’homme brisé qui a voulu mourir tant il regrettait. Il ne regrettait pas au point de ne pas qualifier Marie Trintignant d' »hystérique » pendant le procès toutefois. Il ne regrettait pas au point de ne pas inventer une fable où il l’aurait poussée et où elle aurait heurté un radiateur ; thèse que le rapport d’autopsie a mise à mal. Il ne ne regrettait pas au point de ne pas laisser ses avocats fouiller dans le passé de Marie Trintignant afin de voir si elle n’avait pas le crâne fragilisé ce qui aurait pu expliquer qu’elle meure sous ses coups. Il ne regrettait pas au point de ne pas écrire de minables chansons sur le sujet pour chouiner sur son sort. Il ne regrettait pas au point de ne pas avoir la décence de taire son chagrin qu’il est bien le seul à avoir provoqué. Mais nous vivons dans un monde si tolérant envers les violences faites aux femmes qu’on en vient à plaindre un homme qui dit souffrir après avoir massacré sa compagne. Et on parle bien ici de massacre, le mot n’est pas trop fort.

Cantat par son métier est un homme public. Un homme qu’on applaudit sur scène, un homme qu’on aime et qu’on admire. Voilà pourquoi il ne peut se comporter comme un homme exerçant n’importe quelle profession. Parce qu’il y a le symbole. Il y a le symbole d’être applaudi sur scène. Il y a le symbole d’être interviewé pour son nouvel album. Et il y a le symbole de faire la couverture des Inrocks aujourd’hui. Cantat avait la possibilité d’être parolier voire même de changer complètement de métier s’il avait perçu la violence qu’il y a à être applaudi sur scène alors qu’on a tué. Il ne l’a jamais perçue. Il n’a toujours pas la dignité de comprendre qu’il ne peut plus porter de combat politique parce qu’il les discrédite par sa simple présence ; parce que le noble combat d’aide aux migrants mérite mieux qu’un minable égoïste qui a tué une femme à coups de poings. La réinsertion des ex-détenus n’implique pas de sortir des albums, de faire des concerts et encore moins de faire la couverture des Inrocks.

Nous hurlons haut et fort à longueur de journée que nous sommes horrifiés par le viol, horrifiés par les meurtres de femmes. Personne n’a de mot assez dur pour dire ce qu’il voudrait faire aux auteurs. Et puis sortent des affaires précises. Avec des chanteurs qu’on aime bien. Et là d’un coup on devient beaucoup plus tolérants. Et ces chanteurs font la une des journaux.
En 2013 déjà Cantat s’était exprimé dans les Inrocks. Vocabulaire choisi d’un article rédigé par l’actuel rédacteur en chef du journal :
– le « drame de Vilnius » (tellement plus romantico romantique que « meurtre »)
– « l‘irréparable et l’indicible » (amusant j’arrive personnellement très bien à définir ses actes).
– « meurtre passionnel absurde » ; Tout article qui se respecte sur un féminicide ne saurait décidément employer les termes « passionnels ».
Les Inrocks ne reconnaissaient pas, nous disaient-ils, Cantat dans le portrait qui en avait été fait par des « journaux dégueulasses« . C’est vrai que je me demande bien pourquoi on ferait un portrait aussi négatif d’un homme qui a frappé une femme au point de lui éclater le nez, s’est ensuite dit qu’elle devait dormir (après une dizaine de coups au visage  c’est en effet une réaction normale) et l’a balancée sur un lit pour ensuite pleurnicher qu’il était malheureux. C’est vrai que je me demande bien pourquoi certain-es le voient comme une ordure alors qu’il a préféré s’étaler sur sa souffrance et ses tentatives de suicide plutôt que de fermer sa gueule et nous laisser un peu respirer.

Les Inrocks en mettant cet homme à la Une, nous envoient un message clair. On peut en France tuer une femme et faire la Une d’un journal comme si de rien n’était, comme si tout cela était de vieilles histoires sur lequel on peut bien tirer un trait. Une femme meurt tous les 3 jours en France sous les coups de son conjoint. Les chiffres ne baissent pas. Cette couverture envoie le signal clair qu’on peut commettre un féminicide et continuer sa vie tranquillement. Cela envoie comme souvent en ce qui concerne les auteurs de violences faites aux femmes, le signal d’une impunité totale. Qu’au fond tout cela n’est pas si grave face au talent, à l’homme écorché qu’il est. Cette couverture contribue à la glamourisation de la violence envers les femmes, à donner aux féminicides un côté romantique et poète maudit dont nous peinons à nous défaire en France. Les média ont le choix d’inviter ou de ne pas inviter Cantat, de l’interviewer ou pas, d’en faire une couverture ou pas. Faire le choix de Cantat en couverture montre que les Inrockuptibles ont décidé de cultiver une culture de l’impunité en ce qui concerne les violences faites aux femmes.

Panthère première arrive

On a déjà parlé ici de cette nouvelle revue. En voici une présentation tirée de son site – qu’on peut aller visiter pour plus de détails (événénements à venir, contacts, sommaire premier numéro…)

Félin pour l’autre

Imaginer une revue qui s’appelle Panthère Première, c’est se retrouver en février 2016 à Marseille et se dire qu’on a envie de se lancer dans cette aventure toutes ensemble, celles qui s’étaient connues autour d’autres revues et celles qu’on rencontrerait chemin faisant. C’est se dire, oui, une revue mais pas n’importe comment: en réunissant des équipes éditoriale et technique non-mixtes pour s’essayer à d’autres manières de travailler; en ouvrant nos colonnes aux plumes qui se font trop discrètes; en réfléchissant à une économie de la revue qui nous offrirait les moyens matériels nécessaires à une production de qualité et qui ne reposerait pas entièrement sur le bénévolat.

Concevoir une revue qui s’appelle Panthère Première, c’est commencer par lister des titres de rubriques absurdes et enchaîner les jeux de mots carnassiers avant de s’accorder, en mai 2016, sur l’idée d’une revue généraliste et féministe qui s’intéresse aux différentes manières dont le personnel est politique. C’est décider d’explorer, d’un numéro à l’autre, les intersections entre ce qui est communément renvoyé à la sphère du privé – famille, enfance, habitat, corps ou sexualités – et les sphères systémiques – État, marché, travail… – en partant du principe que les formes de domination, de résistance et de créativité s’ancrent et se pérennisent dans ces plis. C’est adopter une ligne éditoriale qui reconnaît que les expériences vécues peuvent faire l’objet de questionnements critiques.

Éditer une revue qui s’appelle Panthère Première, c’est lancer ce premier numéro en s’intéressant à la portée subversive des actes de langage dans notre dossier Quiproclash! C’est penser que le papier n’est pas une tour d’ivoire ; se laisser toucher et prendre position, s’engager au-delà de la publication et espérer vous toucher aussi car, chère lectrice, cher lecteur, nous sommes, au fond, certainement félin pour l’autre.

Instant pleasure : un long déplaisir

Trouvé sur le net, un excellent article où il est question de clitoris et aussi d’art et de genre…

Instant pleasure : un long déplaisir

Par Marie Docher (artiste)bandeau

Il n’y aurait eu aucune raison de mentionner ici le nom de Mathias Pfund, jeune artiste Suisse, s’il n’avait posé une de ses sculptures intitulée Instant Pleasure (clitoris) sur le Rond-Point de l’Europe à Neuchâtel, et prétendu inscrire son projet dans une « perspective pédagogique ». Que certain·es réclament le retrait de ce qui est donc censé être un clitoris n’est pas le sujet de cet article. Il y a bien longtemps que les pénis et scrotums de mâles statues ponctuent nos promenades dans les parcs publics ou nous pissent dessus à Bruxelles sans que ça n’émeuvent les tenant·es de la morale. Ce qui nous mobilise ici, c’est le parfait cas d’école que Pfund nous fournit pour illustrer l’opportunisme de certains artistes et la récupération à leur profit des luttes anti-sexistes que mènent des femmes. On y trouvera tous les ingrédients indispensables à la réussite de ces détournements : un entre-soi masculin hermétique, des institutions en soutien, une presse « féministe » autoproclamée, et une misogynie décomplexée pour lier le tout.

Démarrons l’histoire le 27 septembre 2017. L’association suisse Clitoris-moi, qui se donne pour but louable de promouvoir le plaisir et la sexualité féminines, se réjouit ainsi sur son compte facebook : « Clitoris-Moi est fière de la ville de Neuchâtel qui ose exposer un clito géant sur un rond-point! Et mille BRAVOS à Mathias Pfund, le père de notre clito géant 2.0, pour le mandat!!!  » Le post est accompagné de la maquette réalisée par le « père » du clitoris. J’en profite pour demander aimablement aux journalistes d’arrêter avec les expressions « père » de la résilience, du premier bébé éprouvette français, de l’Europe, du peuple… et « mère » de tous les vices. Merci.

Sur la maquette, le clitoris en question commence à prendre des libertés avec l’anatomie réelle de l’organe, mais à ce stade, rien de grave. On apprend que le projet de départ a été publié par Causette dans son hors-série sur le Clitoris en décembre 2016, et que l’artiste a eu des échanges de travail avec Clitoris-Moi, décidé à rendre encore plus visible le clitoris. Montrer est politique, et cette pratique militante a fait ses preuves.

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Mais voilà, entre la maquette et sa réalisation, le clitoris a subi des modifications conséquentes. L’artiste tient à préciser dans le Figaro Madame que si sa sculpture « respecte l’anatomie du clitoris, la forme est quelque peu aménagée pour des raisons structurelles ». La sculpture étant solidement vissée sur le rond-point, on peine à comprendre pourquoi. Surtout, le clitoris est devenu un corps microcéphale muni de fesses offertes à une double pénétration par ses propres bulbes, ses piliers étant habilement transformés en jambes vus de dos, et en bras vus de face.

instant-pleasure_vue de dos

« Vous voyez le mal partout ! » lit-on sur les réseaux sociaux accompagnés de graveleux émojis. Sans doute mes bons messieurs, sans doute. Alors, lisons le « texte pédagogique » qui accompagne l’œuvre qu’on découvre fort heureusement provisoire. Ou plutôt, regardons la copie d’écran du site de Pfund réalisée le 3 octobre, car peu de temps après, n’assumant plus le texte de son camarade Renaud Loda, il l’a supprimé – notons que le collectif Smallville a quant à lui non seulement conservé le texte sur son site, mais l’a même traduit en anglais il y a deux jours, misant sans doute sur un buzz international.

Mathias Pfund Instant Pleasure (clitoris), 2017 - Mathias Pfund

Rions ensemble tout d’abord de la prétention extravagante de ce texte qui pose que Instant Pleasure (clitoris) est une « véritable leçon d’anatomie pour les nuls et pour bien d’autres encore », et qu’il « dévoile sans pudeur la forme globale de l’organe de l’appareil reproducteur féminin ». Ces gars n’ont visiblement aucune idée de ce qu’est un clitoris. Si cet organe est aujourd’hui si méconnu et son anatomie si mal enseignée, c’est justement parce qu’il ne joue aucun rôle dans la reproduction. Ont-ils fait la moindre recherche ? On pourrait croire que non si on ne découvrait cette délicieuse page du Leman News dans laquelle Pfund confie au journaliste que le déclencheur de ce projet est l’impression du clitoris 3D de la chercheuse Odile Fillod. Il sait donc à quoi ça ressemble et à quoi ça sert.

Cet article écrit par un journaliste accompagné d’un photographe donne la parole à une femme retraitée qui manifeste son agacement devant ce projet, et à sept hommes qui semblent au choix s’en contre fiche ou s’en réjouir au point de se photographier devant la sculpture, côté double péné. Et l’on pourrait presque s’attendrir devant la citation choisie pour illustrer la réaction de trois jeunes hommes de 18 ans : « On a une pudeur, on ne sortirait pas tout nu. Mais là il n’y a rien de choquant. »
Les femmes de Neuchâtel ne semblent aller prendre leur train à la gare qu’à la retraite.

lemannews

Donc, Mathias Pfund et sa bande de copains de Smallville entendent donner des leçons qu’ils n’ont pas apprises. Le texte déroule ensuite tranquillement sa petite musique misogyne, sexualisant la sculpture et ne cachant rien de la volonté anthropomorphique de l’auteur : les « parois mouillées » par la pluie qui caresse et transforme le vernis en « durex play » (gel lubrifiant), la « silhouette » qui évoque « un cul-de-jatte qui se retourne brusquement, comme sifflé depuis le café voisin »… On exagère toujours ?

On apprend aussi que la sculpture a failli être « capable de « squirter »  l’eau calcaire du chef lieu au beau milieu de la place de l’Europe ». Pour mémoire, « squirter » vient directement de l’univers du porno, et désigne quelque-chose qu’une femme peut éventuellement faire, mais en aucun cas un clitoris. Ce qui vient confirmer que c’est bien un corps de femme qui est ici représenté, à moins que nos pieds nickelés égarés par la contemplation assidue de leur pénis aient prêté par homologie cette fonction au clitoris.

Enfin, les râles et grognements du rappeur Ol’ Dirty Bastard servant de fond sonore à la vidéo qui accompagne la communication du projet ne laissent aucun doute sur ce que le chanteur voudrait faire à la « pretty girl ». Pas sûre qu’il aient payé les droits d’auteurs d’ailleurs.

Alors, devant ce faisceau d’indices très convergent, certain·es montent au créneau : « Je le connais il est sympa. » « Au moins on en parle ». Oui mais on parle de quoi ? Quand on se pare de prétendues vertus pédagogiques, il faut assurer et assumer. Pour avoir été présente dès l’origine du projet du clitoris imprimable en 3D, je peux témoigner de l’immense travail de réflexion, d’analyse, de vérification, de pédagogie réalisé par Odile Fillod. On peut dire que Pfund ne rend pas hommage à celle qui l’a inspiré.

Avant d’interviewer Pfund, Madame Figaro a mentionné deux fois le clitoris 3D. Les journalistes ont-elles pris le temps de poser une seule question à la chercheuse qui venait de mettre gratuitement à la disposition du plus grand nombre un véritable outil pédagogique imprimé en nombre par des profs de SVT, des sexologues, des personnes qui informent sur l’excision… ? Non. Elles n’ont même pas pris le soin de faire pointer leurs articles vers l’interview réalisée par le Figaro Santé, elle-même noyée dans un tissus d’idées fausses.

Pour illustrer le second article, intitulé « Le féminisme positif, la nouvelle révolution sexuelle », le journal a choisi de passer commande à Eric Giriat. Ce choix est intéressant : dès la première page de son portfolio, on reconnait ces esquisses de femmes ultra-minces qu’affectionne la presse féminine et l’industrie de la putasserie (comme dirait Despentes). Les douze femmes-tables de la page d’accueil de son site, dont on n’ose imaginer quel sujet « féminin » elles sont censées illustrer, donnent le ton. Les dessins illustrant le plaisir des femmes sont éloquents : une zone wifi en lieu et place du pubis, un sein à la place du biceps et un interrupteur en guise de téton où il vient incruster le G qui constitue sa signature. Je ne sais pas combien il a pu être payé quant à lui, mais en ce qui me concerne, le Figaro s’est dispensé de me demander l’autorisation d’utiliser mes photos du clitoris imprimé en 3D et de me créditer, comme bien d’autres médias d’ailleurs (Télérama par exemple).

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Qu’un homme, qu’un artiste, visse une représentation fausse et anthropomorphique de deux mètres de haut du clitoris sur un rond-point suisse et les voilà qui se pâment, se précipitent sur le bienfaiteur de l’humanité pour lui ouvrir leurs pages !  C’est ainsi, c’est le privilège des mâles d’être très rapidement reconnus et admirés pour leur immense talent et leur courage transgressif par celles qu’ils méprisent : « Autant sulfureux soit-il, mon clitoris s’inscrit dans l’ensemble de mon œuvre », commente sobrement l’artiste accompli de 25 ans. Il n’y a pas une once de souffre dans ce projet, mais du sexisme et de l’opportunisme, inconscients peut-être mais bien réels. Les réactions admiratives de journaux dont le « féminisme » auto-proclamé est à discuter sont malheureusement classiques et irritantes. Le magazine Causette s’exclamait sur sa page facebook : « LA GLOIRE ! », et renvoyait au lien commercial vers son numéro spécial sur le clitoris. Aucune distance critique. Rien. Madmoizelle.com, Femina.ch, Elle Portugal… font de la pub à l’artiste, véritables « cariatides » supportant le temple des hommes.

Mais qui sont ces artistes et curateurs pédagogues qui forment Smallville-space ? Leur site nous informe que « Smallville est un espace d’art contemporain indépendant, situé à Neuchâtel et inauguré le 11 décembre 2015 par Fabian Boschung, Renaud Loda, Camille Pellaux et Sebastien Verdon. Nés entre 1979 et 1983, originaires de Neuchâtel et longtemps actifs au sein du collectif Doux-Jésus (2001-2010), qui a monté une dizaine d’expositions en Suisse romande, les 4 artistes ont depuis suivi des parcours artistiques individuels (…). » Ils montent des expos majoritairement d’hommes (plus de 85%) et sont soutenus par La Loterie Romande, la Ville de Neuchâtel qui leur alloue 4 000 francs suisses annuels et met à leur disposition le rond-point, la Fondation Bonhôte pour l’art contemporain et la Fondation Sandoz. Un journal souligne que Mathias Pfund a le vent en poupe, entre le « clitoris » et les 10.000 francs suisses que la ville de Genève vient de lui accorder sous forme de bourse. Le cadre est posé : une bande de copains artistes, soutenus par des institutions, s’exposent et exposent.

La scène qui suit est imaginaire mais elle pourrait bien expliquer comment ce projet de fontaine en est arrivé là. Nous sommes le 8 mars 2016. Apéro au « space ». Sebastien prend en photo le saucisson et le poste sur le compte instagram du groupe : #journée de la femme # no filter # womanobject… Bitchday. Attention, ils sont transgressifs les mecs, ils détournent tout, c’est des corrosifs. C’est pas comme si une bande d’ados venait de prendre sa première cuite le doigt scotché sur instagram et que la journée des droits des femmes avait une utilité quelconque. Non, du tout. Ce sont des artistes, des commissaires d’expo, des rois du hashtag hype : # t’en veux je t’en donne # baise ou encore # j’aimerais un gosse mais à laquelle de ces putains le faire ?

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Les voici donc un peu avinés lorsque Matthias leur raconte qu’il a des copines qui voudraient vraiment faire cette sculpture monumentale. Renaud dit : « y a un coup à faire avec cette histoire de clito. Ca va marcher. Toute la presse va en parler.
Camille rétorque : vu le buzz du clito 3D, si des mecs s’en mêlent c’est jackpot. Fabian, t’appelle la ville ?
– Ouais, ça marche. Et toi Mathias, fais-le bien sexe ton clit, ca va gicler !
– Et qu’est ce que je dis aux filles ?
– Elles vont pas nous faire chier non ? On leur fait leur clit’, ça va. Elles vont applaudir et puis c’est tout. C’est nous qui avons le contact avec la mairie non ? C’est nous les artistes non ? Alors. Tiens, reprends du saucisson.
– Renaud, tu nous ponds un texte bien chaud. Tu t’y connais en clit ?
– Ah ah ah, on s’en fiche !
Coup de fil au délégué culturel de la ville Patrice Neuenschwander qui dit oui-génial-les-gars et c’est parti : toi tu fais le texte, toi les photos, toi la vidéo, on appelle nos potes de la presse locale ça va les amuser et on lance le buzz. Attention Matthias aux éléments de langage : pédagogie, sulfureux, polémique  !!! Allez go ! Go !

Et voici comment un projet qui aurait pu avoir une utilité dérape et qu’un clitoris finit par ressembler à un corps de femme mutilé, avachi sur un rond-point suisse, subissant une double pénétration aux yeux de tous : un entre-soi masculin, des aides publiques, des atlantes, des cariatides, de l’opportunisme et du cynisme. Le journal Le Courrier avait vu juste en écrivant d’eux, lorsqu’ils étaient dans le collectif Doux Jésus : « Avec un terrifiant cynisme doublé d’un appétit boulimique, ces pirates de l’art dévorent tout ce qu’ils peuvent se mettre sous la dent. »

C’est ainsi que les luttes des femmes, leur travail, leur créativité et leur intelligence sont récupérés au profit d’hommes peu soucieux des conséquences sur la vie des concernées. L’art produit des images, des représentations des corps et on ne peut pas dire « c’est de l’art nous ne sommes tenus à aucune vérité » tout en se proclamant « pédagogique ». C’est un grand classique et les militantes pour les droits des femmes, contre les violences, pour une meilleure visibilité… ont toutes des exemples similaires, à la pelle. Je ne suis pas sûre que ces histoires parviennent aux oreilles des responsables de ces détournements. Chose réparée ici.

Alors pour finir je vous envoie sur le fichier du clitoris 3D que nous avons conçu avec l’aide du carrefour numérique de la Cité des Sciences de la Villette et puisque beaucoup de gens racontent n’importe quoi, Odile Fillod, qui ne se prend pas pour la mère du clitoris 3D, a fait un site internet d’utilité publique : clit’info. Tout ce travail n’a reçu aucune aide financière bien entendu, et mon travail photo et vidéo a été tellement pillé par les médias du monde entier que je m’en suis fait une raison : c’est pour la bonne cause. Il faut bien gérer la colère d’une façon ou d’une autre. Certains de mes confrères font des procès. Je n’ai pas les moyens d’en faire.

Puisqu’on en est là, j’en ai un, de projet pédagogique, et un excellent. Je pourrais peut-être demander de l’argent en Suisse parce qu’en France c’est pas facile, et l’Agessa va encore me demander à la fin de l’année si je suis bien encore artiste vu mes revenus qui baissent et donc éventuellement supprimer ma sécurité sociale pour finir.

Ce projet, c’est la suite logique d’Atlantes & Cariatides : des interviews qui vont montrer ce que le genre fait à l’art. C’est et ça s’appelle Visuelles.art. Dans une des interviews réalisées, Camille Morineau dit : « l’argent, c’est le nerf de la guerre ».

Je suis en guerre effectivement et je ne suis pas seul·e à l’être. En guerre contre les atlantes et les cariatides, et j’ai besoin d’argent pour la mener. Si vous pouvez soutenir ce projet, si vous connaissez quelqu’un qui peut le faire, c’est ici et maintenant.

Et enfin, quand la scientifique répond à l’artiste, c’est de la pédagogie et du grand art.

 

Marie Docher

 

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