L’Imaginaire de la Commune

NB: une première version de cette note de lecture avait été (trop vite) mise en ligne vendredi 30 janvier 2015. Celle qui suit la remplace.

arton897Kristin Ross : L’Imaginaire de la Commune, La fabrique éditions, janvier 2015

On attribue d’ordinaire à la Commune de Paris une durée de 72 jours – du 18 mars 1871, lorsque des Parisiennes et Parisiens de Montmartre empêchèrent la réquisition des canons de la ville par les troupes d’Adolphe Thiers, à la sinistre « Semaine sanglante » au cours de laquelle ces mêmes troupes assouvirent la soif de vengeance de la bourgeoisie française en massacrant les insurgé·e·s. Cette réduction temporelle est cohérente avec le récit qui fait de la Commune une réaction nationaliste contre les Prussiens et leurs « collabos » versaillais. Cette histoire à tendance républicaine (la Commune serait la mère de la IIIe République, alors qu’en réalité, cette dernière naquit de son écrasement[1]) escamote commodément une réalité pourtant bien comprise, à l’époque, jusque par les anticommunards. Ainsi, comme le rapporte Kristin Ross, l’un d’entre eux imputait-il « les événements qui v[enai]ent de se dérouler à Paris aux clubs et aux réunions […], au désir de ces gens de vivre mieux que leur condition ne le permet » (p. 21). Ces mots indiquent sans ambiguïté qu’il s’agissait là de lutte des classes, et pas seulement d’une réaction nationaliste. La fin du Second Empire (parfois appelée « Empire libéral », par contraste avec ses premières années, dites « Empire autoritaire »), voit monter l’effervescence révolutionnaire dans les milieux populaires. « S’il fallait faire remonter l’histoire de la Commune à un unique point de départ, il ne serait pas idiot de choisir le 19 juin 1868, date de la première réunion publique non autorisée à Paris sous le Second Empire », dit l’historien Robert Wolfe cité par Kristin Ross (p. 21). « Dès les premiers mois de 1869, poursuit-elle, on en appelait à la Commune dans toutes les réunions, et “Vive la Commune” était le cri qui ouvrait et concluait les séances dans les clubs du nord de Paris, les plus révolutionnaires […] » (p. 26). Ainsi, lorsque le peuple prit le pouvoir durant le siège de Paris, le nom de Commune s’imposa-t-il tout naturellement. La Commune commence donc bien avant la guerre de 1870, mais encore, elle perdure bien au-delà de sa défaite militaire – et cet article, et surtout le livre auquel il se réfère, n’en sont que des énièmes traces supplémentaires. En effet, l’événement va survivre et connaître de nouveaux développements dans les esprits, les écrits, les actions des communards exilés et de leurs camarades – Kristin Ross s’intéresse ici surtout à trois d’entre eux : William Morris, Élisée Reclus et Pierre Kropotkine. À Genève et à Londres, ces trois-là et beaucoup d’autres ont non seulement commémoré, mais célébré la Commune, et développé ses idées et intuitions essentielles. Cette belle étude de Kristin Ross étudie ainsi la généalogie du communisme anarchiste qui réunit ces trois auteurs. Arrêtons-nous donc sur quelques « actes importants », bien que rarement mis en avant, de la Commune.

« […] Loin d’indiquer un retour aux principes de la révolution bourgeoise de 1789, le mot d’ordre de la République universelle lancé par les communards marque leur rupture avec l’héritage de la Révolution française, en faveur d’un véritable internationalisme ouvrier. Trois actes importants devaient montrer à quel point ce mot d’ordre avait été repensé pour servir des fins nouvelles : l’incendie de la guillotine sur la place Voltaire le 10 avril ; la destruction, le 16 mai, de la colonne Vendôme, édifiée à la gloire des conquêtes napoléoniennes ; et la création le 11 avril de l’Union des femmes.

Quand un groupe constitué principalement de femmes traîna une guillotine sous la statue de Voltaire et y mit le feu, il s’agissait vraisemblablement de briser toute équivalence entre révolution et échafaud. La destruction de la colonne Vendôme fut, d’après le communard Benoît Malon, un acte de protestation contre les guerres entre les peuples et de défense de la fraternité internationale. » (p. 30-31.)

« L’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés se développa rapidement en mettant sur pied des comités qui se réunissaient quotidiennement dans presque tous les arrondissements de Paris. Elle devint la plus grande et la plus efficace des organisations de la Commune. […] Ses membres venaient des corps de métier les plus divers mais les travailleuses de l’habillement – couturières, blanchisseuses, tailleuses, drapières – étaient les plus nombreuses. […] L’Union imaginait une réorganisation complète du travail des femmes et la fin de l’inégalité économique fondée sur le genre en même temps qu’elle répondait, comme l’indique son nom complet, à l’urgence de la situation de combat et à la nécessité de participer à l’ambulance, de fabriquer des sacs de sable pour les barricades et de servir sur ces mêmes barricades. “Nous voulons le travail, mais pour en garder le produit. […] Plus d’exploiteurs, plus de maîtres ! […] Le travail et le bien-être pour tous.”[2] » (p. 36-37.)

Il n’est pas indifférent de savoir que la fondatrice de l’Union des femmes était une jeune russe de 20 ans, Élizabeth Dmitrieff qui, avant de venir à Paris au moment de la proclamation de la Commune, venait de passer trois mois à Londres à discuter avec Marx « des organisations rurales traditionnelles russes, l’obscina et l’artel » (p. 32) – formes de coopératives « spontanées » entre travailleurs des champs et de l’artisanat. L’Union des femmes, ensuite, projeta d’organiser des ateliers autonomes de femmes, qui s’intégreraient, tout en préservant leur indépendance, à l’organisation fédérative de la Commune…

Les Versaillais firent de la participation d’étranger·ère·s à la Commune un thème récurrent de leur propagande : ainsi, « le Chevalier d’Alix, auteur d’un dictionnaire anticommunard, note à l’entrée “étranger” : “Ce qui constitue la majorité des insurgés parisiens. – On les évalue à 30 000 de toutes les nationalités”. Et Taine, dans une lettre écrite en mai 1871, parle d’“environ cent mille insurgés aujourd’hui, dont cinquante mille étrangers.” » (p. 39). Même si ces chiffres sont exagérément grossis, il est bien vrai que la Commune s’était donné pour idéal la République universelle. Il faut cependant bien préciser ce qu’elle entendait sous ce terme : une « association volontaire de toutes les intiatives locales[3] » – ou, comme l’entendait Reclus, une « libre confédération de collectivités autonomes. » Et au cas où ces définitions ne seraient pas encore suffisamment claires, Gustave Lefrançais, autre communard, ajoute : « Le prolétariat n’arrivera à s’émanciper réellement qu’à la condition de se débarrasser de la République, dernière forme, et non la moins malfaisante, des gouvernements autoritaires. » (p. 49.)

Kristin Ross étudie ensuite les actions et les idées de la Commune qui furent reprises et développées par les trois « communistes anarchistes » déjà cités, Morris, Reclus et Kropotkine. Dans le chapitre intitulé « Luxe communal », elle examine « les idées sur l’art et l’éducation qui circulaient pendant la Commune et les actions menées par les communards dans ces deux domaines » (p. 51). Là comme ailleurs, l’élément essentiel est celui de la polyvalence des hommes et des femmes, et du refus de la séparation entre eux-mêmes et le contenu de leur activité. Cela commence par la revendication d’une école « polytechnique » qui en finit avec la division entre « manuels » et « intellectuels ». Par ailleurs, la Commune instaure l’éducation publique, gratuite, obligatoire et laïque. Plus tard, la IIIe République s’en inspirera pour son projet d’école publique. Mais bien sûr, les contenus et le style ne seront plus les mêmes – il suffira de rappeler que la Commune se voulait internationaliste, tandis que la IIIe République mena une politique impérialiste et développa l’exploitation coloniale.

Réunis au sein de la Fédération des artistes, les artistes et artisans remirent en cause les barrières entre leurs métiers (ainsi de la peinture et de la gravure ou de la sculpture et de la fonderie, par exemple, ou des beaux-arts et des arts décoratifs). Des cordonniers revendiquaient le nom d’ « artistes chaussuriers » tandis que des artistes, loin de se préoccuper, comme on aurait pu s’y attendre, de patrimoine artistique ou de statut de l’artiste, voulaient, comme l’affirmait le manifeste de leur Fédération, concourir « à notre régénération, à l’inauguration du luxe communal et aux splendeurs de l’avenir et à la République universelle » ; ainsi, commente Kristin Ross, « dans son sens le plus étendu, le “luxe communal” que le comité tendait à inaugurer suppose de transformer les coordonnées esthétiques de l’ensemble de la communauté » (p. 73). William Morris, l’auteur anglais du roman utopiste Nouvelles de nulle part, et l’un des « principaux soutiens britanniques de la mémoire de la Commune », reprit ces orientations révolutionnaires dans sa conférence « L’art en ploutocratie » (in Contre l’art d’élite) : « Au préalable, je vous demanderai d’étendre l’acception du mot “art” au-delà des productions artistiques explicites, de façon à embrasser non seulement la peinture, la sculpture et l’architecture, mais aussi les formes et les couleurs de tous les biens domestiques, voire la disposition des champs pour le labour et la pâture, l’entretien des villes et de nos chemins, voies et routes ; bref, d’étendre le sens du mot “art”, jusqu’à englober la configuration de tous les aspects extérieurs de notre vie. » (p. 80.) Contre la propagande versaillaise, qui prétendait que partager, c’était « nécessairement partager la misère », le « luxe communal » ripostait « en proposant un type de monde absolument différent : un monde où chacun prenait sa part du meilleur » (p. 81).

Kropotkine, quant à lui, décida à l’automne 1871 d’abandonner ses études scientifiques et géographiques pour se consacrer au militantisme politique. Lors d’un voyage d’étude en Suède et en Finlande, il réalisa, en observant les conditions de vie des paysans pauvres, qu’il ne servirait à rien d’imaginer de meilleurs systèmes de production agricole à partir des plus récentes découvertes scientifiques, tant que leur condition misérable les empêcherait ne serait-ce que d’envisager de les mettre en œuvre « Tant qu’une transformation sociale complète ne donnerait pas aux paysans le loisir de penser et de développer leur vie intellectuelle la contradiction entre sa propre situation et la leur serait trop grande […] Il refusa le poste à la Société [impériale]de géographie [qu’on venait de lui proposer à Saint-Pétersbourg]. » (p. 85.) À peu près au même moment, William Morris marchait en Islande. « C’est parmi les pêcheurs et les paysans d’Islande, écrivit-il plus tard, qu’il “apprit une leçon […] : que la misère la plus noire est un mal dérisoire à côté de l’inégalité des classes”. » (p. 86.) Kropotkine, lui, tira de ce voyage et de quelques autres (en Sibérie particulièrement) les bases de sa « théorie évolutionniste de la coopération qu’il développa dans L’Entraide. » Et la Commune elle aussi nourrit sa réflexion : « À quoi voulez-vous que les deux millions de Parisiens et de Parisiennes s’appliquent quand ils n’auront plus à habiller et à amuser les princes russes, les boyards roumains et les dames de la finance de Berlin ? », demandait-il. « Sa réponse », nous dit Kristin Ross, « est une vision extrêmement détaillée de Paris résolvant ses problèmes d’approvisionnement par l’emploi de méthodes horticoles intensives dans tout le département de la Seine et de la Seine-et-Oise. » (p. 87.) Les conditions de contrainte extrême d’un siège comme celui de Paris et celles qui règnent sur les étendues glacées des pays nordiques ont ainsi amené aussi bien Morris (qui voyagea lui aussi en 1871, mais en Islande) que Reclus (dont les périples géographiques le menèrent à travers la terre entière) et Kropotkine, à réfléchir à une voie véritablement communiste, seule possibilité de les affronter tout en transformant la vie des hommes et des femmes d’une façon désirable. Tous les trois étaient aussi d’accord sur le refus de toute autorité centralisée (État), qu’elle soit justifiée par des nécessités géographiques ou politiques. Leur modèle resta toujours celui de la Commune, soit une fédération de communes libres. Mais attention : « commune » n’a pas nécessairement pour eux une signification géographique – il s’agit simplement d’un regroupement d’égales et d’égaux qui peut se produire sur de tout autres bases que territoriales. Surtout, ils mettaient en garde contre l’isolement de ces communes, qui leur ferait courir un grave danger d’anéantissement par l’État et le capital. Ici, nous retrouvons une ambivalence que nous connaissons encore aujourd’hui : comment de petites « communes libres », souvent indispensables pour créer et maintenir des bases et des ressources d’opposition radicale au capitalisme (on peut regrouper sous ce nom des communautés, des coopératives, des groupes divers et variés) peuvent-elles échapper à « la contamination par des institutions extérieures comme la propriété privée et la subjugation des femmes » ? « C’est qu’on ne s’isole point impunément, prévenait Reclus : l’arbre que l’on transplante et que l’on met sous verre risque fort de n’avoir plus de sève, et l’être humain est bien plus sensible encore que la plante. La clôture tracée autour de lui par les limites de la colonie ne peut que lui être mortelle. Il s’accoutume à son étroit milieu et, de citoyen du monde qu’il était, il se rapetisse graduellement aux simples dimensions d’un propriétaire. » (p. 147.)

Pour terminer, Kristin Ross évoque le rôle de précurseurs de la pensée écologiste qui est aujourd’hui reconnu à nos trois penseurs anarchistes. Cependant, observe-t-elle, il est rare qu’on fasse allusion à la Commune lorsqu’on évoque cette dimension. « Pourtant, si l’on doit avancer des hypothèses sur ce qui peut attirer des militants et des théoriciens d’aujourd’hui vers ce corpus de pensée, il faut souligner non seulement son appréhension visionnaire de la nature antiécologique du capitalisme, mais aussi le caractère singulièrement intransigeant de cette appréhension. Et c’est là, selon moi, qu’on peut attirer l’attention sur une autre conséquence majeure, pour les penseurs en question […], du fait d’avoir vécu l’événement récent de la Commune, l’ampleur de ses aspirations aussi bien que la sauvagerie de son anéantissement. Pour aucun d’entre eux il n’était question de réforme ou de solution partielle. La réparation de la nature ne pouvait venir que du démantèlement complet du commerce international et du système capitaliste. » (p. 171.)

Nous étions déjà redevables à Kristin Ross d’un bel essai sur Mai 68 et ses vies ultérieures[4] dans lequel elle s’élevait contre l’interprétation réductrice qui fait de Mai 68 le tremplin du néolibéralisme. Elle nous donne aujourd’hui un (petit, 186 pages) livre important et tout à fait passionnant, à lire d’urgence pour qui se doute que l’événement de la Commune ne fut pas ce « miracle révolutionnaire » que l’on nous présente parfois, pour mieux le couper de ses ascendants et de l’imaginaire qu’il continue d’engendrer.

Notes

[1] Kristin Ross reproduit par exemple (p. 45) les propos d’un « socialiste républicain », quelques années après la Commune : « […] C’est une grande tâche qui nous incombe de répandre la république sur la terre. Si nous continuions la désastreuse campagne de l’abandon colonial, ce serait briser le premier échelon qui mène à la république universelle. […] La Commune avec ses 50 000 morts a sauvé la République : le Tonkin, Madagascar, Tunis, l’Algérie l’ont agrandie. […] La France escorte un trésor à travers le monde : la République. » (Louis Riel, « Socialisme et colonies », 1886.)

[2] Élizabeth Dmitrieff, « Appel aux citoyennes de Paris », dans Journal officiel, 11 avril 1871.

[3] « Déclaration au peuple français », 19 avril 1871, Journal officiel, 20 avril 1871.

[4] Coédition Complexe et Le Monde diplomatique, 2005.

Emission Sorcières – janvier 2015 | LANGUES DE FRONDE

feminism-encourages-what-179x300Trouvée sur le web, voici l’émission Sorcières. Il s’agit du numéro de janvier 2015 de « Langues de fronde », émission mensuelle réalisée et proposée sur FPP (Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM), par une équipe non-mixte qui se présente ainsi: « Nous nous considérons comme féministes. Et le féminisme pour nous c’est le combat des femmes, gouines et trans pour elles/eux mêmes, et contre le sexisme et l’hétéro-patriarcat. »

Au programme, deux invitées: Camille Ducellier et Isabelle Cambourakis. Il y est question de la réédition  de deux ouvrages féministes dans une nouvelle collection, Sorcières, aux éditions Cambourakis: Starhawk, Rêver l’obscur, femmes, magie et politique, et Barbara Ehrenreich, Deirdre English, Sorcières, sages-femmes et infirmières. Camille Ducellier est l’auteure de Guide Pratique du féminisme divinatoire, éditions Joca Seria.

Emission Sorcières – janvier 2015 | LANGUES DE FRONDE.

CFCV, Collectif Féministe Contre le Viol

Le collectif féministe contre le viol (CFCV) lance une nouvelle campagne d’information via des spots télévisés.

Parce que, dans 8 cas sur 10, l’auteur du viol
fait partie de l’entourage de la victime, en parler peut être difficile.
Pour un soutien anonyme et une écoute solidaire, appelez
Viols-Femmes-Informations 0800 05 95 95.
Nous pouvons vous aider.
extrait de la campagne PROCHES

voir le spot : https://www.youtube.com/watch?v=yC0ytKdth5Y

Un dossier de presse (et, plus généralement, des infos sur le collec tif et ses actions) sont disponibles ici: CFCV, Collectif Féministe Contre le Viol.

Pourquoi des listes de soignant.e.s dressées par les patient.e.s ?, par Martin Winckler

J’ai répercuté ces jours-ci sur ma page Facebook et mon flux Twitter l’adresse de Gyn&Co, site d’information donnant des noms de soignant.e.s féministes. La liste n’est pas composée par des médecins mais par des patient.e.s. Elle recourt à des critères nombreux (et parfois subjectifs, ce qui n’a rien de problématique à mes yeux) ; certains professionnels se sentent gênés, d’autres offusqués par cet annuaire. D’autres – j’en fais partie – appelaient de leurs voeux ce type d’initiative dès les années soixante-dix. Rien que pour ça, je bénis l’Internet.

En tant que professionnel de santé, engagé depuis longtemps dans des activités de partage de ce type, je constate qu’elles ne vont pas de soi pour d’autres professionnels. Le texte qui suit vise à expliquer pourquoi, à mon avis, ces initiatives sont non seulement inévitables, en France, mais également souhaitables et nécessaires.

Lire la suite par ici: http://ecoledessoignants.blogspot.fr/

Publicis et Tefal invitent à la violence conjugale

Trouvé cet article sur le blog de Patric Jean:

Tefal vient de lancer une campagne publicitaire dont on se demande comment elle a pu être validée. Conçue par Publicis Conseil Paris Creative Directors : Fabrice Delacourt, Olivier Desmettre elle fait voir une femme dans une position dont les connotations sont très lisibles.

la pub en question

On y observe donc une femme allongée sous la plance à repasser et menacée d’un fer qui s’apprête à la frapper. Le slogan « respect you clothes » respectez vos vêtements nous indique que la femme a mal fait son travail et qu’elle est ainsi punie. Les « créatifs » ont voulu montrer la femme, renversée sur le sol, maintenue par la chemise et la planche qui la prolonge de la même couleur. C’est donc tout un corps qui l’écrase et lui fait violence. La femme terrorisée, détourne le visage et hurle. Lire la suite par ici: Publicis et Tefal invitent à la violence conjugale.

Lettre d’adieu d’une jeune transgenre

imagesLeelah Alcorn est morte aux alentours de 2h du matin dans la nuit dimanche 28 décembre sur une autoroute de l’Ohio, aux abords de Cincinatti, en se jetant sous les roues d’un semi-remorque, rapporte le média local WCPO. Un geste prémédité par la jeune fille trans âgée de 17 ans, puisque quelques heures plus tard, un message programmé à l’avance a été publié sur son tumblr. Elle y raconte son histoire et pourquoi elle a choisi de se donner la mort.

«DIEU NE FAIT PAS D’ERREUR»
«Si vous lisez ceci, cela signifie que je me suis suicidée et que je n’ai donc pas pu supprimer cette publication avant sa diffusion. S’il vous plaît, ne soyez pas tristes, tout est pour le mieux. La vie que j’aurais vécue ne valait pas la peine d’être vécue… car je suis transgenre. Je pourrais raconter en détail pourquoi je vois les choses ainsi, mais cette note est probablement déjà assez longue comme ça. En quelques mots, j’ai le sentiment d’être une fille prise au piège dans un corps de garçon et je ressens cela depuis mes 4 ans. Je n’ai jamais su qu’il y avait un mot pour exprimer ce sentiment, ni qu’il était possible pour un garçon de devenir une fille, alors je ne l’ai jamais dit à qui que ce soit et j’ai simplement continué à faire ce que font traditionnellement tous les garçons pour essayer de rentrer dans le moule.»

«J’avais 14 ans quand j’ai appris ce que signifie le mot transgenre et j’ai crié de joie. Après 10 années de confusion, j’ai enfin compris qui j’étais. Je l’ai immédiatement dit à ma mère et elle a très mal réagi, me disant que ce n’était qu’une phase, que je ne serais jamais vraiment une fille, que Dieu ne fait pas d’erreur et que j’avais tort. Si vous êtes parent et que vous lisez cela, ne dites jamais rien de tel à vos enfants. Même si vous êtes chrétien.ne ou que vous êtes contre les personnes transgenres, ne dites jamais ça à personne, particulièrement à votre enfant. Cela ne fera que les pousser à se haïr. C’est exactement ce qui s’est passé pour moi.»

«Ma mère m’a emmenée chez un.e thérapeute, mais elle ne m’emmenait que chez des thérapeutes chrétien.ne.s (qui étaient tou.te.s biaisé.e.s) donc je n’ai jamais pu bénéficier de la thérapie qui m’aurait permis de guérir de ma dépression. Il y a juste eu de plus en plus de chrétien.ne.s me disant que j’étais égoïste et que j’avais tort et que je devais demander de l’aide à Dieu.»

«LEUR PARFAIT PETIT GARÇON CHRÉTIEN HÉTÉROSEXUEL»
«L’année de mes 16 ans, je me suis rendu compte que mes parents ne me comprendraient jamais et que je devrais attendre jusqu’à mes 18 ans pour commencer le moindre processus de transition, ce qui m’a brisé le cœur. Plus on attend, plus la transition est difficile. Je me suis sentie désespérée, j’ai eu l’impression que je ressemblerais à un homme travesti jusqu’à la fin de ma vie. Pour mon 16e anniversaire, quand mes parents ont refusé de donner leur consentement pour que je commence ma transition, j’ai pleuré jusqu’à ce que je finisse par m’endormir.»

«J’ai commencé à me comporter en mode “je vous emmerde” avec mes parents et je suis sortie du placard en tant que gay à l’école, en pensant que cela faciliterait peut-être mon coming-out trans’ qui représenterait un choc moindre. Même si la réaction de mes ami.e.s a été positive, mes parents étaient énervé.e.s. Ils ont eu l’impression que je m’attaquais à leur image et que je cherchais à les embarrasser. Ils voulaient que je sois leur parfait petit garçon chrétien hétérosexuel, et c’est clairement quelque chose que je ne voulais pas.»

«Alors ils ne m’ont pas permis de retourner à l’école, ils ont pris mon ordinateur portable et mon téléphone et m’ont interdit d’utiliser le moindre réseau social, ce qui m’a complètement isolé.e de mes ami.e.s. C’est probablement la partie de ma vie pendant laquelle j’ai été la plus déprimée et je suis surprise de ne pas m’être suicidée. J’ai été complètement seule pendant cinq mois. Pas d’ami.e.s, pas de soutien, pas d’amour. Juste la déception de mes parents et la cruauté de ma solitude.»

«PAS D’ÉCHAPPATOIRE»
«À la fin de l’année scolaire, mes parents ont finalement changé d’avis et m’ont rendu mon téléphone et m’ont permis de retourner sur les réseaux sociaux. J’étais excitée, j’allais enfin pouvoir retrouver mes ami.e.s. Tou.te.s s’extasiaient de me revoir et de me parler, mais seulement au début. Mes ami.e.s ont finalement réalisé que je ne représentais rien à leurs yeux, et je me suis sentie encore plus seule qu’avant. Les seul.e.s ami.e.s que je pensais avoir ne m’aimaient que parce qu’ils/elles me voyaient cinq fois par semaine.»

«Après un été passé à n’avoir presque aucun.e ami.e et le fardeau de devoir réfléchir à l’université, d’économiser de l’argent pour partir, d’avoir toujours de bonnes notes, d’aller à l’église chaque semaine et de me sentir comme une merde parce que tout le monde là-bas était contre tout ce pour quoi je vis, j’ai décidé que j’en ai eu assez. Je ne réussirai jamais à faire une transition, même une fois partie. Je ne serai jamais heureuse de mon apparence. Je n’aurai jamais assez d’ami.e.s pour me combler. Soit je vis le reste de ma vie comme un pauvre homme qui rêve d’être une femme, soit je vis ma vie comme une femme seule qui se hait. Pas possible de gagner. Pas d’échappatoire. Je suis déjà assez triste, je n’ai pas besoin que ma vie le soit plus encore. Les gens disent “ça ira mieux”, mais dans mon cas ce n’est pas vrai. Ça empire. Chaque jour, je vais de pire en pire.»

«Voilà l’essentiel, voilà pourquoi j’ai envie de me suicider. Désolée si cela ne vous paraît pas être une raison valable, ça l’est pour moi. Concernant mon testament, je veux que l’intégralité de ce que je possède légalement soit vendu et que cet argent (en plus de mon argent à la banque) soit donné à des associations de défense des trans’ et à des groupes de soutien, peu m’importe lesquels. Je ne reposerai en paix que si un jour les personnes transgenres ne sont plus traitées comme je l’ai été, que si elles sont traitées comme des êtres humains, avec des sentiments reconnus et des droits humains. On doit enseigner le genre à l’école, et le plus tôt est le mieux. Il faut que ma mort ait un sens. Ma mort doit être comptée parmi les personnes transgenres qui se suicident chaque année. Je veux que quelqu’un regarde ce chiffre, se dise “bordel” et change les choses. Changez la société. S’il vous plaît.»